Sans surprise, la Banque du Japon a maintenu avant-hier en l'état sa politique d'assouplissement monétaire qui vise à relancer l'économie nationale, braquant tous les regards sur le gouvernement Abe qui doit annoncer des réformes structurelles. A l'issue d'une réunion de deux jours, son comité de politique monétaire a décidé à l'unanimité de continuer à augmenter la masse monétaire au Japon de 60 000 à 70 000 milliards de yens en rythme annuel (430 à 500 milliards d'euros), en achetant notamment davantage d'obligations d'Etat sur le marché secondaire. Lors de sa réunion précédente il y a trois semaines, la BoJ avait adopté un ton optimiste laissant entendre qu'il ne fallait pas attendre de sa part de geste de soutien supplémentaire à l'économie. Son gouverneur, Haruhiko Kuroda, a même dernièrement pressé le gouvernement d'agir à son tour, comme celui-ci s'y est engagé, afin de doper le potentiel de croissance de la troisième puissance économique mondiale. Comme la BoJ laisse entendre, à dessein, qu'il ne faut pas compter sur elle pour mettre encore plus d'argent dans les circuits pour l'instant, les regards se tournent naturellement vers le Premier ministre Shinzo Abe. En revenant au pouvoir en décembre 2012, ce dernier avait promis de soutenir l'économie par la dépense budgétaire, ce qu'il a fait, et par une politique monétaire audacieuse, qu'il a inspirée en nommant M. Kuroda à la tête de la BoJ en mars 2013. En inondant depuis les circuits de liquidités, l'objectif de la BoJ est de convaincre les Japonais que les prix vont augmenter pour les pousser à acheter avant que les tarifs ne s'élèvent, afin in fine de dynamiser l'activité - tout le contraire de la déflation à laquelle les autorités veulent mettre fin. En 2013, la croissance a atteint 1,5% et le FMI prévoit qu'elle s'établira à 1,4% en 2014 puis 1,0% en 2015. M. Abe s'est toutefois aussi engagé à lancer des "réformes structurelles" destinées à doper à long terme le potentiel de croissance. C'est sur ce troisième axe, ou cette "troisième flèche" comme il l'appelle, qu'il est attendu au tournant par le marché, par des organisations internationales comme le FMI et désormais par la BoJ elle-même. Le Premier ministre pourrait présenter les grandes lignes d'une série de réforme dès ce vendredi, notamment une baisse de l'impôt sur les sociétés réclamée à cor et à cri par le patronat depuis des années.
2% d'inflation visés En attendant, quelques analystes commencent même à penser que la BoJ, qui dit voir sa politique "produire les effets voulus", n'assouplira plus du tout sa politique monétaire, et finira au contraire par la resserrer. "Il est prématuré d'écarter tout nouvel assouplissement" à l'avenir, a toutefois estimé Marcel Thieliant, chercheur à Capital Economics qui souligne que l'inflation, tournant actuellement autour de 1,25%, n'atteindra pas d'ici la fin de l'année les 2% visés par la BoJ. Dans l'immédiat, la banque centrale a répété qu'elle allait poursuivre sa politique d'assouplissement monétaire "autant que nécessaire pour parvenir à son objectif de progression des prix de 2% par an de façon durable", se disant simplement prête à des "ajustements" si nécessaire, sans autre précision. Son communiqué de politique monétaire reprend quasiment mot pour mot celui du 21 mai. L'institut y répète notamment que l'économie japonaise "continue de se reprendre modérément, malgré une baisse de la demande consécutive à la forte hausse des achats ayant précédé l'augmentation de la taxe sur la consommation" le 1er avril. Ce jour-là, cette taxe (équivalente à la TVA française) est passée de 5% à 8%. De nombreux Japonais ont fait provision de divers produits avant cette échéance et ont donc logiquement moins dépensé ensuite, bien que la BoJ ne semble pas alarmée outre mesure par ce trou d'air largement attendu.
Baisse de la production industrielle Par ailleurs, la production industrielle au Japon a diminué de 2,8% en avril sur un mois, affectée par la hausse d'une taxe sur la consommation qui a réduit l'activité intérieure, a annoncé le ministère de l'Industrie dans des données révisées. Une estimation préliminaire avait fait état d'un repli un peu moins brutal, de 2,5%. Les usines nippones ont notamment produit moins de voitures et de cellules photovoltaïques, a précisé le Meti qui juge désormais que la production industrielle "stagne", alors qu'il l'estimait "en progrès" depuis des mois jusqu'à présent. Après avoir fortement augmenté en mars en prévision de la hausse le 1er avril d'une taxe sur la consommation (équivalente à la TVA française), la demande intérieure s'est contractée en avril après le passage de cet impôt indirect de 5% à 8%. Les livraisons des entreprises industrielles ont ainsi chuté de 5,0% en avril sur un mois, tandis que leurs stocks s'effritaient de 0,5% (données inchangées), toujours d'après le Meti. D'après une enquête du ministère auprès des professionnels, ces derniers s'attendent à un rebond de 1,7% de la production industrielle en mai sur un mois, avant une rechute de 2,0% en juin. Au-delà de ces oscillations brutales liées à la hausse de taxe, l'important pour la troisième puissance économique mondiale sera de générer de nouveau de la demande intérieure à partir de cet été, un enjeu de taille pour la politique de relance du Premier ministre de droite Shinzo Abe, surnommée "Abenomics". L'atmosphère est globalement meilleure dans le monde industriel depuis le retour au pouvoir de M. Abe qui fait de la relance de l'archipel la priorité de son mandat. Sur un an, la production industrielle a grimpé de 3,8% (et non de 4,1% comme indiqué au départ), d'après les données d'avril publiées vendredi. Depuis son arrivée il y a près d'un an et demi, le Premier ministre a ordonné l'équivalent d'une centaine de milliards d'euros de dépenses de relance budgétaire et poussé la BoJ à assouplir sa politique monétaire. Il s'est aussi engagé à soutenir l'activité des entreprises par des réformes réglementaires et pourrait annoncer dès vendredi une baisse de l'impôt sur les sociétés. L'ensemble vise à sortir le pays d'une déflation d'une quinzaine d'années qui a pour conséquence importante de décourager l'investissement des entreprises.