La Turquie occupe la première place mondiale des détenteurs de monnaies numériques. Selon les statistiques, 18% de la population (soit plus de 14 millions de personnes) possèdent des actifs virtuels. Depuis le début de l'année, la livre turque a perdu presque 40% de sa valeur, a écrit jeudi le site d'information Vestifinance. De nombreux experts pensent qu'une telle dévaluation est due à la guerre commerciale déclenchée par les Américains. Washington avait quatre raisons principales d'exercer cette pression: la position indéterminée de Recep Erdogan concernant la Syrie, la décision d'Ankara d'acheter à la Russie des missiles antiaériens S-400, la position des Turcs par rapport au gazoduc Trukish Stream, ainsi que l'arrestation du pasteur américain Andrew Brunson (déjà libéré, ndlr), selon le quotidien. Mais plus l'on tire la balançoire de son côté, plus elle repart loin ensuite. En cas de sanctions les citoyens de l'Etat concerné cherchent un refuge pour leurs fonds dans les actifs. La monnaie numérique décentralisée fait partie de tels instruments. "Le crypto-marché s'élargit de jour en jour en Turquie. Si, il y a neuf mois, le pays comptait seulement six bourses de crypto-monnaie, il en existe plus de 20 aujourd'hui", affirme David Tevfik Sayin, directeur d'une société informatique turque. En d'autres termes, depuis le début de la guerre commerciale, l'activité des citoyens et des compagnies sur le marché numérique a plus que triplé. Cela a forcément influencé la position des autorités turques par rapport à la création d'instruments de paiement numériques nationaux. Les avis des experts sont divisés quant à savoir si la crypto-monnaie nationale pourrait devenir un instrument efficace. D'après Andrew Rosenbaum de l'European blockchain association, "les compagnies turques manquent de recours pour honorer les dettes en devise étrangère, et les actifs numériques pourraient devenir une nouvelle source de revenus pour rembourser les dettes". C'est également l'avis de l'expert financier indépendant Mustafa Kizgin: "La raison principale de la crise mondiale est l'argent fiduciaire et le système de prêt que nous utilisons." Une solution plus stable, plus fiable et plus rapide basée sur les crypto-technologies profitera à l'économie turque qui possède un grand secteur industriel. Mais à condition que les actifs soient centralisés. D'autres sont sceptiques quant au projet national de crypto-monnaie. Par exemple, David Saïne pense que les citoyens turcs ne sont pas encore prêts à utiliser l'argent numérique dans leur vie quotidienne: "Les instincts culturels du peuple turc ne ressemblent pas à ceux des Américains ou des Européens. Certes, la génération Z est orientée sur la numérisation, mais je pense que dans l'ensemble, le peuple turc veut conserver ses biens physiques matériels." Malgré les débats sur l'utilité de la monnaie virtuelle nationale en Turquie, la crypto-monnaie est déjà en cours d'élaboration. Il pourrait s'agir du stablecoin garanti par les actifs de Turkish Airlines, Turk Telekom et la bourse d'Istanbul. Les autorités tentent de profiter du moment favorable et soutiennent activement l'attitude positive envers la crypto-monnaie au sein de la société. D'un côté, cela contribuera à la dédollarisation du marché de la consommation grâce à la modification de la structure des épargnes. De l'autre, les actifs virtuels pourraient devenir un moyen de combattre les sanctions américaines, conclut le site.