Devant les juges du tribunal pénal international, Radovan Karadzic a fait état d'un accord avec l'Américain Richard Holbrooke, l'architecte des accords de Dayton (1995) qui ont mis fin à la guerre de Bosnie, pour qu'il ne soit pas poursuivi en échange de son retrait de la vie publique, que Washington dément. La traduction du criminel de guerre serbe, Radovan Karadzic, met les Etats-Unis dans l'embarras. Pour sa première comparution, il évoque un accord qu'il aurait conclu avec l'ancien négociateur américain, Richard Holbrooke, qui lui aurait permis d'échapper à la justice internationale. “Mon engagement était de me retirer, de la vie publique, même de la vie littéraire”, a déclaré Karadzic, avant d'ajouter qu'“en échange, les Etats-Unis rempliraient leurs obligations”. Il a insisté sur le fait que Holbrooke “parlait au nom des Etats-Unis d'Amérique”. Hier, dans une motion écrite rendue publique par le TPI, il est revenu à la charge pour affirmer que le négociateur américain Richard Holbrooke lui a promis qu'il ne serait “pas jugé par le Tribunal pénal international” pour l'ex-Yougoslavie. “En 1996, au nom des Etats-Unis, Richard Holbrooke a fait une offre aux ministres et hommes d'Etat qui étaient mes représentants autorisés (...) s'engageant au nom des Etats-Unis à ce que je ne sois pas jugé devant ce Tribunal”, a écrit Radovan Karadzic dans ce document. Ne s'arrêtant pas là, il accusera le négociateur américain Richard Holbrooke d'avoir voulu sa mort. “Incapable de remplir ses engagements pris au nom des Etats-Unis, il est passé au plan B — la liquidation de Radovan Karadzic”, dit-il. Cette hypothèse explique pourquoi Karadzic, inculpé en 1995, a réussi à échapper pendant treize années à la justice internationale. D'ailleurs, la famille de Karadzic avait affirmé à plusieurs reprises que Holbrooke, le négociateur américain auprès de Milosevic, aurait promis qu'il ne livrerait pas Karadzic au TPI pour l'ex-Yougoslavie en échange de sa mise à l'écart de la vie publique et politique. Il ne fait aucun doute qu'il existait une complicité américaine pour laisser Karadzic dans la nature aussi longtemps. Réagissant aux propos de Karadzic, dans un entretien diffusé jeudi sur CNN, Holbrooke a démenti avoir passé un accord avec l'ancien chef politique des Serbes de Bosnie. Il a affirmé qu'il avait obtenu de Karadzic l'engagement de son retrait de la vie politique en juillet 1996. “J'ai négocié un accord très difficile. Il devait se retirer immédiatement de ses deux postes de président de la partie serbe de Bosnie et de chef de son parti. Et il l'a fait”, a déclaré M. Holbrooke. Il ajoutera : “Mais quand il a disparu, il a diffusé un message de désinformation (prétendant) que j'avais passé un accord avec lui (selon lequel) s'il disparaissait, nous ne le poursuivrions pas. C'était une déclaration complètement fausse.” Selon lui, “il aurait dû être arrêté. Sa Mercedes verte était garée tous les jours sur sa place de parking devant son bureau pendant six mois après les accords de Dayton. Le commandant de l'OTAN de l'époque a refusé de l'arrêter même s'il avait l'autorité pour le faire”. Holbrooke fait endosser la responsabilité aux forces de l'OTAN, déployées en Bosnie après les accords de paix, qui auraient commis “la grave erreur” de ne pas arrêter Karadzic. Il le qualifiera “d'architecte intellectuel” de l'idéologie de haine ethnique en ex-Yougoslavie. “De tous les hommes diaboliques des Balkans, il est le pire”, a-t-il encore asséné. Il rapportera que pendant les négociations de septembre 1995, M. Karadzic “a piqué une crise” quand on lui a dit que les bombardements de l'OTAN sur des cibles serbes allaient s'intensifier s'il ne levait pas le siège de Sarajevo. Poursuivant, il affirmera que Karadzic “a dit qu'il allait appeler l'ex-président Jimmy Carter, son ami”. “J'ai dit : ‘bon, nous travaillons pour le président Clinton. Vous appelez Carter, nous partons et les bombardements vont s'intensifier'”. “Il a été d'accord ce soir-là pour lever le siège de Sarajevo”, a-t-il conclu. K. ABDELKAMEL