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Un « patois » gouvernemental authentiquement algérien
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 21 - 05 - 2016

Certains ministres ganaches donnent vraiment l'impression qu'ils sont intellectuellement incapables d'assumer leurs hautes fonctions. Ne serait-ce que sur le plan du langage, ils ne peuvent terminer leurs phrases sans faire des erreurs grammaticales humiliantes. Le niveau de nos enfants est bien supérieur au leur. Car, certains nous offrent quotidiennement des ratés ontologiques, d'où la question de savoir si leur déficit linguistique grossi par la non-maîtrise de l'arabe comme du français, ne serait-elle pas une indication d'absence d'intelligence ? Pour compenser ces carences, et produire la sympathie, certains à l'image du premier ministre recourent à l'humour, parfois de mauvais goût, ce qui corse davantage l'image. A part quelques-uns qui sortent du lot, le personnel politique algérien souffre de carences cognitives et même ceux qui convoquent Hegel et Spinoza dans leurs contributions écrites versent dans le plagiat pur et simple.
Les américains ont tenté d'évaluer leurs dirigeants avec des tests conçus à l'effet de mesurer leur Q.I. Dans une étude réalisée en 2006, le professeur UC Davis Dean Simonton a utilisé des méthodes historiometriques pour estimer le QI de chaque président. Il a analysé les informations tirées de biographies, de discours et d'écrits qui indiqueraient l'intelligence de chacun. Résultat, G.W Bush, est le plus crétin des présidents avec un score de 91 points (pas loin de celui de son père (98) alors que le plus élevé revient à Clinton (182). Les observateurs ont établi ce palmarès à partir des faibles notes liées la difficulté apparente de G.W. Bush à maîtriser la langue anglaise ainsi qu'à la pauvreté de son vocabulaire, limitée à 6.500 mots contre une moyenne de 11.000 mots pour les autres. Imaginons un instant quel serait la réaction du système d'évaluation si on viendrait à lui introduire des formules comme Khanfoussa, batata, keyen tchechouka, el raya tferfer, kharjine li rabbi tay tay, harkou l'marmita, neguelbou douminou, Bou rourou, Rabbu y'ass dfina bli jumelles... Cette interaction de l'élitisme incarnée par le poste de la chefferie du gouvernement avec ce charabia populiste provoque le malaise. M. Sellal, a du mal à communiquer. Il souffre de la «pathologie de la rhétorique vide de sens et d'imagerie». Il n'y a jamais eu un premier ministre aussi médiocre. L'homme n'est tout simplement pas à la hauteur. Ce ne sont pas là des spéculations mesquines de rhéteurs, mais ce sont ses propres prestations qui démontrent son incapacité à formuler une pensée cognitive.
Hier, c'était Chadli Bendjedid qui inspirait les faiseurs de blagues, aujourd'hui, c'est Abdelmalek Sellal qui trône sur le podium, non parce qu'il s'adonne lui-même sans modération à cet exercice au demeurant périlleux, mais parce qu'il est devenu, à son insu, un personnage risible. Tout le monde se rappelle de cette douloureuse scène où on le voit, crucifié au milieu d'un panel de chefs d'Etats arabes, articuler à la césarienne des mots hachés, rédigés en grosses lettres. Visionné par un spécialiste, le verdict est implacable : trouble d'apprentissage et dyslexie, pathologie psychologique qui se manifestent généralement chez l'enfant. Dans une autre vidéo, on le voit souffrir avec le moktarahatiha (ses propositions) qu'il arrive qu'après plusieurs tentatives à prononcer : Mokta... Morta... MOK TA RA HA TI HA (enfin). Soulagement dans la salle accompagné d'applaudissements nourris, traduit en langage clair ; Voilà, tu y arrive, Bravo. Sur la même vidéo, Mme Benghabrit invente un ouveau verlan : Qotbe au lieu Qotr (pays), Injah au lieu de Nadjah (réussite), I'tidamate ou lieu de I'itimadate (ressources), Ithtitnaquia ou lieu de istithnai'a (exceptionnelles) Banati oua Abnati (mes filles) Tenfaqid, ghalate giden, Ana ‘ftage't... Ces deux membres du gouvernement nous offre la démonstration de la parfaite osmose entre la sémantique du comique et la pratique du rire, le summum de la lexicologie populaire dans sa facture la plus folklorique.
Qu'est ce qu'on pourrait attendre d'un tel personnage avec un tel niveau linguistique ! La prévalence des blagues chez le premier ministre algérien, la déformation clownesque de l'arabe chez madame Benghabrite pourraient mettre en évidence leurs relations troublantes avec l'oral et ses différentes variantes relatives à l'usage du verlan version algérienne.
