Autrefois fleuron de la finance allemande, le groupe bancaire Deutsche Bank n'en finit pas de s'effondrer en Bourse, plombé par ses errements passés et par des inquiétudes grandissantes quant à sa santé. L'action Deutsche Bank a atteint mercredi un nouveau plus bas historique en clôture à la Bourse de Francfort, à 11,54 euros, portant sa chute depuis le début de l'année à près de 49%, la plus mauvaise performance du Dax. Sur dix ans, le déclin est encore plus marqué: en mai 2007, à la veille du déclenchement de la crise des subprimes, le titre de la banque culminait à plus de 100 euros. La banque n'a pas souhaité commenter cette érosion, qui alimente de fréquentes spéculations d'augmentation de capital. Comme la plupart de ses rivales européennes, celle que les marchés surnomment la "Deutsche" a durement souffert ces dernières semaines des incertitudes liées au Brexit. S'y ajoute la fragilité chronique du secteur bancaire italien, qui sème le doute parmi les investisseurs concernant la solidité des autres instituts européens. Ces difficultés, communes à tout le secteur, se greffent sur des faiblesses propres à Deutsche Bank, récemment qualifiée de "source majeure de risque" par le Fonds monétaire international (FMI). Le groupe allemand, avec plus de 1 600 milliards d'euros à son bilan et 100 000 salariés, "apparaît comme le plus important contributeur net aux risques systémiques au sein du secteur bancaire international, devant HSBC et Crédit Suisse", écrit le Fonds dans une étude publiée fin juin. Pour ne rien arranger, la filiale américaine de Deutsche Bank a échoué pour la deuxième fois consécutive à des tests de résistance organisés par la Réserve fédérale américaine aux Etats-Unis, a fait savoir la semaine dernière la banque centrale.
Effondrement 'spectaculaire' "L'effondrement de Deutsche Bank est spectaculaire", a récemment confié une source au sein d'une grande banque européenne. Il semble bien loin le temps où Deutsche Bank faisait la fierté de toute l'Allemagne, comptant parmi les fleurons de l'industrie financière mondiale et promettant un objectif de rendement de ses fonds propres de 25% sous l'ère de son ancien patron, Joseph Ackermann. Une époque qui fut aussi celle de tous les excès. Engluée dans près de 8 000 litiges judiciaires dans le monde, plombée par une très lourde restructuration, un environnement de taux au plus bas et un durcissement de la réglementation bancaire, Deutsche Bank a essuyé l'an dernier une perte de presque 7 milliards d'euros, là où sa compatriote Commerzbank, nettement plus modeste en taille, a engrangé un bénéfice de 1 milliard d'euros. Comble de l'humiliation, Deutsche Bank a dû renoncer à verser un dividende à ses actionnaires pour l'exercice en cours et le suivant, ce qu'elle n'avait pas fait même au plus fort de la crise financière. Au sein du géant allemand, l'ambiance s'en ressent. Moins de la moitié du personnel est fier d'y travailler, selon un sondage récemment dévoilé par la banque elle-même. Les départs se multiplient. Mercredi, c'est le patron de la division de courtage sur les devises, Ahmet Arinc, qui était donné partant par plusieurs médias.
Nouveau Lehman ? "Il y a une vraie inquiétude sur les marchés concernant la banque. Elle a beaucoup de casseroles, elle a en outre des positions énormes sur le marché des dérivés. Beaucoup redoutent qu'elle ne devienne un nouveau Lehman", déclare une source financière francfortoise sous couvert d'anonymat. En 2008, l'effondrement de la banque d'affaires américaine Lehman Brothers avait été le point de départ d'une crise financière mondiale, suivie à l'été 2011 d'une crise de la dette en zone euro. A la tête de Deutsche Bank depuis un an, le Britannique John Cryan a promis de réaliser 3,8 milliards d'euros d'économies d'ici 2018, réduire drastiquement les coûts, tailler dans le bilan et améliorer la rentabilité, en mettant notamment l'accent sur le numérique. Ce plan stratégique passe par la suppression de 3000 postes en Allemagne et la fermeture de 188 agences sur le sol allemand.