- Pourriez-vous donner un bref rappel du fonctionnement de la Bourse depuis son existence ? Créée en mai 1997, la Bourse d'Alger est une société par actions appartenant aux intermédiaires des opérations de bourse (IOB) qui sont les banques publiques, mais la réglementation confère aussi aux sociétés commerciales qui exerceraient cette activité le droit de se constituer en IOB avisé par la Cosob. Elle a démarré en septembre 1999, avec l'introduction du titre de créance Sonatrach, à échéance 2003. Après cette opération, elle a accueilli trois sociétés ayant émis des titres de capitaux, en l'occurrence l'Eriad Sétif qui a fait une augmentation de capital de 20% et Saïdal avec l'ouverture de son capital ainsi que l'Aurassi, la dernière opération enregistrée en février 2000. Le lancement a été réussi, mais à partir des années 2000, il y a eu une rupture de l'alimentation du marché boursier en raison d'une part de la réorientation de la politique de privatisation. En effet, il y avait des ouvertures de capitaux, mais ils n'ont pas été suivis. Depuis 2003, les indicateurs d'activité sur le marché boursier ont connu un fléchissement significatif passant de 720 millions de DA en 2000 à 5 millions de DA de valeur transigée en 2005. Cette situation a été préjudiciable à la Bourse puisque l'institution n'arrivait plus à couvrir ses charges les plus utiles en termes de fonctionnement et d'exploitation.
- Donc, comment la Bourse d'Alger a pu continuer à fonctionner ?
En 2006, l'engouement pour le marché obligataire et l'intensification des recours des entreprises publiques et privées à ce mode de financement est venu lui donner un nouveau souffle. Cela a commencé avec Sonelgaz qui a fait coter son titre, émis le 22 mai 2005 et introduit le 29 mai 2006, totalisant un encours de 15,9 milliards de DA et qui échoit en mai 2011, s'étalant ainsi sur 6 ans. Air Algérie, émis en décembre 2004 et coté février 2007. Algérie Telecom, dont l'encours s'élève à 21 milliards de DA, émis en octobre2006 et coté en novembre de la même année. Deuxième emprunt obligataire de Sonelgaz, émis en juin 2008 et introduit en juillet et enfin le dernier titre, celui de Dahli, d'un encours de 2,36 milliards de DA, coté en mars 2009. Ces admissions de titres de créances au niveau de la Bourse ont été renforcées par le recours des pouvoirs publics à faire coter des obligations assimilables du Trésor dont le nombre se situe, en février, à 15 lignes et l'encours se situait à 150 Mds de DA.
- Quel est l'intérêt d'émettre des titres de Trésor pour l'économie nationale ?
L'intérêt est de diversifier les ressources de financement de l'Etat. Ce dernier a plusieurs sources de financement dont la fiscalité et l'emprunt. Le coût de l'emprunt, comparé aux opportunités que l'Etat tire d'un maintien d'une économie de cette épargne à moyen terme est considérable. C'est pourquoi le Trésor public recourt au marché des obligations pour financer les plans d'équipements et d'investissements comme dans des projets d'infrastructures de routes ou de barrages qui nécessitent une ressource longue. Le marché des valeurs du Trésor (l'encours s'élève actuellement à plus de 246 milliards de Dinars présentant des maturités de 7, 10 et 15 ans sont négociées par l'entremise des Intermédiaires en Opérations de Bourse et les compagnies d'assurances ayant le statut de Spécialistes en Valeurs du Trésor à concurrence de cinq séances par semaine) constitue un moyen de financement à la fois du déficit budgétaire à court terme et des besoins d'investissements et d'équipements de l'Etat lui permettant ainsi de gérer rationnellement les deniers publics.
- Est-ce que les valeurs nominales sont similaires pour les titres émis par des entreprises et ceux émis par le Trésor ?
Actuellement, le titre émis par l'Etat (Trésor) présente une valeur nominale relativement élevée, soit de l'ordre de 01 million de DA. Les méthodes utilisées pour l'émission des valeurs du Trésor consistent à organiser des séances d'adjudication dite à la hollandaise — c'est au prix demandé par les investisseurs —, cette technique d'enchères comporte à offrir un certain nombre de titres en contrepartie de recevoir des offres de la part des spécialistes en valeurs du Trésor qui sont des institutions agréées par la direction générale du Trésor et qui jouent un rôle primordial dans le placement et dans la liquidité des titres. Elles assurent à la fois la promotion du titre auprès des investisseurs, leur placement sur le marché primaire et sa négociabilité sur le marché secondaire. Le Trésor public organise par le biais de la Banque d'Algérie des séances d'adjudication sur le compartiment primaire (où ont lieu les introductions en bourse). Il y a le déroulement des opérations d'adjudication, qui sont les enchères, et les spécialistes des valeurs du Trésor (SVT) autorisés présentent leurs offres de leur clientèle et souscrivent aux comptes de la clientèle et à leur propre compte. Sur le marché secondaire, les SVT assurent l'exécution des ordres acheteurs et vendeurs de la clientèle et leur diffusion.