La réputation de Bouteflika d'être un homme intelligent et pédant, est en contraste avec ce personnel, ni politique ni technocrate, qu'il a choisi depuis son règne. Ils partagent tous un trait commun ; l'anti-intellectualiste. En 2000 la classe intellectuelle adora le nouveau président presque autant qu'elle vilipenda ses prédécesseurs ridiculisés par leur manque d'aura et d'intelligence. En effet, dès son installation, le nouveau chef d'Etat versa dans un faux l'intellectualisme en citant pêle-mêle Magna carta, l'histoire politique et philosophique... mais coupa aussitôt les liens avec le monde de la pensée et ironisera mêmes sur les new douktours. Il effacera de la scène, les brillants esprits que comptait l'Algérie mais tout en gardant quelques « intellectuels publics/ou de service ». La liste des « experts » d'El Mouradia est maigre comme l'est leurs crédits intellectuels : Boughazi, Razak Bara, Zarhouni Ben Amar, Belaïz. Peut-être, le meilleur d'entre eux était un général à la retraite, M. Touati, qui a quitté depuis les lieux. Les autres qui seront chargés de vendre le programme du président vont verser dans la câlinerie avec ce fameux fakhamatouhou gonflant ainsi l'égo du locataire d'El Mouradia. Bouteflika a une excellente intelligence sans être un intellectuel au point où il balaya de son orbite les plus érudits de ses collaborateurs. Il était capable –dit-on- d'absorber une quantité étonnante d'informations dans un très court laps de temps, la digérer, pour ensuite poser des questions pénétrantes vives qui mettaient souvent mal à l'aise ses interlocuteurs. Cet homme, dont on dit grand glouton de livre, a-t-il besoin d'un Sellal, un Saïdani, et autres amuseurs publics pour étoffer son équipe !? Après tout, à quoi sert l'intelligence si avec 800 milliards de dollars, le dinar n'a comme concurrent que le Kyat de Myanmar (MMK).
Certes, nous convenons que l'intelligence ne se réduit à la maîtrise du verbe et de son complément d'objet. Ceci, même les charlatans peuvent le faire. Mais l'intelligence est cette capacité à saisir les enjeux de la politique publique, de synthétiser l'information d'une manière cohérente et prévoir des solutions. Là aussi, nous ne pouvons dire que les membres du gouvernement brillent par leur manque de lucidité, car au lieu de s'attaquer aux vrais enjeux, ils sillonnent le pays avec comme seul souci ; garder leurs « portefeuilles ».
Les blagues politiques sont omniprésentes et atteignent un large public de tous les âges. Elles se propagent davantage avec l'essor de l'Internet, les téléphones mobiles. Des milliers de personnes et des dizaines de blogs se sont spécialisés dans la diffusion des blagues et ont pu créer autour du premier ministre, M. Abdelmalek Sellal, et Mme Noria-Rémaoun Benghabrit, des légendes vivantes du rire politique algérien. Des sites sont exclusivement dédiés à leurs sorties respectives, avec des « best of » que les internautes partagent avec frénésie.
Ces génies de l'Internet dépeignent toute la réalité dans la société politique ; ils scrutent le moindre mouvement, le moindre lapsus et mettent en exergue les dysfonctionnements de l'Etat. La reproduction tendancieuse et intentionnelle sur le Net des prouesses verbales des hauts commis de l'Etat est un nouveau genre du rire politique qui agit comme libérateur mais toujours avec des réactions négatives. Aujourd'hui, dans certaines réunions feutrées, on meuble les soirées avec le visionnage des perles sallalienne sorties tout droit du premier livre sur les blagues « Le philogelos » The Lover rire (4ème siècle après J.C.). On pourrait aisément les réunir et en faire un corpus, comme l'avaient fait Hiéroclès et Philagrius à propos des blagues grecques. La politique est quelque chose sérieuse pour qu'elle soit abandonnée au folklore burlesque.
En fait, la télévision algérienne n'a pas besoin d'un the Daily Show, des guignols de l'info ou d'un Bebête Schow à l'algérienne. Nos politiques sont de vrais comédiens qui n'ont pas besoins de chansonniers pour leur écrire les sketchs. Ainsi des personnages sont crées ; Boumarmita, Bouteh'wissa, Boulkirane, El raqi, Abu el Faqaqir... Ils n'ont rien à envier aux mises en scène de Fellag ou d'Abdelkader Secteur. Les visiteurs des Dz-Joker, MisterX, Unknown, la grande Kechfa, Bled-Mickey... trouvent leur compte. L'analyse des débats suscités par les montages opérés par les jeunes internautes montre que l'humour politique et son corollaire l'usage du verlan benghabriti, au lieu de susciter le chatouillement a eu un effet négatif sur la confiance dans les institutions politiques et leurs représentants. Aussi, le clip « Boutef t'es où » parodie de « Papa t'es où » a eu un tel succès phénoménal, que certains jeunes l'on reprit pour en faire leur sonnerie de téléphone.
