L'Inspection générale des finances (IGF) et son homologue espagnole ont clos mardi dernier un jumelage de 27 mois, en espérant que cette coopération permette à l'Algérie un meilleur contrôle des fonds publics. Le jumelage institutionnel entre l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Institut d'études fiscales espagnol (IEF) permettra à l'IGF d'assurer un meilleur contrôle des fonds publics, selon les conclusions avancées lors du séminaire de clôture de ce projet. Présent au séminaire, le ministre des Finances Abderrahmane Raouya a indique que ce jumelage, conclu dans le cadre du Programme d'appui à la mise en œuvre de l'accord d'association avec l'Union européenne (P3a), a notamment facilité la mise en œuvre d'une programmation pluriannuelle des missions de l'IGF. Grâce à ce jumelage, l'Inspection s'est dotée d'une cartographie des risques dans l'objectif d'adopter une approche par les risques et une évaluation systématique et plus approfondie du contrôle interne, selon lui. Le contrôle de l'IGF sera ainsi «un contrôle axé sur la performance», a-t-il ajouté en invitant l'Inspection à fructifier les nouvelles compétences acquises dans le cadre du jumelage afin de mettre ses interventions en conformité aux normes et standards internationaux et d'adapter les outils techniques au contexte national pour une meilleure efficacité des opérations de contrôle. Force de proposition pour la gestion des finances publiques Ces performances vont surtout conforter l'Inspection dans son rôle de force de proposition en ce qui concerne la gestion des finances publiques, selon le ministre. «Ce jumelage a permis un bond qualitatif en matière de méthodologie de préparation, de conduite et de suivi des missions de contrôle de l'IGF, ce qui va la conforter dans son rôle de force de propositions, de conseil et d'aide à la prise de décision», a-t-il dit. «Notre ambition est d'impulser une dynamique nouvelle aux opérations d'accompagnement de l'administration et des acteurs économiques afin d'arriver à une prise en charge efficiente des défis qui se posent à l'économie algérienne en termes de croissance et de diversification», a poursuivi le ministre des Finances. Financé à hauteur de 1,4 million d'euros par l'UE, ce jumelage de 27 mois a mobilisé une quarantaine d'experts espagnols pour plus de 80 missions d'expertise. De son côté, le chef de la délégation de l'Union européenne (UE) en Algérie a d'abord salué «l'excellente coopération» avec le ministère des Finances en assurant que ce jumelage permettra d'améliorer la qualité du contrôle des dépenses publiques en Algérie par l'IGF. «Le jumelage aura permis d'étudier les meilleures pratiques de l'UE pour contribuer à la performance de l'IGF dans une vision de passage à un contrôle de gestion et de performance», a-t-il dit. Modernisation de leurs méthodologies d'intervention C'est-à-dire que l'IGF «a désormais vocation de devenir un organe de contrôle capable d'examiner de manière indépendante, objective et fiable le fonctionnement des entités relevant de son champ d'intervention», a avancé l'ambassadeur de l'UE en assurant que tous les objectifs fixés au début du jumelage ont été atteints. Le projet aura ainsi permis d'aboutir au renforcement du rôle de l'IGF dans la vérification de l'utilisation des fonds publics en permettant à ses inspecteurs l'acquisition de l'expertise nécessaire et la modernisation de leurs méthodologies d'intervention, y compris en matière d'identification et d'analyse des risques, selon lui. «Les contrôles de l'Inspection seront mieux ciblés et effectués sur la base de l'analyse des risques et évolueront progressivement d'un contrôle de conformité vers un contrôle de performance, les délais des procédures étant également raccourcis», a-t-il affirmé. A son tour, le chef de l'IGF, Ali Terrak, s'est félicité des résultats de ce jumelage et notamment en ce qui concerne l'élaboration de la cartographie des risques qui permettra à l'Inspection d'axer ses interventions sur la base de risques potentiels préalablement identifiés. Multiplier les jumelages de ce genre, acquérir de l'expertise et moderniser ses méthodologies ne peuvent être que bénéfiques pour l'IGF. Reste à exercer ses missions de manière indépendante, et ça, ce n'est pas encore à l'ordre du jour. Quant à disposer d'un budget plus conséquent et être doté de ressources humaines, en nombre et en qualité, c'est encore loin d'être la priorité du gouvernement… Malheureusement, autre handicap de taille, l'opinion publique n'a toujours pas accès au rapport annuel d'activités de l'IGF. Silence, on contrôle ! A quoi sert l'IGF ? Pour rappel, une ordonnance promulguée en 2008 a renforcé les structures de l'IGF, qui est une institution de contrôle financier relevant du