Le ministre des Finances, Abderahmane Raouia, a présenté mardi devant la commission des Finances et du Budget de l'Assemblée populaire et nationale (APN), un exposé détaillé de la situation financière et économique que vit le pays suite à la chute des prix du pétrole dans les marchés internationaux qui a conduit à une sévère réduction des revenus du pays amenant le gouvernement à recourir au financement non conventionnel comme solution pour réaliser l'équilibre du budget de l'Etat. S'exprimant lors de sa présentation du projet de loi complétant et modifiant l'Ordonnance relative à la monnaie et au crédit , en présence du ministre des Relations avec le Parlement, Tahar Khaoua, M. Raouia a affirmé que l'Etat faisait face depuis 2014 à des contraintes financières qui exerçaient à l'heure actuelle de "fortes pressions" sur le Trésor et sont dues au "recul de nos revenus financiers et un épuisement complet de nos épargnes". Les ressources en devises , dépendant fortement des recettes des exportations des hydrocarbures, régressent progressivement depuis le deuxième semestre 2014 en raison du recul constant des cours du pétrole qui ont chuté de 58 dollars le baril entre la fin mai 2014 et fin juillet 2017, a indiqué M. Raouia. Le ministre a expliqué qu'en raison de la tendance à la baisse des prix du pétrole brut, les exportations algériennes des hydrocarbures sont passées de 60,3 milliards de dollars en 2014 à 32,7 milliards de dollars en 2015, à 27,1 milliards de dollars en 2016 et à 18,7 milliards de dollars au cours des sept premiers mois de l'année 2017. Le ministre a en outre fait savoir que la fiscalité pétrolière recouvrée jusqu'à juin 2017 était de 1.100 milliards de dinars, soit 60% de celle recouvrée à la même période en 2014.
Flexibilité de l'économie nationale Entretemps, les réserves de change qui ont atteint 105,8 milliards de dollars à fin juillet dernier, pourraient régresser pour atteindre 97 milliards de dollars à la fin de l'année 2017, a-t-il indiqué. En dépit de ces pressions, l'économie nationale a fait preuve jusque-là "d'une certaine flexibilité qui lui a permis d'éviter une crise financière aigüe", relevant que cette situation tend à "faiblir en raison de contraintes ayant trait au déséquilibre entre les recettes et les dépenses de l'état et une réduction de l'épargne publique". Pour faire face à ces besoins, le gouvernement a recouru en 2016 et 2017 à une série de mesures monétiques et financières en vue de mobiliser des ressources supplémentaires. Dans ce contexte, M. Raouya a relevé que pour couvrir les besoins du Trésor public, le budget des années 2016 et 2017 a utilisé tous les moyens en sa disposition, notamment des avances de la Banque d'Algérie au profit du Trésor sur les découverts sur les comptes courants représentant 10% des recettes ordinaires de l'Etat, ce qui a permis d'attribuer au Trésor 276 milliards de dinar en 2016 et 280 milliards de dinars en 2017. Les intérêts de la Banque d'Algérie ont également été versés au Trésor public à hauteur de 610 milliards de dinars en 2016, et à hauteur de 919 milliards de dinars en 2017, en sus de 560 milliards de dinars représentant les revenus de l'emprunt national pour la croissance économique, et un emprunt extérieur à hauteur de 105 milliards de dinars souscrit auprès de la Banque africaine de développement (BAD). S'agissant du financement non conventionnel , M. Raouia a fait savoir que ce projet de loi a été élaboré dans "une conjoncture économique et financière particulière". M. Raouya a assuré que le risque d'inflation, conséquence du recours au financement non conventionnel, fera l'objet d'un contrôle "rigoureux", affirmant que l'utilisation du financement non conventionnel sera encadrée et que chaque retrait sera soumis à un "contrôle minutieux". Il a ajouté à ce sujet que les besoins seront fixés annuellement sur la base du déficit financier suivant un programme tracé par le gouvernement, relevant qu'une commission placée auprès du ministère des Finances assurera le contrôle et le suivi de mise en œuvre du financement non conventionnel. Le recours au financement non conventionnel sera accompagné en outre par un programme de réformes structurelles économiques et budgétaires en vue d'aboutir au rétablissement des équilibres du budget de l'Etat et de la balance des paiements au terme des cinq années prévues par le projet de loi, a affirmé le ministre des Finances. Il a ajouté que l'Etat poursuivra l'application du nouveau modèle de croissance économique en sus d'une mobilisation des ressources internes, une rationalisation des dépenses, une amélioration de la programmation du budget et du recouvrement fiscal, l'élargissement de l'assiette fiscale, la généralisation du E-paiement, l'introduction de nouveaux produits bancaires dits produits islamiques et le développement des produits d'assurance.
Des modifications en adéquation avec le contexte économique En réponse aux préoccupations des membres de la Commission des finances et du budget à l'Assemblée populaire nationale, M. Raouia a affirmé que la loi de finances 2018 comprendra des modifications conformes au contexte économique actuel, notamment certains amendements relatifs à la fiscalité et aux impôts, l'obligation pour les commerçants d'utiliser les terminaux de paiement électronique ce qui permettra d'absorber les fonds circulant aux marchés parallèles ainsi que le dégel des projets, particulièrement dans les secteurs de l'éducation et de la santé.
