Les cours du pétrole ont avancé lundi dans un marché prudent alors que la relation entre les États-Unis et l'Arabie saoudite s'est brusquement refroidie après la disparition du journaliste saoudien Jamal Khashoggi. Le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en décembre a clôturé à 80,78 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE) de Londres, en hausse de 35 cents par rapport à la clôture de vendredi. Sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de "light sweet crude" (WTI) pour le contrat de novembre a avancé de 44 cents à 71,78 dollars. Donald Trump a annoncé lundi dans un tweet s'être entretenu avec le roi Salmane d'Arabie saoudite qui lui a dit "ignorer" le sort du journaliste saoudien disparu en Turquie, Jamal Khashoggi. Le président américain a également annoncé qu'il dépêchait son secrétaire d'État Mike Pompeo en Arabie saoudite pour s'entretenir directement avec le roi Salmane. Ryad dément catégoriquement être mêlé à la disparition du journaliste et a promis de riposter à d'éventuelles sanctions après la menace de "châtiment sévère" évoquée par le président américain en cas d'implication avérée de l'Arabie saoudite. Si des sanctions sont appliquées, le royaume répondra avec de "plus grandes" sanctions, a averti un haut responsable saoudien non identifié, cité par l'agence de presse saoudienne SPA. "Ryad est la capitale du pétrole (saoudien) et y toucher affecterait la production", a explicité un éditorial de la télévision saoudienne Al Arabiya. La chaine affirme que "si la hausse du prix du pétrole à 80 dollars déplaisait au président Trump, il ne faudra pas s'étonner de voir le cours s'envoler à 100, ou même 200 dollars" en cas de sanctions. Pour les analystes de Rabobank, "il ne fait aucun doute que le prince saoudien Mohammed ben Salmane voulait voir cet éditorial publié". "Si les États-Unis insistent, ne pariez pas sur un abandon" du prince, ont-ils averti. "L'Arabie saoudite peut certainement jouer la même carte qu'en 1973, avec un embargo sur le pétrole", a concédé Naeem Aslam, analyste chez Think Markets. Mais, pour lui, ces menaces sont moins efficaces puisque "les États-Unis ont révolutionné le marché du pétrole" en devenant un producteur de la même envergure que l'Arabie saoudite avec leurs extractions de pétrole de schiste. Matt Smith de ClipperData estime quant à lui que les menaces saoudiennes "ont peu de chances" d'être suivies d'effets mais souligne toutefois que l'Arabie saoudite, deuxième source d'approvisionnement américain en brut, causerait des remous sur les cours en cas d'action concrète sur le marché comme une baisse de sa production ou de ses exportations. Bien que des sanctions saoudiennes soient "difficilement envisageable" estiment de leur côté les analystes de Schneider Electric, "leur impact serait sensible et viendrait s'ajouter à un marché déjà limité en terme de réserves". Le marché restait par ailleurs prudent, alors que l'Opep comme l'Agence internationale de l'Énergie (AIE) ont revu leurs prévisions de demande mondiale à la baisse la semaine dernière.
Hausse en Asie Les cours du pétrole étaient orientés à la hausse, lundi en Asie, en raison d'inquiétudes quant à l'état de la relation entre Washington et Ryad après la disparition du journaliste Jamal Khashoggi. Vers 04H30 GMT, le baril de light sweet crude (WTI), référence américaine du brut, pour livraison en novembre, progressait de 79 cents à 72,13 dollars dans les échanges électroniques en Asie. Le baril de Brent, référence européenne, pour livraison en décembre, gagnait 1,03 dollar à 81,46 dollars. Le journaliste saoudien Jamal Khashoggi, éditorialiste critique du pouvoir saoudien et collaborateur du Washington Post, n'a plus donné signe de vie depuis son entrée le 2 octobre au consulat d'Arabie saoudite à Istanbul. Des responsables turcs ont affirmé qu'il y avait été assassiné par des agents saoudiens. Ryad dément et affirme qu'il a quitté le bâtiment. Cette disparition au retentissement planétaire pourrait avoir un impact significatif sur le programme de réformes, surtout économiques, mises en avant par le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane. Dimanche, la Bourse de Ryad a accusé une baisse de plus de 7%, sa plus grave dégringolade en trois ans, avant de terminer la séance à -3,5%. Samedi, le président américain Donald Trump, un grand allié de l'Arabie saoudite, a pour la première fois estimé possible l'implication de Ryad dans la disparition du journaliste, menaçant le cas échéant d'"un châtiment sévère". L'Arabie saoudite a promis de riposter à d'éventuelles sanctions. "Le pétrole est l'atout que l'Arabie saoudite a en main", rappelle Stephen Innes, analyste chez Oanda. "Le royaume a laissé entendre qu'il pourrait utiliser le pétrole face à d'éventuelles sanctions." Ces tensions s'ajoutent aux pressions haussières générées par l'entrée en vigueur prochaine de sanctions américaines contre le secteur pétrolier iranien.