…Radovan Karadzic y trouvera une cellule individuelle identique à celle de son maître Milosevic, sous la surveillance de fonctionnaires de l'ONU : 15 m² proprets, un vrai lit, un bureau, une télévision (avec programmes en serbo-croate), un coin toilette et un interphone pour appeler les gardiens. Les chambres ne sont verrouillées que la nuit. Dans la journée, les détenus sont libres de déambuler et de socialiser à leur étage. À la sortie quotidienne en plein air s'ajoutent les activités récréatives, salle de gym, cours d'anglais, initiation à l'ordinateur, baby-foot et même poterie. Le téléphone est collectif, payant et surveillé. L'accès à Internet, cependant, est interdit, «pour raison de sécurité». Dans ce purgatoire aux couloirs ripolinés, les pires ennemis d'hier se côtoient en voisins de palier. Radovan Karadzic y retrouvera Vojislav Seselj, chef de milice serbe et ultranationaliste belgradois ; Ante Gotovina, le général croate qui avait retourné l'arme du «nettoyage ethnique» contre ses inventeurs serbes ; et Rasim Delic, chef de guerre musulman accusé d'avoir fermé les yeux sur l'assassinat de Serbes désarmés. La guerre de 1992-1995 a fait au moins 200 000 morts, musulmans et croates surtout. Mais dans les travées de Scheveningen, «nous n'avons pas constaté un seul incident depuis le début», signale Nerma Jelacic. De fait, ajoute un témoin bien placé, «tout ce petit monde s'entend remarquablement bien». Tous parlent la même langue. Milosevic, tel une diva, demanda un jour à la cantonade si on l'avait «trouvé bon devant ses juges». Vojislav Seselj, encore en procès, s'est taillé la réputation du farceur de la chambrée. Les jours de fête ou d'anniversaire, les invitations pleuvent et tout le monde se retrouve à la même table. «Ceux qui aboutissent à La Haye ne se considèrent pas comme des tueurs de bas étage, mais comme des idéologues et des stratèges, explique le témoin. Ils s'imaginent en bonne compagnie et toujours au-dessus du panier.» Karadzic, connu comme beau parleur et facilement intoxiqué par ses propres mensonges, ne devrait pas dépareiller. Dans les 48 heures suivant son arrivée à Scheveningen, le chef de guerre réincarné en gourou de la médecine alternative devrait comparaître pour la première fois devant le TPIY. L'utilisera-t-il comme une tribune à grand spectacle, à l'image de Milosevic ? Comme lui, Radovan Karadzic a déjà fait savoir qu'il compte assurer lui-même sa défense. Tout porte à croire aussi qu'il plaidera non-coupable.