Eviter l'endettement extérieur à tout prix "Le gouvernement s'est engagé à adopter la franchise lors de son discours sur la situation financière du pays et sur les mesures relatives à l'amélioration de cette situation", a-t-il affirmé. M. Raouia a ajouté que le gouvernement n'avait pas recouru aux "solutions faciles" pour surmonter la situation actuelle comme le relayaient certains, soutenant que "le gouvernement aurait renoncé, si c'était le cas, aux subventions destinées aux catégories vulnérables et à la libéralisation des prix", mais le gouvernement a décidé de préserver tous les acquis sociaux et de recourir à quelques mesures à même de maintenir l'équilibre de l'économie nationale. "L'Algérie a recouru au financement intérieur au lieu de l'endettement extérieur pour éviter les conséquences du recours aux institutions monétaires internationales, tel que fut le cas durant les années 90". Concernant la destination des recettes du financement non-conventionnel, M.Raouia a affirmé qu'"elles seront destinées aux projets transparents et non au paiement des salaires ou la consommation locale". Il a annoncé que son département ministériel était en passe de présenter au gouvernement un projet d'une loi organique " important" à même de rajouter plus de transparence dans la gestion et la maîtrise des dépenses publiques. Interrogé sur l'ouverture des agences bancaires algériennes à l'étranger, le ministre des Finances a indiqué qu'une réflexion a été amorcée en vue d'inaugurer une agence d'une banque publique en France au vu du nombre important de la communauté algérienne dans ce pays. Cette expérience sera vulgarisée dans d'autres pays. Les banques algériennes ont procédé à la modernisation de leurs systèmes à l'instar de la banque du développement locale (BDL) qui s'est dotée depuis quelques mois d'un système informatique développé assurant la gestion numérique de toutes ses transactions, ajoutant que la modernisation sera généralisée à toutes les banques ainsi qu'au niveau du secteur des impôts pour l'élargissement et intensification du recouvrement fiscal.
Abaissement des réserves obligatoires des banques D'autre part, le ministre des Finances, Abderahmane Raouia, a relevé que l'abaissement du taux des réserves obligatoires des banques a permis de dégager à deux reprises en 2016 et 2017, un total de 707 milliards de DA. M. Raouia a affirmé que pour injecter plus de liquidités aux banques et permettre à ces dernières de contribuer au financement de l'économie, le taux des réserves obligatoires des banques a été abaissé à deux reprises. L'abaissement à deux reprises du taux de ces réserves a été opéré en mai 2016 (de 12% à 8%), puis en juillet 2017 (de 8 à 4%), générant respectivement pour les deux années (2016 et 2017), 360 milliards de DA, dont 314 milliards de DA au profit des banques publiques, et 347 milliards de DA ,dont 301 milliards DA au profit des banques publiques, a précisé le ministre. Le ministre a, en outre, souligné que durant cette période- qui a connu un recul constant des cours du pétrole sur les marchés mondiaux-, le déséquilibre entre les recettes et les dépenses budgétaires s'est accentué, aboutissant ainsi, à une résorption progressive, année après année, de l'épargne publique cumulée dans le Fonds de régulation des recettes (FRR) qui a été également utilisé pour ramener l'endettement externe à moins de 300 millions de dollar en 2015, a-t-il soutenu avant d'ajouter que " les disponibilités du FRR ont toutes été utilisées". Depuis, les pressions sur le Trésor n'ont pas cessé de s'accentuer entraînant un grand besoin en financement tandis que les cours du pétrole continuent à baisser, a ajouté M. Raouya, relevant que les prévisions internationales font ressortir que les cours du pétrole ne vont pas augmenter à court et moyen termes et prévoient une stabilisation des prix autour de 50 dollars le baril. Pour faire face au recul important enregistré depuis fin 2014 des capacités de financement du déficit interne et externe, les réserves du Fonds de régulation des recettes ont été sollicitées pour couvrir le déficit du Trésor public estimé à 8.800 milliards de dollars au cours des trois dernières années (2014-2016). Ces réserves sont épuisées depuis février 2017.
Un impôt sur la fortune Un impôt sur la fortune sera proposé dans l'avant-projet de Loi de finances 2018, a indiqué pour sa part, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, en réponse aux préoccupations des membres du Conseil de la Nation soulevées lors des débats sur le programme d'action du gouvernement. Le Premier ministre a précisé qu'il s'agirait d'une introduction d'un impôt sur la fortune "d'une manière plus directe", tout en ajoutant qu'il existe déjà un impôt sur le patrimoine. M. Ouyahia a aussi tenu à souligner que par ses barèmes, cet impôt sur la fortune "ne concernera pas 90% des Algériens".
Les réserves en or à plus de 6 milliards de dollars Les réserves de l'Algérie en or représentent actuellement l'équivalent de plus de six (6) milliards de dollars, a indiqué mercredi le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, en réponse aux préoccupations des membres du Conseil de la Nation soulevées lors des débats sur le plan d'action du gouvernement. Ce montant vient en plus des réserves de change qui sont de l'ordre de 102 milliards de dollars en septembre en cours, a-t-il ajouté. Selon le Premier ministre, ce montant des réserves algériennes en or est "le résultat de la sagesse" de Kaid Ahmed qui, en tant que ministre des Finances (au milieu des années 60), avait acquis ces quantités qui ont pris de la valeur avec le temps.