En réponse à la courtoisie d'une chef de projet chinoise qui le saluait dans un arabe correcte, le premier ministre répondit : « Salam alaykoum ya l'batata ». Ainsi, il inaugure la blague ethnique sur la base de la cible « stupide » que représenterai la chinoise. Cependant, on ne rit jamais de la réussite de l'autre mais de sa faiblesse. Cet axiome philosophique longuement expliqué par les Socrate, Aristote, Platon, Spinoza, Hobbes... ne semble pas tenir la route chez M. Sellal puisqu'il se moque d'une chinoise qui parle l'arabe mieux que lui et de surcroît, elle vient d'un lointain pays, aux antipodes de l'Algérie, pour lui construire logements, stades et autoroutes... Le sociologue Christie Davies a beaucoup écrit sur les blagues ethniques notamment lorsque le risible est cet autre qui ne ressemble pas au rieur. C'est le cas des Polacks et des Italiens pour les américains, des français pour les allemands, des belges pour les français, des irlandais pour les anglais, des indous pour les algériens... Avec les « sorties sellalienne » on n'est dans le flou le plus total, et même un Sigmund Freud s'y perdrait, lui qui a longuement réfléchie sur les blagues et leur relation à l'inconscient. Sa typologie construite sur la différence entre la plaisanterie, l'humour et le comique va perdre son efficience scientifique avec le jeu de scène de notre premier ministre. En effet ces distinctions deviennent difficilement perceptibles dans l'«humourologie» sellalienne. Pourquoi continuerait-il, -et peut être en est-il le seul- à trouver dans la personne de la chinoise, « quelque chose de drôle », qui ressemblerait à une batata. La « gélothérapie » ( du gelos grec/rire) de Si Abdelmalek doit avoir droit de cité dans la Société internationale d'études sur l'Humour.
Ce qui intéressant c'est de savoir qu'est ce qui pousse ce personnage politique à user du rire ; serait-ce l'ignorance, l'anxiété, le chatouillement ou tout simplement une nouvelle forme « spécifique » de communication inventée pas ses conseillers en com ? Son rire ainsi instrumentalisé lui semble participer à « l'effort de guerre » pour acquérir l'acceptation de l'autre et soulager les difficultés de gouvernance (Anta rouh tergoud, wa na ndabar rassi /Toi, vas dormir et moi je m'occupe du reste) ou amenuiser les craintes : (N'ayez pas peur, il y'aura du yaourt et de la banane)
Les incongruités ludiques exprimées à travers les prises de paroles publiques du premier ministre, aussi indigestes soient-elles, nous offrent néanmoins une sorte de furdja. Tout le problème est de savoir quelle en sont les limites pour qu'il n'altère pas « la légèreté de son sang » pour reprendre une expression arabe (khifet el dem).
Rire du politique est une arme redoutable pour un peuple privé de liberté (de critique et d'expression), il s'apparente à une « petite révolution ». Il y'a toujours un message politique sous couvert du comique. Parfois, la blague est rattrapée par la réalité. Questionné par El Kabbach si le président Bouteflika envisagerait une présidence à vie, Medelci répond le plus sérieusement du monde : « Tout à l'heure vous avez demandé à mon ami le professeur Khamis de dire des blagues, nous aussi nous en disons. Permettez-moi de dire que ça, c'est plutôt une blague. Pour moi algérien, pas ministre ». Hormis sa violation de l'obligation de réserve, c'est à lui que le candidat en « petite alacrité », dans un décor tragicomique, présenta quelque temps après, son dossier de candidature.
Lorsque le créateur de la formule fondamentalement fondamental parle d'histoire et de géographie, nous nous demandons de quelle école il sort : « L'Algérie n'est pas une île... L'Algérie était une île lorsque les îles Cécile étaient » ?! Peut-on dès lors lui en vouloir d'ignorer les autres domaines tels que la philosophie, les arts, l'anthropologie ? Un homme qui parle de batata, thchekchouka, marmita, domino ne peut avoir lu beaucoup de livres, apprécier des toiles, vu des films d'auteurs en dehors de qahwat el Gosto.
A l'approche des présidentielles américaines avec la perspective qu'un ignare et inculte arrive à la maison blanche, des intellectuels ont rédigé une lettre à leur compatriote qui commence par ces termes : « Nous voulons que les électeurs imaginent Donald Trump assis sur le grand fauteuil du bureau ovale, avec au bout de ses doigts des responsabilités énormes qui mettent en jeu l'équilibre mondial ». En Algérie, les Donald Trump sont nombreux, et ils ne veulent pas partir, et les salaliettes continuent d'être un marqueur déterminant de la chefferie de M. Sellal.


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