La situation des prisonniers politiques sahraouis dans les prisons marocaines est "insoutenable" et constitue "une violation grave" du droit international, a affirmé jeudi l'activiste portugaise Isabel Lourenço, dénonçant l'attitude de la communauté internationale qui "s'est rendue complice" en maintenant le silence sur cette occupation. "Il est urgent que la communauté internationale prenne des mesures et que le silence entourant cette question soit brisé", a-t-elle déclaré au lendemain de la présentation de son rapport 2016 sur la situation des prisonniers politiques sahraouis devant les membres de l'intergroupe "Paix pour le Sahara occidental" au Parlement européen. Les procédures judiciaires sont illégales, selon cette activiste qui réclame "la libération immédiate" de tous les prisonniers politiques dans la mesure où il n'y a aucune preuve confirmant les crimes dont ils sont accusés. Isabel Lourenço assure que "la détention arbitraire, les enlèvements, les mauvais traitements et la torture sont une réalité" dans les prisons marocaines, affirmant même qu'il s'agit d'une "pratique courante" à l'égard des prisonniers sahraouis. Les conditions d'incarcération sont "choquantes", a-t-elle affirmé, soulignant que la nourriture est rare, et les coups, les humiliations et autres mauvais traitements sont subis quotidiennement par les prisonniers politiques sahraouis. "Souvent les affaires personnelles des prisonniers leur sont enlevées par les gardiens, et ils doivent dormir sans vêtements ni couverture", a-t-elle déploré. Dénombrant plus de 60 prisonniers politiques sahraouis actuellement dans les prisons marocaines, Lourenço soutient que ces détenus sont humiliés, quotidiennement, par les gardiens, qui encourageaient également les autres prisonniers à les maltraiter. Tous les prisonniers se plaignent d'infection rénale, de douleur générale dans le dos, essentiellement due à la torture, et de rhumatismes en raison de l'obligation de dormir à même le sol, sans aucun vêtement ni couverture, selon cette activiste portugaise. Elle assure que tous les anciens prisonniers politiques sahraouis rencontrés durant son séjour au Sahara occidental, affirment dans leurs témoignages avoir été victimes de tortures, de longues périodes d'isolement total, d'humiliations, de privation de nourriture, de coups quotidiens et de manque de l'hygiène la plus élémentaire. Au moins 30 techniques de tortures Détaillant les différentes méthodes de tortures pratiquées dans les prisons marocaines contre les Sahraouis, Isabel Lourenço fait état d'"au moins 30 techniques différentes" utilisées par les forces marocaines d'occupation. Elle cite, à ce titre, "le passage à tabac, les brûlures par cigarettes, les brûlures par produits chimiques, l'inhalation de produits chimiques, le retournement des doigts et des ongles des pieds, le maintien dans le noir, la simulation de noyade, l'électrocution, la flagellation, le fouettement de la plante des pieds, le gavage, la pendaison par les pieds, les mutilations, la privation d'oxygène, l'agression sexuelle, l'isolement total, la privation de sommeil et la privation de nourriture." Ces techniques de torture, et bien d'autres encore, sont décrites non seulement par d'anciens prisonniers politiques, mais aussi dans des rapports établis par des observateurs aux procès où les prisonniers dénoncent ce type de pratiques et réclament une expertise médicale. Toutefois, "ces allégations ne font jamais l'objet d'enquêtes diligentées par les juges", a-t-elle regretté, soulignant que la torture n'est pas utilisée, seulement, pour obtenir des aveux, mais aussi pour "soumettre" ou "rééduquer" les prisonniers politiques sahraouis. L'activiste portugaise dénonce, en outre, l'énorme distance, plus de 1000 km, que les familles doivent parcourir pour rendre visite aux prisonniers sahraouis, "détenus dans des prisons relevant d'un autre Etat qui n'est pas le sien: le Maroc", et les transferts arbitraires d'une prison à une autre sans avertir qui que ce soit. Selon cette activiste, l'occupation du Sahara occidental a été rendue possible par "la présence écrasante des forces militaires, de la police et des forces auxiliaires marocaines et leurs manières brutales", et aussi par le fait que la communauté internationale "s'est rendue complice en maintenant le silence sur cette occupation, avec l'impasse actuelle au Conseil de sécurité de l'ONU". La communauté internationale ne peut pas continuer à faire des accords commerciaux et autres avec la puissance occupante qui n'excluent pas le Sahara occidental, a-t-elle plaidé, estimant que tous ces accords doivent être dénoncés jusqu'à la mise en œuvre du référendum d'autodétermination des Sahraouis. "Notre objectif après la présentation du rapport devant les eurodéputés et de lever le voile sur le véritable visage de l'occupant marocain, soit disant, partenaire privilégié de l'UE et amener celle-ci à faire pression sur les autorités marocaines pour que cesse l'occupation du Sahara occidental", a-t-elle expliqué. "25 ans après la signature de l'accord de cessez-le-feu, lequel n'a jamais été rompu par les Sahraouis, qui continuent à résister pacifiquement, la patience de la population est à bout", a-t-elle encore averti.