Il y a un peu plus de six mois, il fallait compulser l'encyclopédie du football chilien ou les collections de magazines spécialisés pour trouver le nom de Franklin Lobos. Réputé pour son jeu tout en finesse et sa formidable frappe, ce joueur a porté le numéro 10 dans tous ses clubs ainsi que dans la sélection chilienne qui a assuré la qualification pour le Tournoi Olympique de Football de Los Angeles 1984.Jusqu'au 4 août dernier, rares étaient ceux à savoir que Lobos était un ouvrier parmi d'autres dans la mine San José, située dans le désert d'Atacama, le plus aride de la planète. Ses collègues les plus jeunes considéraient avec respect cet homme chargé de conduire l'une des navettes qui les descendaient chaque jour à quasiment 700 mètres de profondeur pour extraire les minéraux. De Lobos, ils savaient qu'il avait évolué pendant de nombreuses années avec Iván Zamorano à Cobresal, club où il est encore considéré aujourd'hui comme un joueur emblématique. Puis vient ce jour terrible où Lobos et 32 autres mineurs se retrouvent pris au piège à la suite d'un éboulement. Plongés dans l'obscurité, les hommes n'ont pas de nourriture et aucun contact avec l'extérieur. Ce n'est que 17 jours plus tard que les équipes de secours parviennent à établir que les 33 ouvriers coincés sont encore en vie. Commence alors un suspense qui va durer quasiment deux mois. Deux mois d'attente au cours desquels les messages de soutien vont se succéder avant le déclenchement des opérations de secours, les hommages du monde entier et "le début d'une nouvelle vie", comme l'explique l'ancien milieu de terrain de Cobresal, d'Atacama et des Santiago Wanderers. Quels ont été les moments les plus difficiles à vivre dans la mine ? Les moments les plus durs, nous les avons vécus les cinq premiers jours. Nous ne savions pas si nous étions recherchés ou si nous avions été abandonnés. Cela a été très difficile à vivre. Aux alentours du huitième jour, certains collègues disaient déjà adieu à leurs familles, ça faisait mal. Avec des chances de survie aussi maigres, c'était compliqué de donner des conseils. J'ai surtout soutenu les plus jeunes et je leur ai fait comprendre qu'il y avait de l'espoir. Le football, c'est un combat et des sacrifices au quotidien. À propos de l'aide du football dans la mine Votre carrière de footballeur professionnel a-t-elle joué un rôle capital sous terre ? En effet, elle a joué un rôle très important car nous avons beaucoup parlé de football pour raccourcir les journées, ou je devrais plutôt dire les nuits, car là-dessous, tout n'était qu'obscurité. Le football nous a maintenus en vie. D'un point de vue personnel, ça m'a aidé sur le plan mental et dans le soutien apporté à mes compagnons. Dans le football, on travaille avec des préparateurs mentaux et, même si c'est différent, on passe aussi beaucoup de temps en groupe. Mais il y a quand même cette idée d'enfermement. Pour le reste, nous nous en sommes remis à Dieu... Vos collègues vous demandaient-ils de raconter des histoires, des anecdotes sur le football ou sur les joueurs ? Plusieurs d'entre deux me connaissaient. Ils savaient que j'avais joué dans certains clubs et que j'avais été sélectionné en équipe du Chili. Ils avaient pas mal de respect pour moi et c'était réciproque car le travail de mineur représente beaucoup de sacrifices. Je leur racontais beaucoup de choses, sur des buts, des joueurs, des équipes, des blagues... Pendant que vous étiez bloqués dans la mine, différentes personnalités du monde du football ont manifesté leur soutien. Avez-vous été touché par un exemple particulier ? Quand nous sommes entrés en contact avec le monde extérieur, nous nous sommes rendu compte que notre situation préoccupait beaucoup de monde, par exemple Marcelo Salas, Iván Zamorano, Elias Figueroa et, de façon générale, la grande famille du football. Il y a également eu des gestes comme ceux de David Villa ou de Marcelo Bielsa, qui nous ont envoyé des messages de soutien. Malgré