A quelques jours de la fin du délai exonérant l'Europe de taxes punitives sur l'acier et l'aluminium, Donald Trump à de nouveau frappé fort mercredi, envisageant d'imposer de nouvelles taxes douanières sur les importations de véhicules aux Etats-Unis. "J'ai demandé au secrétaire (au Commerce Wilbur) Ross d'envisager d'initier une enquête sous la Section 232 sur les importations de véhicules, y compris les camions et les pièces détachées, pour déterminer leur impact sur la sécurité nationale américaine", a indiqué le président des Etats-Unis, cité dans un communiqué de la Maison Blanche. Cette annonce est survenue quelques heures après que le président américain a promis sur Twitter "de grandes nouvelles pour nos fabuleux constructeurs automobiles", victimes selon lui de "décennies de pertes de (leurs) emplois au profit d'autres pays". M. Ross a aussitôt lancé cette enquête, selon un communiqué du secrétariat au Commerce publié peu après celui de la Maison Blanche. "Il y a des preuves suggérant que, durant des décennies, les importations depuis l'étranger ont érodé notre industrie automobile nationale", a affirmé M. Ross cité dans ce communiqué, indiquant que "durant les vingt dernières années, les importations de véhicules particuliers sont passées de 32% à 48% du total des véhicules vendus aux Etats-Unis". L'enquête devra déterminer "si le recul du nombre de véhicules et la baisse de la production de pièces détachées menacent d'affaiblir l'économie nationale, notamment en réduisant la recherche développement, les emplois pour les travailleurs qualifiés dans le secteur des véhicules connectés et autonomes (...) et les autres technologies de pointe", a encore précisé le ministère. D'après un article du Wall Street Journal publié peu avant l'officialisation de la nouvelle par la Maison Blanche, ces taxes, si elles étaient imposées, pourraient culminer à 25% sur les importations de véhicules. Cette annonce a désagréablement surpris à Tokyo. "L'industrie automobile est extrêmement importante. Des mesures de restrictions de cette ampleur pourraient grandement perturber le marché, ce serait tout à fait déplorable", a réagi devant la presse le ministre japonais du Commerce et de l'Industrie, Hiroshige Seko. Quant aux actions des constructeurs d'automobiles japonais, elles chutaient jeudi à la Bourse de Tokyo, Toyota, Nissan et Honda perdant à la mi-journée entre 1,75% et 2,75%. Nissan, qui a vendu 1,59 million de véhicules aux Etats-Unis l'an dernier, affirme en avoir fabriqué 930.000 sur le sol américain, ce qui suppose l'importation de plus du tiers de ses ventes locales.
L'Allemagne visée Le constructeur allemand BMW précise quant à lui que 66% de ses véhicules vendus aux Etats-Unis l'an dernier ont été importés, ce qui représente plus de 200.000 véhicules. L'américain Ford, qui a vendu 2,6 millions de véhicules sur le territoire américain en 2017, fait état d'une production de 80% de ses véhicules aux Etats-Unis, les 20% restants provenant pour la plupart des pays partenaires de l'Accord de libre-échange nord-américain (Aléna), soit le Canada et le Mexique. M. Trump a déjà maintes fois évoqué des taxes punitives pour protéger l'industrie automobile américaine qui viseraient notamment l'Allemagne, dont les excédents commerciaux exaspèrent le président américain. Selon lui, les voitures américaines sont frappées de taxes supérieures à celles imposées sur les automobiles européennes. Les taxes européennes sur les importations de voitures en provenance des Etats-Unis et des pays hors UE s'élèvent en effet à 10%, quand les droits de douanes américains sur celles en provenance de l'Union européenne ne s'élèvent qu'à 2,5%. Toutefois, au sein du secteur automobile, les Etats-Unis taxent les importations de camions et de pick-up (camionnettes à plateau) à hauteur de 25% alors que les importations de ces mêmes produits au sein de l'Union européenne sont taxés dans une bien moindre mesure, à 14% en moyenne. Les menaces américaines sur les importations de voitures interviennent après la décision de la Maison Blanche en mars d'imposer des droits de douane de 25% sur l'acier et 10% sur l'aluminium à ses partenaires commerciaux. Alors que certains, à l'instar de l'Inde, de la Russie et du Japon, ont annoncé ou bien la saisine de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC), ou bien une riposte commerciale, l'Union Européenne en est exemptée jusqu'au 1er juin. La commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström a redouté mardi que sa proposition commerciale pour dissuader les Etats-Unis d'imposer leurs tarifs soit "insuffisante".
