Le nombre de banques accompagnant les Etats lors de leurs émissions de dette n'a jamais été aussi faible. Si le rôle de " spécialiste en valeur du trésor " confère une image prestigieuse, cette activité, aux dires des banquiers, n'est pas rentable. L'hémorragie continue chez les " primary dealers ", ces banques qui accompagnent les Etats lorsqu'ils lèvent de la dette sur les marchés. En Europe, pas moins de cinq établissements bancaires ont rendu leur tablier l'an dernier, dont ING qui a cessé sa collaboration avec le Trésor belge en août. Un petit coup de tonnerre, tant la Belgique était considérée comme un marché domestique de la banque néerlandaise. Conséquence : le nombre moyen de partenaires des Etats est tombé à 16, son plus bas niveau historique d'après les calculs de l'Association pour les marchés financiers en Europe (AFME). Une situation préoccupante étant donné l'importance de ces acteurs pour la dette des Etats. La France s'appuie sur 15 Spécialistes en valeurs du Trésor (SVT) contre plus de 20 il y a dix ans. Leur rôle ? Acheter la dette lors des enchères régulières organisées par l'Agence France Trésor, chargée d'emprunter pour l'Etat. Ils replacent ensuite les titres auprès de leurs clients. Ces banques s'engagent aussi à conserver en permanence sur leurs livres un stock d'emprunts français afin de répondre aux besoins des acteurs de marchés, à l'achat ou à la vente. Les SVT sont " notés " dans l'exercice de leur mission selon plusieurs critères (placement, animation du marché, qualité de service…).
Rôle prestigieux Ce rôle prestigieux est un atout pour l'image des banques actives sur le marché obligataire au sens large. Il offre aussi une visibilité auprès d'autres émetteurs publics de dette (agences publiques collectivités territoriales…) et un accès privilégié à d'autres opérations pour le compte des Etats, comme les privatisations. Des avantages qui, par le passé, suffisaient à attirer les candidats. Mais le renforcement des obligations réglementaires ces dernières années a fortement pesé sur la rentabilité des opérations. " Le fait de devoir animer le marché secondaire nous oblige à avoir dans nos inventaires l'intégralité des titres d'un Etat, y compris, dans certains cas, des obligations peu liquides, déplore un SVT. A cause du coût prudentiel de la détention de ces titres il est quasiment impossible d'être rentable sur ces activités. " Participer aux enchères de dette n'est pas non plus source de profits. " Très souvent, nous achetons des obligations lors des adjudications, sans être sûrs de pouvoir les replacer rapidement, témoigne un banquier. Et la concurrence entre les SVT sur certaines émissions tend à pousser les prix vers le haut, au-delà de ceux du marché. "Les banques proposent un prix plus élevé lors des adjudications pour obtenir des volumes plus importants. Objectif : grimper dans les classements afin d'être choisis pour les émissions de dette par syndication.
Rares syndications Contrairement aux enchères régulières pour lesquelles les SVT ne sont pas rémunérés, les syndications sont l'occasion d'engranger des commissions. Les banques sont chargées de vendre directement les titres aux investisseurs via un livre d'ordres. Mais les syndications sont rares. L'Allemagne n'en organise jamais, la France une par an en moyenne, l'Espagne quatre. Cette faible rentabilité a découragé plusieurs banques, particulièrement celles qui ont décidé de réduire la voilure sur le marché obligataire dans un contexte de taux toujours plus bas. D'autres ont décidé de lancer une évaluation de leurs activités : " Il est hors de question d'être absent de notre pays d'origine. Mais, nous étudions, pays par pays, quelles seraient les conséquences économiques d'un moins bon classement ", confie un banquier. Face à ce mécontentement, l'Italie et l'Espagne tentent de calmer certains excès et imposeraient des sanctions pour les banques qui poussent les prix lors des adjudications. Du côté des SVT, on espère que les Etats auront davantage recours aux syndications.