Renault a annoncé lundi qu'il allait étudier avec intérêt l'ambitieux projet de fusion que lui a présenté Fiat Chrysler Automobiles (FCA) et qui donnerait naissance au troisième constructeur automobile mondial. Si ce rapprochement à 30 milliards d'euros voit le jour, il modifiera en profondeur le paysage pour des concurrents comme General Motors aux Etats-Unis et PSA en Europe. Le groupe italo-américain a annoncé lundi avoir remis une lettre non engageante au conseil d'administration de Renault proposant un rapprochement dans le cadre d'une fusion qui verrait les actionnaires des deux groupes détenir chacun 50% du nouvel ensemble. En conjuguant leurs forces, Renault et FCA donneraient naissance au troisième constructeur mondial derrière Volkswagen et Toyota, avec des ventes annuelles de 8,7 millions de véhicules, permettant d'importants gains d'échelle pour tout investissement réalisé en commun. L'alliance de Renault avec ses partenaires japonais Nissan et Mitsubishi occupe toutefois déjà la première place sur le podium mondial. "Une collaboration étendue au travers d'un rapprochement permettrait d'améliorer substantiellement la stratégie d'allocation de capital ainsi que la rapidité du processus de développement de nouveaux produits", a déclaré Fiat Chrysler dans un communiqué. Le conseil d'administration de Renault, qui s'est réuni lundi matin, a décidé "d'étudier avec intérêt l'opportunité d'un tel rapprochement, confortant l'empreinte industrielle du groupe Renault et générateur de valeur additionnelle pour l'alliance". Dans un communiqué publié à l'issue de sa réunion, il a ajouté qu'il communiquerait en temps voulu les résultats de ces discussions. Des sources ont déclaré à Reuters que les administrateurs de Renault allaient se réunir cette semaine en sessions de travail informelles en vue de prendre la semaine prochaine une décision sur l'ouverture éventuelle de négociations avec Fiat Chrysler. L'action Renault a bondi de 12,09% pour finir à 56,03 euros à Paris, sa plus forte hausse en une séance depuis près de 10 ans, tandis que l'action milanaise de FCA a pris 7,98% à 12,37 euros. L'ensemble du compartiment automobile a été soutenu par cette opération qui braque à nouveau les projecteurs sur la consolidation dans l'automobile. L'indice des valeurs automobiles européennes a gagné 1,45%. "A court terme, les actions Renault et FCA devraient bien performer (...) tandis que PSA, vu jusqu'ici comme le favori pour un rapprochement avec FCA, devrait sous-performer", commente Oddo BHF dans une note. Le titre PSA a perdu 3,25%. Le projet présenté par FCA prévoit la fusion des deux groupes au sein d'une société-mère de droit néerlandais. Après versement aux actionnaires de FCA d'un dividende exceptionnel de 2,5 milliards d'euros afin de rééquilibrer la valeur des deux groupes, chacun d'entre eux recevrait 50% du capital de la nouvelle entité en actions nouvelles. "Le nouvel ensemble (...) serait l'un des leaders mondiaux de technologies dédiées aux véhicules électriques, de marques premium, de SUV, de camions et de véhicules utilitaires, et bénéficierait d'une présence mondiale avec une répartition géographique plus étendue et plus équilibrée que chacun des deux groupes seuls", a ajouté FCA. Ce projet pourrait avoir des répercussions importantes sur l'alliance de Renault avec Nissan et Mitsubishi, fragilisée par l'arrestation de son ancien président Carlos Ghosn. Mais la course à l'électrification, le durcissement des normes d'émission et les investissements considérables requis par les voitures autonomes et connectées font qu'il est de plus en plus difficile pour un groupe automobile de faire cavalier seul.
Un tandem Elkann-Senard ? FCA attend ainsi quelque cinq milliards d'euros d'économies annuelles du projet, qui viendraient s'ajouter aux synergies actuelles de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi. Dans une lettre adressée aux employés de FCA et vue par Reuters, Mike Manley, administrateur délégué du groupe italo-américain, prévient qu'une fusion avec Renault pourrait prendre plus d'un an pour être finalisée. Plusieurs sujets épineux demeurent, notamment celui de la gouvernance. Le nouveau groupe serait présidé par John Elkann, président d'Exor, la holding de la famille Agnelli, qui contrôle 29% de FCA, ont dit à Reuters des sources proches du dossier. Selon une d'entre elles, le président de Renault Jean-Dominique Senard deviendrait probablement directeur général. Un montage FCA-Renault, comme bon nombre d'autres combinaisons, a déjà été étudié par des banques d'affaires. Mais, selon des sources bancaires, les relations acrimonieuses entre Carlos Ghosn, homme fort de Renault jusqu'à sa disgrâce judiciaire à l'automne, et Sergio Marchionne, administrateur délégué historique de FCA décédé en juillet dernier, avaient rendu toute discussion constructive impossible. Autre point sensible, l'Etat français est le principal actionnaire de Renault avec une participation de 15%. Il a accueilli lundi de façon "assez favorable" le projet de fusion FCA-Renault, estimant qu'il était bon pour l'Europe d'avoir des géants industriels européens.
