A l'orée de cette dix-huitième année d'un siècle bien entamé, quel regard d'espoir porterons-nous sur l'année qui commence : elle risque de demeurer, certes, grosse des menaces, des dogmes et des exclusions des années écoulées. Ce XXIe siècle reste, assurément, comme j'ai eu l'occasion de l'écrire, il y a une décennie, le siècle du paradoxe et de la démesure, le siècle de l'humanisme, des morales perverses et des monopoles de la pensée, le siècle de la science pour le meilleur et pour le pire, science de la vie et de la mort. Nous voici sortis d'une année pleinement achevée pour entrer dans cette année naissante... dans ce monde où l'homme se pique de vivre «en temps réel». Un peu plus de certitudes et un peu moins de troubles Puisse donc cette année nouvelle avec sa cohorte de désenchantements salvateurs et de science triomphante – mais avec ses interrogations – nous apporter un peu plus de certitude et un peu moins de troubles, d'exclusion et de déracinement pour les milliers d'hommes et de femmes poussés hors de leur pays et leurs territoires par les guerres et les conflits géostratégiques, ethniques et religieux. Que l'homme, enfin, redevienne, progressivement, le moteur de l'histoire. J'entends par l'homme, bien sûr, l'homme et la femme. Et que la femme soit au cœur du changement et qu'elle soit tout autant le cœur du changement, car la poussée et l'élan, je le sais, viennent toujours de l'arrière, de la multitude, de la jeunesse, de cette jeunesse multiple, nombreuse et légitimement impatiente. Chacun aspire à retrouver une égale dignité Notre vœu est qu'en cette année naissante se réduise l'abîme entre la formidable explosion du progrès technologique, fort de toutes ses promesses et la déferlante des politiques agressives ici et là dans le monde du Sud, à commencer par le Moyen-Orient, l'Afrique où nous vivons et où chaque citoyen aspire à retrouver une égale dignité. Ma foi est grande pour que cette année soit l'année du vivre-ensemble, de la proximité et de la tolérance, dans une Algérie plus à l'aise sur son territoire, réconciliée avec soi et avec son patrimoine. Et que cette année nouvelle apporte plus de confiance que d'incertitudes, ainsi qu'une amélioration de la qualité de notre cadre de vie dans nos villes et villages. Qu'elle soit aussi une année où l'on assiste à la régénération de nos ressources naturelles et notre capital patrimonial et culturel. S'émerveiller, c'est vivre ensemble dans l'apaisement Car chacun sait que la nature ne se gère pas toute seule et la qualité d'un patrimoine dépend très largement de l'intervention de l'homme : protéger le patrimoine et notre lignage, c'est protéger la vie et célébrer activement notre héritage collectif dans toute sa diversité, sans oublier de se préparer activement à l'arrivée des technologies démiurgiques, c'est conserver la mémoire de nos origines. Protéger le patrimoine, c'est enfin préserver la perspective qui permettra à l'Algérien la découverte et l'émerveillement face à ce patrimoine lumineux et original. S'émerveiller, c'est vivre ensemble dans l'apaisement. Tout en sachant que cet équilibre harmonieux relève de la durée et non de l'instantané. La confiance en nous-mêmes, en notre pays... Et au lieu de subir la sinistrose comme à notre habitude, nous faisons confiance à nous-mêmes, à notre pays, à nos capacités afin de faire reculer le pire et le désenchantement, et laisser la place à la confiance et qu'enfin le meilleur soit pour notre pays et au-delà... Chérif Rahmani Ambassadeur des Nations unies pour les déserts et les terres arides, président de la Fondation des déserts du monde, ancien ministre