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L'épuisement du fonds de régulation des recettes induira un processus inflationniste élevé avec d'inévitables tensions sociales
Publié dans Le Maghreb le 30 - 01 - 2016

Il existe une loi universelle : un déficit budgétaire induit automatiquement un processus inflationniste. Dans ce cas, l'Algérie, avec la baisse du cours des hydrocarbures et le dérapage accéléré du dinar par rapport tant au dollar qu'à l'euro.
Le gouvernement algérien ne peut le comprimer indéfiniment grâce aux mesures monétaires, qui sont des mesures conjoncturelles, à la hausse de la fiscalité qui risque d'amplifier la sphère informelle, et aux importations qui eux-mêmes connaissent une restriction accélérant ce processus du fait de la rigidité de l'offre intérieure. Un taux d'inflation élevé impliquera nécessairement le relèvement du taux d'intérêt bancaire pouvant freiner l'investissement productif, ne pouvant plus généraliser les taux d'intérêt bonifié qui constitue un transfert de rente. Or la source de l'APS, organe officiel du gouvernement, en date du 24 janvier 2016 annonce une baisse de 80% durant uniquement les 10 premier mois de l'année 2015, de l'alimentation du fonds de régulation des recettes de 80% qui risque d'aller vers l'épuisement courant 2017.
1.-La loi de finances 2016 a prévu des dépenses budgétaires de 7.984,1 milliards Da (mds DA) dont 4.807,3 mds DA de dépenses de fonctionnement et 3.176,8 mds DA de dépenses d'équipement, soit une baisse de 9% par rapport à 2015. Quant aux recettes budgétaires, elles sont estimées à 4.747,43 mds DA composées de 3.064,88 mds DA de recettes ordinaires et de 1.682,55 mds DA de fiscalité pétrolière. La loi de finances 2016 table sur une inflation contenue à 4%, un solde global du Trésor déficitaire de 2.452 mds DA. Le cours adopté étant de 98 dinars un dollar, le déficit budgétaire prévu est de 3236,8 milliards de dinars soit 33,02 milliards de dollars. Le cours du dinar le 24 janvier 2016 est de 106,805 dinars un dollar. Ce glissement du dinar voile l'importance du déficit budgétaire dont la fiscalité pétrolière dont les exportations (97/98/% avec les dérivées) se font en dollars et le fonds de régulation des recettes et gonfle les taxes douanières de tous les produits importés dont 60% en euro dont le cours officiel le 24 janvier 2016 est de 116, 6996 dinars un euro. En rappelant que 70% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d'intégration ne dépasse pas 15% proviennent de l'extérieur, accentuant donc les coûts de production par l'inflation importée. Le FRR est alimenté de l'écart entre la fiscalité pétrolière effectivement recouvrée et celle budgétisée sur la base de 37 dollars/baril. La loi de finances 2016 prévoit des réserves du Fonds de régulation des recettes (FRR) de 1.797 mds de DA à fin 2016.La dépêche de l'organe officiel d'infirmation APS le 24 janvier 2016 nous apprend que les versements au Fonds de régulation des recettes (FRR) ont chuté de plus de 80% durant les 10 premiers mois de l'année 2015 en s'établissant à 255,95 milliards de dinars (mds DA) contre 1.307,36 mds DA durant la même période de 2014 et que les prélèvements opérés à partir de ce Fonds, destinés à financer le déficit du Trésor public, ont atteint 1.850 mds DA entre janvier et octobre 2015 contre 2.965,67 mds DA Rappelons que le Fonds de régulation des recettes (FRR) a été fortement sollicité en 2014. Selon les données de la Direction générale de la prévision et des politiques (DGPP) du ministère des Finances, reprises par l'APS, les avoirs prélevés du FRR ont atteint 2.965,6 mds de DA en 2014 (contre 2.132,4 mds de DA en 2013), soit les plus importants retraits enregistrés depuis 2000. Ces prélèvements opérés en 2014 ont servi exclusivement à financer le déficit du Trésor de l'année dernière, qui s'est creusé à 2.965,6 mds de DA, un plus haut jamais atteint depuis 2000. A fin 2014, les avoirs du FRR s'étaient établis, après prélèvements, à 4.408 mds de DA (contre 5.563 mds de DA à fin 2013. 37 dollars le baril, le versement au FFR est égal à zéro. L'année 2016, ce fonds sera fortement sollicité pour couvrir le déficit budgétaire déjà très élevé, même si on accélère le dérapage du dinar pour le gonfler artificiellement. Comme le cours moyen pour l'Algérie 2015 a été supérieur à 52 dollars, et si on prend l'hypothèse d'un cours entre 30/40 dollars pour 2016, le fonds s'épuisera début 2017.
