Alger, la campagne pour les présidentielles est lancée o Par Mélanie Matarese o o o Mis à jour le 07/06/2013 à 08:32 o Publié le 06/06/2013 à 19:22 L'absence, depuis quarante jours, d'Abdelaziz Bouteflika réveille la classe politique algérienne. Le président est toujours soigné aux Invalides, à Paris. «La campagne présidentielle a commencé en Algérie. Pire, on est déjà en train de faire le procès des années Bouteflika.» À Alger, pour cet officier du DRS (services secrets) comme pour la société civile, le «seuil psychologique des quarante jours» d'absence du président de la République est un signe. L‘effervescence de la classe politique depuis une dizaine de jours en est un autre. Sur les pas du général à la retraite Mohand Tahar Yala pour la création d'un «mouvement citoyen national», d'anciens députés, Abdesselam Rachedi, Hamid Ouazar et Tariq Mira ont lancé une «campagne nationale pour la deuxième République». Un nouveau groupe de quatorze partis politiques, en majorité islamistes, a aussi demandé à ce qu'«un débat national soit ouvert» en vue «des échéances électorales». Alors qu'on ne l'entendait plus depuis des mois, l'islamiste solitaire Abdallah Djaballah, président du Front pour la justice et le développement, a dévoilé cette semaine son propre projet de révision constitutionnelle en faveur d'un régime «semi-parlementaire». Enfin, Ali Brahimi, à la tête du Mouvement citoyen pour les libertés et le développement, a aussi formulé onze propositions de base pour un débat sur la transition démocratique. «La maladie et le refuge de Bouteflika en France mettent fin, de fait, à un quatrième mandat, constate l'ancien député indépendant. Nous devons maintenant réfléchir à une transition démocratique (comprendre: l'élection d'un président non coopté par les décideurs) qui respecte les institutions et revenir au processus démocratique qui a été par trois fois entravé en 1989, 1995 et 1999.» Déjà des cadidats en lice Les candidats ne se sont pas encore tous déclarés mais les pronostics entamés il y a plusieurs semaines s'affinent. Officiellement partants: Ahmed Benbitour, ex-chef de gouvernement débarqué brutalement en 2000 par Bouteflika après quelques mois seulement d'exercice, l'inconnu Seddik Menassel, président de l'Union des nationalistes algériens, qui souhaite «lutter» contre la corruption, et a déjà tenté sa chance en... France. Si l'option Liamine Zéroual (général déjà président de la République de 1994 à 1999) semble exclue malgré un lobbying influent en sa faveur, s'il n'y a plus de doutes sur la participation d'Ali Benflis, sorti en 2004 d'un bras de fer avec Bouteflika avec 6 % des suffrages, le suspense demeure autour de la candidature du «réserviste de la République» Mouloud Hamrouche, déjà candidat en 1999. L'ancien chef de file des réformistes et chef de gouvernement de Chadli à la fin des années 1980, lieutenant-colonel à la retraite et directeur de protocole du président Boumediene, pur produit du système à l'égard duquel il reste très critique, n'irait, selon ses proches, «que si le pouvoir le sollicite». Une question anime surtout la scène politique – où le FLN et le RND, soutiens du président semblent tétanisés: le jeu sera-t-il vraiment ouvert? «Il est trop tôt pour le savoir. Il y a encore trop d'inconnues: l'état de santé du président, la tournure que prendra la contestation sociale, et... l'air du temps!», plaisante un proche de la présidence en évoquant à demi-mot le contexte arabe. Cette semaine, l'ambassadeur américain Henry S. Ensher à Alger s'est invité dans l'actualité nationale en lâchant que Washington était «prêt à travailler avec tout gouvernement élu par le peuple algérien selon la Constitution». Pour Tariq Mira, ces élections présidentielles ne sont finalement qu'«un alibi». «C'est toute la problématique du changement qui se pose, précise-t-il. Je pense que dans l'inconscient des gens, la fin de l'ère Bouteflika marque la fin d'un système. Mais pour instaurer une démocratie, il faut se mobiliser, sinon le président remplacé, le système, lui, est capable de se perpétuer.»