Un énième front dans la bataille L'administration Trump a ouvert un nouveau front dans sa bataille commerciale avec ses alliés en annonçant qu'elle envisageait de frapper de lourdes taxes les importations automobiles. Chine, Union européenne, Aléna, acier, automobile, où en est-on des différentes offensives lancées par la Maison Blanche ?
Armistice avec la Chine Depuis samedi, Washington et Pékin ont, semble-t-il, signé un armistice. La Chine a accepté le principe d'une réduction drastique du déficit commercial des Etats-Unis en achetant plus de biens et services américains. Signe de la décrispation entre les deux pays, la Chine, premier marché automobile mondial, a annoncé mardi la réduction dès le 1er juillet de ses droits de douane de 25% à 15% sur les voitures. De son côté, Donald Trump a esquissé les contours d'un accord pour régler le contentieux sur le groupe chinois des télécommunications ZTE. En échange de la levée de l'interdiction des exportations de composants américains indispensables à la reprise de son activité, le président envisage une amende de quelque 1,3 milliard de dollars ainsi qu'un changement des dirigeants chinois.
Potentielle guerre commerciale avec l'UE L'exemption provisoire des taxes de 25% sur les importations européennes d'acier et de 10% sur celles d'aluminium expire le 1er juin. L'Union européenne (UE) est disposée à ouvrir des discussions avec les Etats-Unis pour abaisser les barrières douanières dans l'industrie, y compris l'automobile, mais à condition d'une exemption définitive des taxes sur l'acier et l'aluminium. Pour autant, la Commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström s'attend à ce que les propositions européennes soient rejetées. L'Union européenne s'est préparée ces derniers mois à la perspective d'une guerre commerciale avec son allié américain. La mesure de rétorsion la plus immédiate viserait à taxer de manière "ciblée et proportionnée" des dizaines de produits emblématiques fabriqués aux Etats-Unis, parfois dans des Etats ayant voté pour Donald Trump, dont le tabac, le bourbon, les jeans ou les motos. Une liste de produits a déjà été approuvée mi-avril par les 28 Etats membres. Il faudrait néanmoins plusieurs semaines avant que l'UE puisse en toute légalité frapper Washington. Les relations entre les deux partenaires sont d'autant plus tendues que Washington a annoncé le retrait américain de l'accord sur le programme nucléaire iranien, accompagné du retour des sanctions américaines frappant les entreprises opérant dans ce pays.
Issue incertaine sur l'Aléna Le Canada et le Mexique ont également été temporairement exemptés des taxes sur l'acier et l'aluminium dans la mesure où ils renégocient depuis près de dix mois le traité de libre-échange nord-américain (Aléna) qui les unit aux Etats-Unis. Les trois pays sont convenus que l'Aléna, entré en vigueur en 1994, avait besoin d'être modernisé pour intégrer des problématiques notamment sociales et environnementales inexistantes au moment de la signature du texte. Washington, qui accuse le traité d'avoir détruit des milliers d'emplois américains en délocalisant des entreprises au Mexique, en particulier dans le secteur automobile, demande une réduction du déficit commercial avec Mexico. Si les trois parties ont fait part de progrès dans les discussions et si des propositions sont sur la table, les discussions achoppent toujours sur les "règles d'origine": l'administration Trump veut imposer que les voitures fabriquées dans la zone Aléna soient largement composées d'éléments américains. Malgré l'approche d'échéances politiques pour les trois pays en particulier les élections de mi-mandat aux Etats-Unis, l'issue est incertaine. Donald Trump est "plus déterminé à obtenir un bon accord que préoccupé par une quelconque échéance", selon le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin. Le président pourrait aussi tout simplement décider de sortir de l'accord, menace qu'il brandit depuis des mois.