- Qui sont ces investisseurs ? En Algérie, ils sont concentrés dans les portefeuilles des investisseurs institutionnels. A titre d'exemple, les compagnies d'assurances sont tenues par des obligations de réserves techniques qu'elles doivent constituer en valeurs du Trésor. Elles représentent, actuellement, 50% des disponibilités (liquides) des compagnies. Donc, les investisseurs sont les compagnies d'assurances, les banques et les établissements financiers. Cette situation s'est accentuée du fait du phénomène de surliquidités qui caractérise le secteur bancaire depuis plus de huit ans. Donc, ils préfèrent garder ces titres en portefeuille plutôt que de les céder et se retrouver avec une liquidité additionnelle qu'il serait difficile de faire fléchir.
- Qu'en est-il du dépositaire central dans ce genre d'opération ? Le dépositaire central assure une partie très importante dans les opérations sur des valeurs du Trésor comme d'ailleurs sur les valeurs corporatives. Il procède à l'ouverture des comptes titres pour les teneurs de comptes conservateurs des titres (TCC) qui sont les banques accréditées actuellement, les six banques publiques (CPA, BNA, BEA, CNEP, BADR, BDL) et BNP Paribas (banque privée). Ces TCC ouvrent des comptes courants dans lesquels les valeurs mobilières émises sont virées et ces mêmes TCC centralisent les avoirs de la clientèle et leurs propres avoirs au niveau du dépositaire central qui joue le rôle d'une banque centrale des titres. Il joue également un autre rôle dans la réalisation des opérations sur titres — des opérations assujetties à l'actif financier tel que le paiement des coupons d'intérêts dans le cas des obligations ou des coupons de dividendes dans le cas des actions, annuellement — le paiement est fait au profit du dépositaire central qui la répartit sur les teneurs de comptes conservateurs (TCC) et à leur tour l'attribuent proportionnellement selon la détention de chaque investisseur. Il possède un autre rôle en matière de codification des titres financiers émis et créés selon la norme internationale «easing».
- Avec une participation de 0,1% au PIB, la Bourse d'Alger a du mal à décoller. Pourquoi ? Il faut préciser que le taux de 0,1% du produit intérieur brut (PIB) représente en réalité la proportion des capitaux valorisés à la valeur marchande des sociétés cotées en Bourse. Cette valorisation déterminée par la confrontation de l'offre et la demande, au stade actuel, n'est pas du tout représentative puisque les deux sociétés cotées, Saïdal et Aurassi, ne constituent pas l'économie nationale. La Bourse d'Alger n'arrive pas à drainer un nombre suffisant pour dégager un niveau important de représentativité de l'économie nationale. Par contre, sur le volet titres de créances, la Bourse d'Alger a drainé pratiquement 50% des emprunts obligataires émis, soit 84 milliards de DA qui représentaient 5 emprunts obligataires émis par quatre sociétés dont Sonelgaz avec deux emprunts, Algérie Telecom avec un titre coté, Dahli et récemment Air Algérie qui a vu son titre arriver à terme remboursé au 1er décembre 2010. Le taux de 0,1% est la part des titres en capital au niveau de la Bourse, due d'une part à une rupture des opérations d'ouverture de capital des entreprises publiques et d'autre part à l'absence d'une volonté des opérateurs économiques privés qui se contentent des modes de financement classiques : les crédits bancaires.
- Est-ce que l'argument portant sur la transparence des entreprises n'est pas à l'origine de cette réticence ? En effet, chaque semestre l'entreprise doit rendre compte d'informations ayant un impact sur son titre, mais je ne pense pas que la transparence est la principale contrainte qui a engendré la réticence de l'opérateur privé à recourir au marché boursier. Au contraire, la plupart des groupes privés tiennent une comptabilité transparente et actualisée qui fait l'objet d'audit par des bureaux internationaux comme KPMG. La contrainte qui se posait avant était le contrôle de l'entreprise, car la plupart sont familiales et qui réfutent la cession d'une partie du capital avec des gens extérieurs et refusent de partager le fruit de leur réussite avec des investisseurs. Avec l'évolution des mentalités, des textes réglementaires et les avantages fiscaux accordés à la fois aux investisseurs souscripteurs et aux actionnaires d'origine qui envisagent d'ouvrir leur capital, les opérateurs considèrent le marché boursier comme étant une solution très pratique pour assurer à la fois la pérennité de l'entreprise et résoudre le problème de succession.