ministère des Finances, et élargi ses missions aux Entreprises publiques économiques (EPE) alors qu'elles étaient auparavant limitées aux administrations et institutions financières. L'IGF est habilitée à contrôler la gestion des caisses et vérifier les fonds, valeurs, titres et matières de toute nature, détenus par les gestionnaires ou les comptables, et se fait présenter tout document ou pièce justificative nécessaire aux vérifications. L'inspection n'intervient cependant pas par auto-saisine mais sur demande des autorités publiques. Seuls le président de la République, les présidents des deux chambres du Parlement et les membres du gouvernement sont habilités pour ce genre de saisine. Les rapports de l'Inspection peuvent déboucher sur des actions ou des expertises judiciaires, des aménagements aux conditions de travail et de gestion ou simplement sur des conseils et des recommandations. L'IGF avait notifié en 2017 quelque 330 rapports qu'elle a transmis aux autorités habilitées. 330 rapports en 2017, combien en 2018 ? L'IGF a notifié en 2017 plus de 330 rapports qu'elle a transmis aux autorités habilitées, «soit une progression notable par rapport aux dernières années», selon son chef. Ces rapports, qui se rapportaient aux exercices 2016 et 2017, relèvent des dysfonctionnements et fournissent des recommandations à travers des opérations de contrôle de gestion, des audits dans le secteur économique, des enquêtes et des évaluations de dispositifs ou de programmes publics. Pour le «patron» de cette institution, l'augmentation du nombre de rapports est surtout le fruit du renforcement des moyens de l'IGF qui avait, d'autre part, instruit ses cadres de la nécessité de réduire les délais de déroulement des missions et ceux de supervision des rapports. Lors du séminaire annuel de décembre 2017, le ministre des Finances avait estimé, quant à lui, que «les actions de réforme initiées par l'IGF, en passant par un système d'information efficace, une programmation pluriannuelle basée sur les risques et l'adoption de procédures de contrôle conformes aux standards internationaux, devraient permettre à cette institution de mieux répondre à l'impératif de rationalisation des dépenses budgétaires». Il avait, à ce effet, mis l'accent sur la valorisation de la ressource humaine de l'Inspection en l'appelant à «continuer à s'acquitter de ses obligations avec professionnalisme, intégrité, indépendance et neutralité». Il avait aussi exhorté les cadres et inspecteurs de l'IGF à adopter des attitudes de nature à ériger en principe de base le devoir d'alerte et de conseil «pour faire des rapports de l'Inspection des outils d'aide à la décision, d'amélioration de la gestion et de mise en œuvre des principes de bonne gouvernance». Combien de rapports seront notifiés par l'IGF d'ici la fin de l'année 2018 ? «Des limites et des insuffisances notables» Pour rappel, le chef de l'IGF avait souligné l'année dernière que la mise en œuvre, depuis bientôt une dizaine d'années, des textes régissant l'IGF a montré «des limites et des insuffisances notables». Des insuffisances qui appelaient, selon lui, une «révision globale et l'engagement d'une réflexion sur le repositionnement du cadre juridique de l'IGF par rapport au système national de contrôle des finances publiques». Un éventuel regroupement en un document unique des cinq textes juridiques régissant les structures centrales et régionales de l'Inspection est, dans ce cadre, en cours d'étude, avait-il avancé. Une profonde refonte de certains aspects du manuel d'intervention de l'IGF, qui date de 2012, et une actualisation d'autres conformément aux normes internationales est un autre axe de réforme inscrit par l'institution. De même, le code de déontologie de l'Inspection, datant de 2009, nécessite à son tour une «révision importante» pour une meilleure adéquation aux besoins et spécificités d'un organe de contrôle, selon le même responsable. Un an après ce constat, qu'en est-il de ces recommandations ? La démarche de réforme et de modernisation de l'IGF, qui sera intégrée dans le plan stratégique de l'Inspection pour 2018-2022, inclut, par ailleurs, le renforcement du contrôle administratif, l'élaboration d'une cartographie des risques afin de pouvoir agir selon une approche par les risques ainsi que l'amélioration du mode d'affectation des ressources humaines. Cette démarche permettrait justement à l'Inspection de «conférer un sens concret à ses missions d'alerte et d'aide à la décision», toujours selon le chef de l'IGF. Les rapports de l'Inspection peuvent déboucher sur des actions ou des expertises judiciaires, des aménagements aux conditions de travail et de gestion ou simplement sur des conseils et des recommandations. Synthèse dépêche APS/Djilali Hadjadj