les milliers de kilomètres qui nous séparent, les gens du Real Madrid ou de Manchester United ont également fait preuve de beaucoup de classe. Je n'en attendais pas moins du monde du football. Ivan Zamorano a déclaré qu'il était sûr que vous alliez jouer un rôle majeur dans l'unité du groupe de mineurs, compte tenu de votre caractère de leader durant votre carrière de footballeur. Qu'est-ce que cela vous inspire ? Je lui suis reconnaissant pour ces mots, qui sont très touchants. Ivan Zamorano a commencé très jeune à Cobresal et moi, ça faisait quelques années que j'y jouais. Cela m'a beaucoup aidé car avec des chances de survie aussi maigres qu'elles l'étaient à un moment donné, c'était compliqué de donner des conseils. J'ai surtout soutenu les plus jeunes et je leur ai fait comprendre qu'il y avait de l'espoir. Le football, c'est un combat et des sacrifices au quotidien. Voilà ce que j'ai transmis à mes compagnons. Si un joueur avait pu descendre pour vous soutenir et vous motiver, à qui auriez-vous demandé de le faire ? J'aurais aimé qu'Elias Figueroa vienne, pour tout ce qu'il a fait pour le football chilien, pour la personne qu'il est. C'est quelqu'un de très simple si l'on compare à tout ce qu'il a représenté en tant que joueur. Il nous aurait été très précieux, surtout sur le plan psychologique et de toute façon, il l'a été. Quand nous avons été invités par Manchester United, Elías nous a accompagnés et a montré son visage de leader et de capitaine. En parlant d'hommages, quel a été le plus émouvant que vous ayez reçu dans le monde du football ? Sans hésiter, celui de la Confédération sud-américaine de football lors du tirage au sort de la Copa Libertadores 2011. J'ai été invité par Nicolás Leoz et Harold Mayne-Nicholls (ancien président de la fédération chilienne de football). Je n'oublie pas non plus Manchester United, le fait d'avoir été dans ce stade magnifique, avec ces joueurs de top niveau. C'est quelque chose d'inoubliable. Ce qui nous est arrivé représente un bel exemple de survie, de combat et de cohésion humaine À propos des leçons qu'il a retenues de cette expérience Vous avez dû attendre votre retraite sportive et cette tragédie de la mine pour que votre nom revienne au premier plan. Considérez-vous cela comme une reconnaissance tardive de votre carrière ? J'ai les pieds bien ancrés sur terre. Je ne me considère pas et je ne me suis jamais considéré comme un héros. Je sais que sans cet accident, je serais encore un ancien joueur de football passé par plusieurs clubs, retenu en sélection et devenu mineur. J'ai une vision très claire de tout ce qui est en train de se passer. Je crois que ce qui nous est arrivé représente un bel exemple de survie, de combat et de cohésion humaine. L'année 2010 a été difficile pour le Chili. Il y a eu le tremblement de terre, votre accident à la mine… Pensez-vous que le monde a appris quelque chose de la façon dont les Chiliens ont réagi face à l'adversité ? Oui. Aux Etats-Unis, nous avons été invités à l'émission Heroes. Les gens nous ont raconté qu'ils avaient été impressionnés par notre solidarité et notre façon de surmonter l'adversité. J'espère que l'année 2011 sera bien meilleure que ce que nous a réservé 2010. De votre expérience à la mine, qu'allez-vous transmettre aux enfants et aux jeunes des petites catégories de Deportes Copiapó, où vous avez commencé à travailler récemment ? Je discute avec les garçons et je leur fais comprendre que le football est une activité collective. Je leur raconte que durant les 20 premiers jours, alors que nous n'avions rien à manger, que personne ne savait si nous étions vivants ou pas, nous nous sommes serré les coudes. Cette solidarité a été notre force. Ça nous a aidés à tenir 69 jours. C'est ce que je veux transmettre à mes joueurs les plus jeunes : qu'avec du sacrifice, de l'humilité, de la camaraderie et de la cohésion, on arrive à faire beaucoup de choses. C'est ce qui nous a permis de ressusciter. In Fifa.com