Nouveau front, l'automobile L'administration Trump a annoncé mercredi avoir lancé une enquête sur les importations de véhicules aux Etats-Unis "pour déterminer leur impact sur la sécurité nationale", affirmant avoir "des preuves suggérant que, durant des décennies, les importations depuis l'étranger ont érodé" l'industrie automobile américaine. La Maison Blanche pourrait ainsi imposer des taxes jusqu'à 25%, selon le Wall Street Journal. L'an passé, les ventes de voitures neuves ont pour la première diminué après des années record depuis 2009, à 17,23 millions d'unités (environ -2%). Les Etats-Unis, qui ont importé 8,271 millions de voitures en 2017, étaient vertement critiqués jeudi en Europe comme au Japon. L'organisation Global Automakers, le lobby du secteur qui regroupe constructeurs et équipementiers automobile, affirme qu'aucun groupe n'a demandé de "protection" et que l'automobile se "porte bien". "Si ces taxes sont décidées, les consommateurs vont en être très affectés car ils auront moins de choix et seront confrontés à des prix de véhicules élevés", affirme son patron John Bozzella.
"Difficiles à comprendre", "farfelues" Bruxelles - Le vice-président de la Commission européenne Jyrki Katainen a estimé jeudi que d'éventuelles taxes américaines sur les automobiles de l'UE, envisagées par Donald Trump, seraient "très difficiles à comprendre". "Si les Etats-Unis augmentaient unilatéralement les droits de douane sur les voitures, ce serait évidemment contraire aux règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et il est très difficile d'imaginer que (les importations d'automobiles) créent la moindre menace à la sécurité nationale" américaine, a-t-il expliqué. "C'est très difficile à comprendre", a ajouté M. Katainen. Le secrétaire du Commerce américain, Wilbur Ross, a lancé mercredi une enquête sous la Section 232 sur les importations de véhicules, y compris les camions et les pièces détachées, pour déterminer leur impact sur la sécurité nationale américaine, ce qui pourrait donner une base légale à des taxes douanières. Ces taxes pourraient culminer à 25% sur les importations de véhicules, d'après le Wall Street Journal. Et cette nouvelle menace douanière américaine intervient alors qu'expire le 1er juin l'exemption de taxes accrues sur les importations d'acier et d'aluminium dont bénéficie l'UE depuis mars. "Nous pensons que rien ne justifie que les Etats-Unis imposent des droits de douane sur l'acier et l'aluminium pour des raisons de sécurité nationale. Invoquer la sécurité nationale serait encore plus farfelu dans le cas de l'industrie automobile", a développé un porte-parole de la Commission. "Nos discussions avec les Etats-Unis sur les tarifs douaniers sont en cours", a-t-il rappelé. Les Européens se sont dit prêts la semaine passée à débuter des discussions avec les Etats-Unis pour abaisser les barrières douanières dans l'industrie, y compris les automobiles, mais à condition qu'ils soient définitivement exemptés des taxes sur l'acier et l'aluminium. Des divergences se sont cependant dessinés ces derniers jours, notamment entre d'un côté l'Allemagne, pour qui le secteur automobile est particulièrement sensible et qui privilégie coûte que coûte le dialogue, et de l'autre la France, qui paraît plus réticente à l'idée d'un accord de libre-échange, même a minima, avec Washington. Les taxes européennes sur les importations de voitures en provenance des Etats-Unis et des pays hors UE s'élèvent à 10%, quand les droits de douane américains sur celles en provenance de l'Union européenne ne s'élèvent qu'à 2,5%. Toutefois, au sein du secteur automobile, les Etats-Unis taxent les importations de camions et de pick-up (camionnettes à plateau) à hauteur de 25% alors que les importations de ces mêmes produits au sein de l'UE sont taxées dans une bien moindre mesure, à 14% en moyenne.