2.- Selon l'ONS, en 2015 , Le taux d'inflation en Algérie tenant compte des subventions de bon nombre de produits de première nécessité , a été de 4,8% , contre 2,9% en 2014 et 3,3% en 2013), la loi de finances complémentaire 2015 ayant tablé sur un taux d'inflation de 4% contre une prévision de 3%. N'oublions jamais que l'économie est comme le corps humain, elle est production de marchandises par des marchandises. Une hausse du prix d'un produit qui entre dans la composante d'autres produits, se répercute sur l'ensemble du corps économique impliquant une planification stratégique et des mécanismes de régulation transparents pour éviter les effets pervers. Je tiens à préciser que le taux d'inflation ( voir notre interview APS 23/01/2016) se calcule par rapport à la période précédente. Ainsi un taux d'inflation faible en 2015 par rapport à un taux d'inflation élevé en 2014 donne un taux cumulé élevé entraînant la détérioration du pouvoir d'achat, notamment des revenus fixes. Concernant l'indice global de l'inflation, il doit être régulièrement réactualisé car le besoin est historiquement daté, les besoins évoluant. Le taux d'inflation officiel est biaisé, devant l'éclater par produits selon le modèle de consommation par couches sociales (fonction de la stratification du revenu national) et surcroît comprimé artificiellement par les subventions sinon il dépasserait les 10%. Car la perception de l'inflation est différente d'une personne qui perçoit 200 euros par mois de celle qui perçoit 10.000 euros n'ayant pas le même modèle de consommation. Un agrégat global comme le revenu national par tête d'habitant peut voiler d'importantes disparités entre les différentes couches sociales. Une analyse pertinente devrait lier le processus d'accumulation, la répartition du revenu et le modèle de consommation par couches sociale, devant déflaté par le taux d'inflation réel pour déterminer le véritable pouvoir d'achat. Avec la chute du cours des hydrocarbures, faute d'avoir assis une économie productive concurrentielle , l'Algérie se retrouve dans un cercle vicieux : l'inflation accélère les revendications sociales pour une augmentation des salaires qui à leur tour en cas de non productivité accélère l'inflation. Comme la détérioration du pouvoir d'achat accroît soit l'endettement des ménages ou accélère la déthésaurisation des ménages notamment les couches moyennes qui se paupérisent en la mettant en circulation, leur épargne gonflant la masse monétaire en circulation, accélérant, en cas de rigidité de l'offre, le processus inflationniste. Lorsque l'Etat a les moyens financiers, l'importation de produits subventionnés joue comme tampon transitoire. On le constate récemment. Faute de prévisions, avec le retour aux licences d'importation et les quotas, du fait de la rigidité de l'offre, nous assistons à la fois à un processus inflationniste qui touche bon nombre de produits ou la demande existe, comme le ciment, le rond à béton , devant assister à un accroissement du coût de logements, et un cours du dinar sur le marché parallèle qui dépasse les 180 dinars un euro s'orientant vers 200 dinars un euro. Il existe quatre raisons à l'inflation en Algérie. La première raison de l'inflation est le manque de cohérence de la politique socio-économique, la non proportionnalité entre la dépense publique reflété par la faiblesse de l'offre par rapport à une forte demande, et les impacts économiques et sociaux Cela a évidemment, un impact autant sur le taux d'inflation que sur le taux de chômage réel qui est largement supérieur au taux officiel. La deuxième raison, liée à la première, est la faiblesse d'une politique salariale cohérente privilégiant les créateurs de valeur ajoutée, le travail et l'intelligence au profit d'emplois rente ce qui fait que la productivité globale est une des plus faible au niveau de la région méditerranéenne. La troisième raison est l'extension de la sphère informelle où plus de 80% des transactions se font en cash alors que la base de l'économie moderne repose sur le contrat et le crédit, La quatrième raison avec la dévaluation du dinar don le cours est corrélé à 70% aux réserves de change eux-mêmes provenant de la rente des hydrocarbures, est l'inflation importée énuméré précédemment..
