Sous pression de la communauté des pays de langue portugaise (CPLP), le Président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema a fait part de son désir de soumettre au Parlement de son pays un projet de loi abolissant la peine de mort. Une condition sine qua non pour rester membre de l'organisation qui risque, toutefois, de rester lettre morte. "La CPLP demande à mon pays de résoudre le problème de la peine de mort, mais je ne veux pas que cela dépende seulement de la volonté personnelle du Président. Mon gouvernement soumettra bientôt cette question au Parlement où mon parti est majoritaire. J'en suis sûr, cette proposition sera approuvée", avait déclaré le chef de l'État équato-guinéen à la presse lors de sa visite officielle au Cap vert à la mi-avril. Apparemment dos au mur, le Président Obiang Nguema Mbasogo se dit prêt à mettre fin à l'application de la peine de mort dans son pays. Mais pour l'instant la Guinée équatoriale reste le mauvais élève parmi les six États de la zone Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) concernant l'abolition dans son pays de la peine capitale. "En 2015, lors de la campagne présidentielle qui l'avait reconduit à la tête de ce petit État pétrolier pour un nouveau mandat, le Président sortant avait déjà affirmé avoir subi des pressions des pays occidentaux qui lui demandaient d'abolir la peine de mort. Il avait alors prétendu qu'une telle décision devait dépendre de la volonté du peuple et qu'il fallait un référendum populaire pour trancher. Quatre ans ont déjà passé et, sauf changement d'avis de sa part, ce dont je doute fort, ça pourrait encore prendre du temps", explique à Sputnik un spécialiste de la Guinée équatoriale sous couvert d'anonymat. Ce n'est donc pas la première fois que le Président équato-guinéen fait une telle annonce. Et bien qu'il lui reste encore un an avant la date butoir de 2020 qui verra la tenue du prochain sommet de la CPLP en Angola, personne ne sait, pour l'instant, si la Guinée équatoriale aura mis fin à la peine de mort d'ici là comme lui demandent ses pairs lusophones. "Nous espérons que le Président Teodoro Obiang Nguema va prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour que son annonce soit suivie d'effet. L'abolition de la peine de mort sera un pas vers l'amélioration de la situation des droits humains en Guinée équatoriale, en particulier la protection du droit à la vie", a indiqué dans un communiqué Marie-Evelyne Petrus Barry, directrice du programme Afrique de l'Ouest et Afrique centrale à Amnesty International. Le Parlement équato-guinéen, réuni à Malabo depuis plus d'une semaine, n'a pas encore abordé le sujet. Des sources proches de l'hémicycle ont révélé à Sputnik que la question n'avait jamais été inscrite à l'ordre du jour. "Nous débattons pour l'instant des questions liées au code de la famille. Peut-être que le projet de loi sur l'abrogation de la peine de mort sera discuté après la conférence économique nationale qui se tient à Malabo jusqu'au 4 mai prochain", insiste de son côté notre source. L'adoption d'une telle loi ne devrait en principe représenter qu'une simple formalité. Le PDGE (Parti démocratique de Guinée équatoriale, au pouvoir) est ultra majoritaire à l'Assemblée nationale avec 100% des sièges depuis la dernière législature élue en novembre 2017. Mais les organisations de défense des droits de l'Homme estiment que le dirigeant équato-guinéen risque de trainer des pieds parce qu'il a toujours utilisé la peine de mort pour museler ses opposants. "Il est préoccupant de constater que des pays ont recours à la peine de mort pour sanctionner des infractions. Mais les choses commencent à changer même dans la minorité de pays qui exécutent encore leurs prisonniers", a déclaré à Sputnik, Salil Shetty, un analyste des questions pénales, défenseur des droits de l'Homme et ancien secrétaire général d'Amnesty International. Les dernières exécutions connues en Guinée équatoriale remontent à janvier 2014, selon Amnesty International. Neuf personnes déclarées coupables de meurtre avaient été exécutées quelques jours avant l'instauration d'un moratoire temporaire sur le recours à la peine capitale. Dans son rapport annuel, publié le 8 avril 2019, l'ONG des droits de l'Homme fait état d'une chute spectaculaire des exécutions dans le monde. Mais en Afrique centrale, les situations sont plus contrastées selon les pays: Le Congo-Brazzaville, le Gabon et la République centrafricaine ont abandonné depuis longtemps la peine de mort. Au Cameroun, elle n'est plus été appliquée depuis 1997 -bien que toujours en vigueur- et plane au-dessus de la tête des Camerounais comme une épée de Damoclès. Surtout depuis le vote par le Parlement en 2014 de la loi antiterroriste… Le leader de l'opposition, Maurice Kamto, président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), détenu arbitrairement avec plus d'une centaine de ses militants depuis le mois de janvier, pourrait en faire les frais au vu des griefs invoqués par la justice camerounaise (attroupement, insurrection, rébellion en groupe, hostilité contre la patrie, trouble à l'ordre public, incitation à l'insurrection, association de malfaiteurs et complicité, etc.). Même son de cloche au Tchad où, la peine de mort d'abord suspendue en 1991 a refait surface en 2015 sous le prétexte de la résurgence du terrorisme dans le pays. En juin 2018, quatre Tchadiens ont été condamnés à mort pour le meurtre d'une ressortissante chinoise. Déjà condamnée à plusieurs reprises par la Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples (CADHP), la Guinée équatoriale est arrivée à la croisée des chemins. Saura-t-elle sauter le pas de ce que l'ancien Garde des sceaux français, Robert Badinter, un fervent défenseur de l'abrogation de la peine mort, qualifiait d'"impossibilité à aller jusqu'au fond des choses" en s'octroyant le droit de "décider en un quart d'heure, parfois en quelques minutes, de la culpabilité, et au-delà, de la vie et de la mort d'un autre être humain". La question reste posée.