On peut assimiler l'œuvre du pouvoir militaire en Algérie depuis l'indépendance à une œuvre de destruction systématique. L'Etat algérien, à travers toutes ses institutions – les services de sécurité, le FLN, les organisations de masse, l'islam officiel, l'école, etc. – a systématiquement détruit tout ce qui était authentique, vrai, fonctionnel, et l'a remplacé par du toc, du faux, du trompe-l'œil. Ainsi, petit à petit, un peuple algérien nouveau a été façonné, étranger à lui-même et à sa culture ancestrale, réfractaire à l'effort, à la solidarité et à la discipline, roublard et hypocrite. Les gens de ma génération (les plus de 50 ans) ressentent bien cela. Ceux qui ont tiré les ficelles de cette mauvaise pièce de théâtre qui se joue à ciel ouvert depuis 49 ans ont toujours été à l'abri dans les coulisses. Ils ont toujours su que tout était faux et ils ont tout fait pour que ça le reste indéfiniment. Aujourd'hui qu'ils se sont bien rempli la panse et le compte en banque et qu'ils ont fini de mettre en place un vaste réseau de clients qui les servent docilement en se servant aussi, ils se sentent invulnérables et indéracinables. Mais… Quelques jours avant la chute de Tripoli aux mains des rebelles, je suivais les programmes de la chaîne gouvernementale libyenne Al-Jamahiriyya et j'étais sidéré par l'inconscience des tenants du pouvoir dans ce pays. Alors que n'importe quel observateur savait que le régime de Kadhafi se dirigeait inéluctablement vers la défaite, on voyait sur cette chaîne défiler des images surréalistes de propagande et de défi, tenant la victoire du régime pour certaine. Ainsi furent Saddam et ses hommes également prisonniers de leur délire mégalomaniaque jusqu'au bout. Où sont-ils aujourd'hui? Non, aucun trône qui repose sur la tyrannie et l'injustice ne peut rester en place indéfiniment. Même le peuple le plus avili finit, un jour ou l'autre, par trouver le chemin de la révolte. Lectures: 1