3.- Qu'en sera-t-il avec l'éclatement de la cellule familiale et en cas de chute du cours des hydrocarbures ne pouvant plus subventionner , un couple avec deux enfants devant percevoir minimum entre 35.000 et 45.000 dinars/mois pour uniquement substituer et devant éviter un nivellement par le bas pour des raisons populistes suicidaires, devant revoir la politique des subventions qui doivent profiter qu'aux catégories les plus vulnérables. Toute Nation ne peut distribuer que de qu'elle a préalablement produite quitte à aller vers la dérive politique, sociale et économique devant tenir compte de la croissance démographique et le versement de salaires sans contreparties productives, la population étant passée de 35,6 millions d'habitants au 1er janvier 2010 à plus de 40 au 1er janvier 2016 et s'orientant vers 50 horizon 2030 avec une demande de couverture nouvelle des besoins sociaux et une demande additionnelle d'emplois entre 300.000/400.000/an. Sans une nouvelle gouvernance, une nouvelle politique socio-économique, la maîtrisé de la dépense publique, un retour à la croissance supposant une visions stratégique reposant sur les véritables producteurs de richesses qui sont les entreprises publiques ou privées sans distinction, et son fondement l'économie de la connaissance, avec la pression démographique, la baisse des recettes de Sonatrach qui engendre une dévaluation du dinar , le retour à l'inflation semble inévitable avec des incidences à la fois socio-économiques et politiques. Cela aura des incidences négatives tant sur le taux d'intérêt bancaire qui devra être relevé, si l'on veut éviter la faillite des banques, que sur le pouvoir d'achat des Algériens notamment les plus vulnérables. Le risque est le frein à l'investissement productif, une spirale inflationniste, selon le cercle vicieux -revendications sociales, augmentation des salaires sans corrélation avec la productivité, inflation et revendications sociales. Avec l'inquiétude vis-à-vis de l'avenir, l'absence de morale et la faiblesse de la gouvernance tant centrale que locale, avec ce retour accéléré de l'inflation, qui contribue à une concentration du revenu au profit d'une minorité rentière, la majorité des Algériens veulent tous et immédiatement leur part de rente, quitte à conduire l'Algérie au suicide collectif. Or l'épuisement des hydrocarbures traditionnels est prévu au maximum à horizon 2030 au moment où la population algérienne tendra vers 50 millions d'âmes. Invoquer les réserves de change qu'il s'agit de bien utiliser ne provenant pas du travail, est une illusion, le capital argent n'ayant jamais crée de valeur étant seulement un moyen, étant une richesse virtuelle qu'il s'agit de transformer en richesses réelles. Force est de constater que depuis 1986, l'Algérie est dans une interminable transition n'étant ni une économie étatisée, ni une véritable économie de marché concurrentielle, expliquant le peu d'efficacité tant de la régulation politique, sociale et économique. Le risque est donc l'amplification de l'inflation et du chômage déjà surestimé par les emplois improductifs pour calmer le front social, les sureffectifs dans les entreprises publiques et les administrations, ces dernières ne créant pas de valeur. Autre impact, le budget défense risquent d'avoir des coupes d'où l'importance, afin d'éviter un plus grand ralentissement économique, de prévoir rapidement une loi-programme défense/sécurité y compris la DGSN afin d'optimaliser la dépense. Avec les tensions géostratégiques, il y a lieu grâce à la coopération internationale, de mutualiser les efforts contre le terrorisme, l'Algérie ne pouvant à l'avenir supporter seule l'effort de la stabilisation de la région.
La situation est préoccupante, Pouvoir et Opposition doivent donner des solutions crédibles et non se réfugier dans des promesses irréalistes. Ceux qui donnent des leçons de nationalisme doivent savoir qu'à l'avenir l'amélioration du pouvoir d'achat et le véritable nationalisme des Algériens, quel que soit le niveau de responsabilité, se mesurera par leur contribution à la valeur ajoutée interne. Le renouveau impliquera le dialogue productif et le retour à la confiance sans laquelle aucun développement n'est possible. C'est la condition de la mobilisation de toutes les algériennes et les algériens sans exclusive car les ajustements économiques et sociaux seront douloureux entre 2016/2020. Mais elles seront nécessaires afin d'éviter un retour au FMI où les ajustements seront encore plus douloureux.
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Professeur des Universités, Expert International Dr Abderrahmane MEBTOUL


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