Il y a un peu plus de six mois, il fallait compulser l'encyclopédie du football chilien ou les collections de magazines spécialisés pour trouver le nom de Franklin Lobos. Réputé pour son jeu tout en finesse et sa formidable frappe, ce joueur a porté le numéro 10 dans tous ses clubs ainsi que dans la sélection chilienne qui a assuré la qualification pour le Tournoi Olympique de Football de Los Angeles 1984.Jusqu'au 4 août dernier, rares étaient ceux à savoir que Lobos était un ouvrier parmi d'autres dans la mine San José, située dans le désert d'Atacama, le plus aride de la planète. Ses collègues les plus jeunes considéraient avec respect cet homme chargé de conduire l'une des navettes qui les descendaient chaque jour à quasiment 700 mètres de profondeur pour extraire les minéraux. De Lobos, ils savaient qu'il avait évolué pendant de nombreuses années avec Iván Zamorano à Cobresal, club où il est encore considéré aujourd'hui comme un joueur emblématique. Puis vient ce jour terrible où Lobos et 32 autres mineurs se retrouvent pris au piège à la suite d'un éboulement. Plongés dans l'obscurité, les hommes n'ont pas de nourriture et aucun contact avec l'extérieur. Ce n'est que 17 jours plus tard que les équipes de secours parviennent à établir que les 33 ouvriers coincés sont encore en vie. Commence alors un suspense qui va durer quasiment deux mois. Deux mois d'attente au cours desquels les messages de soutien vont se succéder avant le déclenchement des opérations de secours, les hommages du monde entier et "le début d'une nouvelle vie", comme l'explique l'ancien milieu de terrain de Cobresal, d'Atacama et des Santiago Wanderers. Quels ont été les moments les plus difficiles à vivre dans la mine ? Les moments les plus durs, nous les avons vécus les cinq premiers jours. Nous ne savions pas si nous étions recherchés ou si nous avions été abandonnés. Cela a été très difficile à vivre. Aux alentours du huitième jour, certains collègues disaient déjà adieu à leurs familles, ça faisait mal. Avec des chances de survie aussi maigres, c'était compliqué de donner des conseils. J'ai surtout soutenu les plus jeunes et je leur ai fait comprendre qu'il y avait de l'espoir. Le football, c'est un combat et des sacrifices au quotidien. À propos de l'aide du football dans la mine Votre carrière de footballeur professionnel a-t-elle joué un rôle capital sous terre ? En effet, elle a joué un rôle très important car nous avons beaucoup parlé de football pour raccourcir les journées, ou je devrais plutôt dire les nuits, car là-dessous, tout n'était qu'obscurité. Le football nous a maintenus en vie. D'un point de vue personnel, ça m'a aidé sur le plan mental et dans le soutien apporté à mes compagnons. Dans le football, on travaille avec des préparateurs mentaux et, même si c'est différent, on passe aussi beaucoup de temps en groupe. Mais il y a quand même cette idée d'enfermement. Pour le reste, nous nous en sommes remis à Dieu... Vos collègues vous demandaient-ils de raconter des histoires, des anecdotes sur le football ou sur les joueurs ? Plusieurs d'entre deux me connaissaient. Ils savaient que j'avais joué dans certains clubs et que j'avais été sélectionné en équipe du Chili. Ils avaient pas mal de respect pour moi et c'était réciproque car le travail de mineur représente beaucoup de sacrifices. Je leur racontais beaucoup de choses, sur des buts, des joueurs, des équipes, des blagues... Pendant que vous étiez bloqués dans la mine, différentes personnalités du monde du football ont manifesté leur soutien. Avez-vous été touché par un exemple particulier ? Quand nous sommes entrés en contact avec le monde extérieur, nous nous sommes rendu compte que notre situation préoccupait beaucoup de monde, par exemple Marcelo Salas, Iván Zamorano, Elias Figueroa et, de façon générale, la grande famille du football. Il y a également eu des gestes comme ceux de David Villa ou de Marcelo Bielsa, qui nous ont envoyé des messages de soutien. Malgré