Deutsche Bank est proche d'un accord avec les Etats-Unis sur le paiement d'une amende de 5,4 milliards de dollars pour solder un litige immobilier remontant à la crise financière, a indiqué vendredi une source proche du dossier. Cette information apaisait quelque peu les inquiétudes des marchés financiers qui redoutaient qu'une amende colossale finisse par fragiliser la banque, forçant un sauvetage public avec des pertes importantes pour les actionnaires et les créanciers. Une facture à 5,4 milliards de dollars est en effet nettement en dessous des 14 milliards initialement demandés par le département de la Justice (DoJ) et en phase avec les 5,5 milliards mis de côté par Deutsche Bank pour résoudre ce contentieux. Un accord pourrait être annoncé dans les prochains jours, a ajouté la source sous couvert d'anonymat. Rien n'est attendu ce week-end, a-t-elle ajouté, prévenant que rien n'était définitif et que le montant pourrait encore évoluer. Le DoJ et Deutsche Bank se sont refusés à tout commentaire. Rebond des banques A Wall Street, les actions Deutsche Bank s'envolaient de 13,79% à 13,07 dollars vers 16H30 GMT, entraînant dans leur sillage les valeurs bancaires, le spectre d'un affaiblissement du secteur financier mondial semblant s'éloigner pour l'instant. Le titre de la banque allemande avait fini sur un bond de 6,39% à Francfort. JPMorgan Chase prenait 1,69% à 66,76 dollars, Goldman Sachs 1,54% à 161,40 dollars, Citigroup 3,01% à 47,18 dollars, Bank of America 3,03% à 15,62 dollars et Morgan Stanley 2,61% à 31,85 dollars. En Europe, les valeurs bancaires, malmenées tout au long de la semaine, ont rebondi pour la plupart en fin de séance vendredi. A Paris, BNP Paribas a pris 0,80% à 45,77 euros, Credit Agricole 0,95% à 8,07 euros. En Suisse, UBS a pris 1,53% à 13,23 francs suisses et Credit Suisse 0,87% à 12,71 francs suisses, tandis que Santander a fini stable à 3,95 euros à Madrid. Les inquiétudes autour de Deutsche Bank ont contaminé l'ensemble du secteur bancaire européen en pleine restructuration depuis la violente crise financière de 2008-2009. "Le secteur financier étant la branche la plus sensible et la plus fragile, les incertitudes peuvent vite avoir des effets secondaires non voulus", explique Robert Halver, analyste de la banque Baader. Selon lui: "le battement d'aile d'un papillon peut provoquer l'éruption d'un volcan." Le FMI estime que Deutsche Bank est la banque la plus susceptible au monde de causer des dommages, par effet domino, en cas de faillite. Sa capitalisation boursière s'est effondrée récemment à environ 16,9 milliards de dollars. Défiance "Les multiples tentatives pour calmer la situation tant du gouvernement, des autorités financières et de Deutsche Bank elle-même ont presque l'effet inverse chez les investisseurs", estime Clemens Bundschuh, analyste de la banque LBBW. Un avis partagé par Alexandre Baradez, analyste de IG France. La posture de statu quo adoptée par la banque et le gouvernement allemand ont tendance à "entretenir les inquiétudes sur les banques", avance l'expert. La perspective d'une amende colossale avait ravivé le spectre d'une augmentation de capital ou d'un sauvetage public de l'établissement, déjà en lutte avec une rentabilité en berne et une très longue liste d'autres litiges judiciaires. Des investisseurs dont une dizaine de fonds spéculatifs avaient commencé à réduire leur exposition à l'établissement, car ils redoutent d'essuyer des pertes importantes. Dans une lettre aux salariés diffusée vendredi, le patron John Cryan a fustigé "certaines forces sur le marché, qui veulent miner la confiance en nous". Outre Deutsche Bank, Commerzbank, deuxième banque allemande, fait également l'objet d'une désaffection des marchés après avoir annoncé un vaste plan de restructuration, avec quelque 9 600 postes supprimés et pas de dividende jusqu'à nouvel ordre. "Nous allons devoir vivre avec une volatilité certaine", a prévenu vendredi Martin Zielke, le patron. Deutsche Bank est accusée, comme d'autres grandes banques, d'avoir vendu à des investisseurs avant l'éclatement de la crise financière de 2007-2008 des prêts hypothécaires résidentiels (RMBS), qui sont des crédits immobiliers convertis en produits financiers, tout en sachant qu'ils étaient toxiques. Quatre grandes banques américaines, JPMorgan Chase, Citigroup et Morgan Stanley et Bank of America ont déjà accepté de payer un montant cumulé de 40 milliards de dollars pour solder des poursuites liées aux RMBS. Barclays, UBS, Credit Suisse et Royal Bank of Scotland (RBS) sont également dans le collimateur des autorités américaines. Résoudre ses propres problèmes Le président de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem a mis en garde vendredi le géant allemand de la banque dans la tourmente Deutsche Bank qu'il devrait "résoudre ses propres problèmes" et survivre sans l'aide de l'Etat. Jeroen Dijsselbloem considère toutefois "trop élevée" l'amende de 14 milliards de dollars (12,4 milliards d'euros) exigée par les autorités américaines, assurant que cela faisait grandir les problèmes au sein du système bancaire européen. Vendredi, la Deutsche Bank a donné des sueurs froides aux marchés et à l'ensemble du secteur bancaire européen, la dégringolade de son action dans la matinée confortant les craintes sur sa grande fragilité. En cause d'abord, la menace d'une amende record de 14 milliards de dollars aux Etats-Unis, réclamée par la justice américaine pour mettre un terme à un litige remontant à la crise des "subprimes". La perspective d'une telle charge financière sur l'établissement, déjà en lutte avec une rentabilité en berne et une très longue liste d'autres litiges judiciaires, a enclenché un tourbillon de rumeurs, faisant fuir davantage les investisseurs. Mercredi, le ministère allemand des Finances a dû fermement démentir la préparation d'un plan public de sauvetage. Mais vendredi nouveau coup dur: plusieurs fonds d'investissement ont choisi de retirer leur argent de Deutsche Bank. "L'entreprise elle-même doit régler les choses", a réagi M. Dijsselbloem, qui est aussi le ministre néerlandais des Finances, auprès de journalistes avant la réunion hebdomadaire du gouvernement à La Haye. "En Europe, nous avons maintenant déterminé de manière régulière et légale qu'une banque devait résoudre ses propres problèmes", a-t-il ajouté. Cela signifie que, si nécessaire, "la facture est présentée aux investisseurs, aux actionnaires et aux porteurs d'obligations et non aux autorités", a déclaré M. Dijsselbloem, cité par la radiotélévision publique NOS. Avec plus de 1 600 milliards d'euros à son bilan et 100 000 salariés, Deutsche Bank est un mastodonte aux pieds d'argile. Les spécialistes estiment que la banque va parvenir à réduire le montant de l'amende américaine liée aux subprimes mais redoutent que les 5,5 milliards mis de côté par l'institut ne suffisent pas à régler l'ensemble des litiges. Une augmentation de capital pourrait être nécessaire, mais la banque s'y refuse pour l'instant. "Les spéculations sont infondées", a assuré vendredi le patron John Cryan dans une lettre aux salariés.