Salvini n'exclut pas une intervention de l'état italien La porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, a précisé qu'il fallait néanmoins encore étudier en détails les modalités du rapprochement. Une source gouvernementale a souligné de son côté que Paris serait "particulièrement vigilant concernant l'emploi et l'empreinte industrielle" et que tout accord entre Renault et FCA devait également préserver l'alliance avec Nissan. Selon une autre source proche du dossier, FCA a proposé de garantir les emplois ouvriers et le nombre de sites industriels, laissant la place à d'éventuelles réductions d'effectifs chez les ingénieurs et les personnels administratifs, ainsi qu'à un compactage des usines existantes. Dans un tract intitulé "Renault sous pavillon italien ?", la CGT a exhorté le gouvernement à "conserver une minorité de blocage permettant de faire prévaloir les intérêts français". Côté italien, le vice-président du Conseil Matteo Salvini a déclaré que son gouvernement soutenait ce projet et qu'il était favorable à l'emploi. Interrogé sur une éventuelle prise de participation de l'Etat italien dans un ensemble FCA-Renault pour contrebalancer celle de l'Etat français, il a répondu: "Si une présence institutionnelle italienne est requise, ce serait absolument notre devoir de la garantir." "Le développement de Fiat Chrysler est une bonne nouvelle pour l'Italie (...), je compte bien que cette brillante opération permette de préserver l'emploi et de créer un géant automobile européen", a-t-il dit à la presse. Le sujet est particulièrement sensible en Italie, la plupart des usines européennes de FCA tournant à l'heure actuelle à moins de 50% de leurs capacités. "Le marché, échaudé par les promesses du passé, sera très prudent sur les chiffres de synergies parce qu'il n'y a pas une seule fusion d'égaux qui ait jamais fonctionné dans l'automobile", relativise toutefois Arndt Ellinghorst, analyste chez Evercore ISI, dans un courriel. Il note aussi que les liens entre Renault et Nissan et le dialogue compliqué sur un renforcement de l'alliance après la disgrâce de Carlos Ghosn ajoutent quelques inconnues supplémentaires à l'équation. "Il faut maintenant que les Français, les Italiens, les Japonais et les Américains trouvent un consensus sur le conseil d'administration d'une société néerlandaise, où l'Etat français est condamné à perdre son statut spécial. Cela réclame pas mal de créativité."
La France demande 4 garanties Bruno Le Maire a demandé quatre garanties pour donner son feu vert à une fusion entre Fiat Chrysler et Renault, jugée par le ministre de l'Economie comme une opportunité pour le groupe au losange et pour l'industrie automobile européenne. Renault a annoncé la veille qu'il allait étudier avec intérêt l'ambitieux projet de fusion à 50-50 que lui a présenté le constructeur italo-américain et qui donnerait naissance au troisième constructeur automobile mondial. Le projet suscite beaucoup d'interrogations sur l'emploi et l'équilibre des forces dans le nouvel ensemble "C'est à Jean-Dominique Senard (le président de Renault) de revenir vers moi dans les jours qui suivent, puisque j'ai donné mon accord à l'ouverture des négociations, sur les garanties qu'il a pu obtenir de la part de Fiat sur l'empreinte industrielle de Renault en France", a dit Bruno Le Maire sur RTL. Outre la préservation des sites industriels français, le ministre de l'Economie a fixé comme autre garanties que la fusion entre Fiat et Renault se fasse dans le cadre de l'alliance avec Nissan, que les intérêts français soient bien représentés dans la future gouvernance à la tête du nouvel ensemble, même si la participation de l'Etat s'en trouverait diluée de moitié à 7,5%, et que le nouveau groupe participe à la commande des futures batteries européennes. "L'industrie automobile est confrontée à des défis technologiques qui sont les plus importants depuis ceux qu'elle a eu à affronter au début du 20e siècle", a poursuivi Bruno Le Maire. "Cela va demander des dizaines de milliards d'euros d'investissement, donc il faut rassembler les forces pour faire face à ces investissements. Les entreprises qui survivront seront celles qui auront la capacité d'investir massivement dans le véhicule autonome, connecté et électrique."