Une nouvelle révision de la Constitution a été décidée par le président de la République. Cette révision intervient à une année de la présidentielle de 2014. Si les autorités insitent sur l'aspect participatif de cette révision, en réalité, les enjeux préfigurent probablement les nouveaux équilibres des pouvoirs. A une année de l'élection présidentielle, la révision de la Constitution en Algérie paraît être le seul projet politique du président Abdelaziz Bouteflika. Douze mois à remplir avec un débat réduit à sa portion la plus simple. Un groupe d'experts va discuter à huis clos du projet de révision, fera des propositions et les soumettra au chef de l'Etat pour validation. Qu'en est-il de la société ? Des jeunes ? Du mouvement associatif ? Des Algériens qui ont des choses à dire ? L'Egypte et la Tunisie, en pleine transition démocratique, discutent d'un nouveau projet de Constitution, depuis bientôt deux ans. Il est vrai que la situation politique de ces deux pays est différente de celle de l'Algérie dans la mesure où ils sont en reconstruction d'un Etat pris en otage pendant plus de trente ans par la dictature. L'Algérie est supposée avoir commencé sa transition démocratique depuis la Constitution de février 1989. Transition stoppée net après l'arrêt du processus électoral en 1992. La révision constitutionnelle de 1996, qui a introduit le bicaméralisme et la limitation des mandats présidentiels, devait gérer une situation exceptionnelle marquée par les violences. La limitation des mandats présidentiels était par contre une petite révolution dans le paysage politique arabe. Au sortir de cette période mouvementée des années 1990, il fallait engager une profonde réforme des institutions de l'Etat mais en allant vers plus de démocratie, de transparence, d'ouverture et d'accountability. En 1999, Abdelaziz Bouteflika avait installé un comité pour la réforme de l'Etat. Ce comité, présidé par Missoum Sbih, actuel ambassadeur d'Algérie en France, a remis un volumineux rapport avec une série de projets de loi. Le rapport n'a pas été rendu public et pris en compte que partiellement dans les décisions présidentielles prises entre 2000 et 2011. Or, ce document aurait pu servir de base pour la révision de la Constitution pour renforcer les fondements de l'Etat des citoyens et réduire les dégâts de l'archaïsme bureaucratique. Cela n'a pas été fait à l'époque, même si Bouteflika n'a pas cessé, durant ses différentes campagnes électorales, de critiquer la Constitution. Alors pourquoi engage-t-il un processus sensible et important à moins d'une année de la fin de son troisième mandat, une période où tous les coups bas sont permis ? N'y a-t-il pas risque de voir la révision constitutionnelle, qui est un acte politique majeure, se réduire à un ensemble d'avis d'experts ou une compilation de théories en déphasage avec les réalités socio-politiques ? Des partis critiquent déjà la démarche présidentielle en ce sens que la révision de la Loi fondamentale doit concerner l'ensemble des Algériens. Un débat large et ouvert est nécessaire avant toute entreprise de ce genre. La révision de la Constitution est un acte politique, pas technique. Si la prochaine Constitution ne va pas limiter les mandats présidentiels à deux, ne donnera pas pouvoir au Parlement, ne renforcera pas le pouvoir de contrôle sur l'argent public, ne précisera pas les missions de l'armée et des institutions qui lui sont liées, ne réduira pas les prérogatives présidentielles et ne consolidera pas les principes de liberté, de droits humains et d'égalité des chances..., et bien, il ne sert à rien de la réviser. Autant donc garder l'actuelle Constitution pour ne pas gaspiller de l'énergie, de l'encre et du papier. L'opinion nationale ignore tout de ce que veut le président de la République à travers cette révision. Comme elle ne sait pas si le locataire du palais d'El Mouradia va se représenter ou pas pour un quatrième mandat. Donc, l'enjeu est à quel niveau ? Dans la modernisation réelle de l'Etat algérien ou dans les intentions présidentielles encore non exprimées ? Il n'y a aucune possibilité de trouver réponse, puisque le chef de l'Etat, lui-même, ne dit rien sur ce qu'il veut à travers cette troisième révision de la Constitution qu'il entreprend depuis son retour au pouvoir en 1999. A moins que la prochaine révision n'aura pour seul but que de rétablir ce qui a été supprimé lors des deux précédents amendements, à savoir, le rétablissement du poste de chef du gouvernement et le retour à la limitation des mandats. Tourner en rond, en somme, alors que le pays a besoin de stabilité en raison des menaces qui pèsent sur toute la région africaine. Des menaces alimentées par des intérêts géostratégiques et économiques croissants.