les milliers de kilomètres qui nous séparent, les gens du Real Madrid ou de Manchester United ont également fait preuve de beaucoup de classe. Je n'en attendais pas moins du monde du football. Ivan Zamorano a déclaré qu'il était sûr que vous alliez jouer un rôle majeur dans l'unité du groupe de mineurs, compte tenu de votre caractère de leader durant votre carrière de footballeur. Qu'est-ce que cela vous inspire ? Je lui suis reconnaissant pour ces mots, qui sont très touchants. Ivan Zamorano a commencé très jeune à Cobresal et moi, ça faisait quelques années que j'y jouais. Cela m'a beaucoup aidé car avec des chances de survie aussi maigres qu'elles l'étaient à un moment donné, c'était compliqué de donner des conseils. J'ai surtout soutenu les plus jeunes et je leur ai fait comprendre qu'il y avait de l'espoir. Le football, c'est un combat et des sacrifices au quotidien. Voilà ce que j'ai transmis à mes compagnons. Si un joueur avait pu descendre pour vous soutenir et vous motiver, à qui auriez-vous demandé de le faire ? J'aurais aimé qu'Elias Figueroa vienne, pour tout ce qu'il a fait pour le football chilien, pour la personne qu'il est. C'est quelqu'un de très simple si l'on compare à tout ce qu'il a représenté en tant que joueur. Il nous aurait été très précieux, surtout sur le plan psychologique et de toute façon, il l'a été. Quand nous avons été invités par Manchester United, Elías nous a accompagnés et a montré son visage de leader et de capitaine. En parlant d'hommages, quel a été le plus émouvant que vous ayez reçu dans le monde du football ? Sans hésiter, celui de la Confédération sud-américaine de football lors du tirage au sort de la Copa Libertadores 2011. J'ai été invité par Nicolás Leoz et Harold Mayne-Nicholls (ancien président de la fédération chilienne de football). Je n'oublie pas non plus Manchester United, le fait d'avoir été dans ce stade magnifique, avec ces joueurs de top niveau. C'est quelque chose d'inoubliable. Ce qui nous est arrivé représente un bel exemple de survie, de combat et de cohésion humaine À propos des leçons qu'il a retenues de cette expérience Vous avez dû attendre votre retraite sportive et cette tragédie de la mine pour que votre nom revienne au premier plan. Considérez-vous cela comme une reconnaissance tardive de votre carrière ? J'ai les pieds bien ancrés sur terre. Je ne me considère pas et je ne me suis jamais considéré comme un héros. Je sais que sans cet accident, je serais encore un ancien joueur de football passé par plusieurs clubs, retenu en sélection et devenu mineur. J'ai une vision très claire de tout ce qui est en train de se passer. Je crois que ce qui nous est arrivé représente un bel exemple de survie, de combat et de cohésion humaine. L'année 2010 a été difficile pour le Chili. Il y a eu le tremblement de terre, votre accident à la mine… Pensez-vous que le monde a appris quelque chose de la façon dont les Chiliens ont réagi face à l'adversité ? Oui. Aux Etats-Unis, nous avons été invités à l'émission Heroes. Les gens nous ont raconté qu'ils avaient été impressionnés par notre solidarité et notre façon de surmonter l'adversité. J'espère que l'année 2011 sera bien meilleure que ce que nous a réservé 2010. De votre expérience à la mine, qu'allez-vous transmettre aux enfants et aux jeunes des petites catégories de Deportes Copiapó, où vous avez commencé à travailler récemment ? Je discute avec les garçons et je leur fais comprendre que le football est une activité collective. Je leur raconte que durant les 20 premiers jours, alors que nous n'avions rien à manger, que personne ne savait si nous étions vivants ou pas, nous nous sommes serré les coudes. Cette solidarité a été notre force. Ça nous a aidés à tenir 69 jours. C'est ce que je veux transmettre à mes joueurs les plus jeunes : qu'avec du sacrifice, de l'humilité, de la camaraderie et de la cohésion, on arrive à faire beaucoup de choses. C'est ce qui nous a permis de ressusciter. In Fifa.com