Mauritanie. Malgré le mépris cette semaine de l'ultimatum de l'Union africaine et deux mois après le coup d'Etat, d'autres négociations sont prévues à Bruxelles dès le 10 octobre pour le retour à l'ordre dans le pays. La manifestation du Front National pour la Défense de la Démocratie (FNDD) qui s'est déroulée à Nouakchott dimanche dernier n'a rien changé à la configuration politique de la Mauritanie, et le gouvernement institutionnalisé par le coup d'Etat du 6 août dernier reste largement contesté. Le FNDD, qui rassemble les partis opposés au putsch, s'était pourtant vu interdire le droit de manifester, malgré sa volonté affichée d'en rester à une contestation pacifique. Les policiers en charge de disperser les manifestants, au nombre de 200, ont sillonné le centre-ville durant tout l'après-midi. Il n'empêche que les dirigeants du FNDD parlent d'un « cinglant démenti pour le régime », et mettent surtout en avant l'effort symbolique pour sensibiliser les opinions. Une sensibilisation pertinente, puisque la communauté internationale est clairement opposée au coup de force du 6 août. Le FNDD a d'ailleurs choisi la veille de l'ultimatum posé par l'Union africaine pour manifester : celle-ci avait exigé, le 22 septembre dernier, « le retour à l'ordre constitutionnel par le rétablissement inconditionnel du président officiel dans ses fonctions, à la date du 6 octobre 2008 au plus tard ». L'UA avait déjà adopté des sanctions provisoires et immédiates, à savoir un embargo maritime, des interdictions personnelles de voyager et le gel des avoirs financiers des plus hautes autorités à l'étranger. Des mesures d'isolement que le premier ministre nommé par la junte, Moulaye Ould Mohamad Leghdaf, a déclaré vivre difficilement. « Les contacts ne sont certes pas totalement interrompus, mais j'aurais aimé que ce soit beaucoup plus développé que ce qui existe maintenant », a-t-il déclaré. La liberté politique a tourné court L'Etat d'Afrique de l'Ouest avait connu un tournant avec l'élection de son premier président démocratiquement élu en juillet 2007. Mais aujourd'hui, il semble s'écarter de cette « transition démocratique », puisque c'est une coalition militaire qui le dirige désormais. Avec à sa tête, le général Mohamad Ould Abdel-Aziz. Celui-ci remplace le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, lequel est toujours détenu en résidence surveillée. La victime connaît bien son bourreau, et pour cause : le général était déjà à la tête du putsch de 2005 et du gouvernement provisoire qui avaient favorisé son accession démocratique au pouvoir. Mais les choses ont changé. En moins de quinze mois, la première expérience de liberté politique mauritanienne a tourné court. Avec une légitimité controversée, la junte de Aziz gouverne depuis deux mois. Les tenants du coup d'Etat s'appuient faiblement sur leur rôle joué en 2005 pour justifier les mesures arbitraires. Certains parlementaires soutiennent à ce titre le nouveau gouvernement : ses membres étant à la base de l'impulsion démocratique de 2007, ils conservaient le droit de « rectifier les choses » si le président faisait « dévier la démocratie de son chemin et empêche le fonctionnement normal des institutions ». Les entorses à la démocratie sont ainsi couvertes. Le premier ministre explique que « depuis le mois de mai, le pays ne fait que manifester. On va diminuer ça, d'ailleurs, on va interdire toutes les manifestations, dans un sens ou dans un autre ». La situation connaîtra une nouvelle analyse avec la visite de Moulaye Ould Mohamad Leghdaf à Bruxelles du 10 au 15 octobre, où il s'entretiendra avec ses 27 partenaires européens. Les Accords de Cotonou du 23 juin 2000 impliquent effectivement que l'Union européenne puisse prendre part aux négociations relatives à la vie politique mauritanienne. La junte compte y faire valoir sa gouvernance « provisoire », ainsi que le respect inédit, selon elle, de la démocratie dans le pays. Et si les pays occidentaux peinent à cautionner de tels écarts à l'établissement d'une démocratie représentative, les instances internationales telles que l'UA préfèrent une sortie de crise légale et sans heurts.