Risques géopolitiques et "signes de faiblesse" de l'économie japonaise: la Banque du Japon (BoJ) s'est dite avant-hier vigilante, mais pas inquiète au point de modifier sa politique d'assouplissement monétaire visant à lutter contre la déflation. L'institut, qui espère atteindre d'ici 2016 "une progression des prix de 2% par an de façon durable", rendait sa copie à l'issue d'une réunion de deux jours de son organe de direction. Le diagnostic reste optimiste: la troisième puissance économique mondiale "continue de se reprendre modérément", juge la BoJ. Et tout geste de soutien supplémentaire est exclu dans l'immédiat. Différence notable toutefois dans un communiqué scruté à la loupe, la banque centrale estime désormais que les exportations et la production industrielle ont "montré des signes de faiblesse". Les exportations ont en effet du mal à redécoller, contribuant aux lourds déficits commerciaux de l'archipel qui ont atteint un record au premier semestre. La forte dépréciation du yen, qui a perdu un cinquième de sa valeur face à l'euro et au dollar depuis l'arrivée au pouvoir fin 2012 de Shinzo Abe, n'a pas eu les effets escomptés sur ce point, a reconnu le gouverneur de la BoJ, Haruhiko Kuroda, lors d'une conférence de presse. Hasard du calendrier, le gouvernement avait dévoilé un peu plus tôt un lourd déficit courant pour juin, qui a ancré dans le rouge le solde pour les six premiers mois, un fait inédit depuis que sont ainsi compilées ces statistiques (1985). Quant à la production industrielle, elle a diminué de 3,3% au cours du même mois, sa plus forte chute mensuelle depuis celle qui a suivi le tsunami de mars 2011, et le ministère de l'Industrie parle à présent d'une "tendance baissière". La faute en revient à la hausse d'une taxe sur la consommation dont le passage de 5% à 8% le 1er avril a entraîné une contraction de la demande. "Les effets (de cette mesure) ont commencé à s'estomper progressivement", estime cependant la BoJ, se félicitant aussi d'une amélioration sur le front de l'emploi (faible taux de chômage), des revenus des ménages et des résultats financiers des entreprises.
Impact géopolitique limité Interrogé sur les risques géopolitiques, alors que l'indice Nikkei de la Bourse de Tokyo a clôturé au plus bas vendredi depuis deux mois, M. Kuroda s'est là aussi voulu serein. Ukraine, Proche-Orient, Irak: les tensions "ont récemment augmenté, nous surveillons attentivement leur impact, mais à ce stade il n'y en a pas de direct sur l'économie japonaise", a assuré le gouverneur, à la différence de l'économie européenne. Dans ce contexte tendu, le président de la Banque centrale européenne (BCE), l'Italien Mario Draghi, avait mis en garde jeudi contre un ralentissement de la reprise en zone euro, tout en maintenant son principal taux directeur inchangé à 0,15%, son plus bas niveau historique. La BoJ a fait preuve, sans surprise, du même calme en décidant à l'unanimité de continuer à augmenter la base monétaire de 60 000 milliards à 70 000 milliards de yens par an (435 milliards à 500 milliards d'euros), principalement via l'acquisition d'obligations d'Etat. En inondant les circuits de liquidités depuis avril 2013, elle espère enclencher un cercle vertueux: inciter les banques à prêter aux entreprises et consommateurs, pousser ces derniers à acheter avant que les tarifs ne s'élèvent, et ainsi dynamiser l'activité. Le ton employé semble écarter tout nouvel assouplissement à court terme. "A moins qu'émergent des signes clairs d'un déraillement de la reprise" du fait de la "TVA" à 8%, la banque centrale devrait "simplement confirmer en octobre l'extension de sa politique actuelle", relève Marcel Thieliant de Capital Economics. Il table cependant sur une accélération du rythme au printemps 2015 face au ralentissement de l'inflation, qu'il attend autour de 1% (hors effet TVA) dans les prochains mois, et non 1,25% comme l'espère la BoJ.