L'annonce du premier déplacement officiel de Ramtane Lamamra à l'étranger suscite de vives réactions chez les Algériens qui contestent le soutien que pourraient apporter certaines capitales étrangères au système décrié. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Sitôt désigné vice-Premier ministre, Ramtane Lamamra a également pris fonction au ministère des Affaires étrangères, alors qu'aucun communiqué n'indiquait sa nomination, et c'est à lui qu'incombe visiblement et aussi la mission de «rassurer» les partenaires étrangers inquiets de la forte contestation qui s'est installée dans le pays. Quelques jours avant sa nomination, il s'est rendu en toute urgence, mais officieusement à New York puis à Bruxelles où la présidente de la Commission de l'Union européenne a évoqué avec lui les derniers développements de la situation algérienne. Comme les Etats-Unis, l'UE suit avec grand intérêt les événements en cours et n'a pas manqué d'apporter «officiellement» son soutien aux manifestants tout en réclamant des autorités le respect des droits constitutionnels en matière de manifestations et rassemblements pacifiques. Mais Lamamra aura affaire à un autre grand partenaire cette semaine. Ce n'est pas lui qui a annoncé son tout prochain déplacement à Moscou aux Algériens. Ces derniers l'ont appris lors d'une déclaration faite par le ministre russe des Affaires étrangères. Son porte-parole a apporté de nouvelles précisions quelques jours plus tard indiquant que ce déplacement aurait lieu ce mardi et qu'il permettra à la Russie d'obtenir des «informations de première main» au sujet de la situation algérienne. Expression d'une inquiétude montante face à l'amplification de la contestation en Algérie ? Tout porte à le croire. L'Algérie est une carte sur laquelle Moscou a misé gros dans son plan de redéploiement diplomatique, économique et surtout stratégique en Afrique où elle s'implante de manière de plus en plus évidente. Avec Alger, elle entretient également des liens économiques importants, notamment en matière d'armement, que l'on dit avoir permis à l'ANP d'augmenter grandement ses capacités. Surprise, comme bon nombre de pays, par la mobilisation de la population algérienne qui réclame le départ des dirigeants qu'elle soutient jusque-là, la Russie s'est contentée d'une déclaration formelle et qu'elle voulait surtout neutre. Mais l'ampleur de la contestation semble avoir changé la donne puisque ce pays réclame sur un autre ton l'obtention d'informations crédibles. Elle compte donc les obtenir auprès de Ramtane Lamamra auquel incombe le rôle de tranquilliser mais aussi «relativiser» les secousses populaires algériennes. Ce déplacement, dit-on, s'effectue dans le cadre d'une tournée plus large et déjà entamée auprès des partenaires les plus inquiets. Le nouveau MAE et vice-Premier ministre doit d'ailleurs son retour aux affaires algériennes à son aura de diplomate chevronné et de voix écoutée à l'étranger où il bénéficie de la confiance des Nations-Unies et de l'Union Africaine. Ces compétences lui ont d'ailleurs valu de tomber en disgrâce avant d'être rappelé dans cette situation d'urgence. A Alger, les populations en effervescence le conçoivent cependant autrement. Assimilé au système en place, il a sa place dans les slogans et pancartes appelant au départ de Lakhdar Brahimi et Bedoui. Fustigé pour avoir accordé sa première interview à un média étranger (RFI), son voyage programmé à Moscou fait à présent l'objet de la colère des citoyens qui s'expriment via le net pour dénoncer déjà tout soutien que pourrait apporter la Russie au régime algérien. Cette fois, ce sont les numéros de téléphone du Kremlin qui ont été mis à la disposition des Algériens afin de rééditer les épisodes de l'hôpital de Genève où était hospitalisé Bouteflika puis celui de l'Elysée accusé d'ingérence. «Ainsi, écrivait hier un internaute, les Russes seront réellement informés de la situation.» A. C