L'affaire de la vidéo montrant des policiers s'adonner à des actes de violence contre des manifestants à la fin de la marche du 5 juillet dernier prend une ampleur inattendue. Après l'annonce de l'ouverture d'une enquête par la DGSN, le parquet de Sidi M'hamed s'est, à son tour, autosaisi hier. L'instance judiciaire a publié un communiqué pour informer l'opinion que le procureur avait «instruit les services de la police judiciaire relevant de la Sûreté de la wilaya d'Alger d'ouvrir une enquête préliminaire sur une vidéo relayée sur les réseaux sociaux montrant des éléments de la police en train de frapper un individu en tenue civile». La même source va jusque dans le détail puisqu'elle précise que ces instructions ont été adressées aux services concernés le «6 juillet 2019 à 18h30», soit au lendemain de l'incident, et qu'il leur avait été demandé de «fournir (au procureur donc) des informations détaillées sur ces faits». On apprend, d'autre part, et toujours selon le même communiqué, que la justice a été destinataire d'un «rapport préliminaire» reçu ce dimanche, soit deux jours après les faits, suite à quoi les services de la police judiciaire de la juridiction compétente ont été instruits d'ouvrir une enquête «préliminaire approfondie sur les faits montrés par la vidéo en s'assurant de leur véracité par le recours à des techniciens et d'identifier les auteurs après confirmation des conditions et des circonstances de l'incident». Tel que rédigé, le texte publié par le parquet de Sidi M'hamed n'évoque pas précisément l'existence d'un dépôt de plainte justifiant le déclenchement de la procédure judiciaire en cours et reste, aussi, silencieux sur l'origine du rapport préliminaire qui lui a été transmis. S'agirait-il alors de l'œuvre d'un autre corps de sécurité ? Quoi qu'il en soit, la vidéo à l'origine du scandale qui a éclaté a mis les autorités dans un état de gêne très perceptible. Vendredi soir, les réseaux sociaux se sont enflammés après la diffusion de cette vidéo où l'on pouvait voir une équipe de la police foncer sur des groupes de manifestants et tabasser avec acharnement un homme gisant à terre. La victime, souffrant et se tordant de douleur, a été ensuite évacuée par des secouristes bénévoles qui circulent en ville lors des vendredis de protesta. Les images diffusées montrent bien la difficulté qu'ont eue ces derniers à placer sur la civière le manifestant complètement recroquevillé et se tenant la tête entre les mains. Les faits ont valu à la police des commentaires qui ont davantage terni son image dans une conjoncture où il lui est reproché de se livrer à des actes de répression contre les manifestants, les jours de protestation. Jusque-là, ces actes se limitaient à des arrestations musclées, des confiscations du drapeau amazigh ou autres méthodes d'intimidation. Aucune vidéo retransmettant des violences corporelles ou des témoignages relatant des passages à tabac de ce genre n'ont été enregistrés. La DGSN a toutefois été contrainte de se justifier deux fois pour le comportement de ses troupes depuis le 22 février dernier. En avril dernier, les pratiques auxquelles ont été soumises de jeunes militantes dans le commissariat de Baraki ont également soulevé une vaque d'indignation. Les victimes ont été forcées de se déshabiller complètement et de subir une fouille corporelle poussée menée par une policière. Après enquête, la DGSN avait conclu que l'agent avait agi en vertu des réglementations auxquelles elle est soumise. Quelques semaines plus tard, la Direction de la Sûreté nationale a dû ensuite s'expliquer sur le grave incident survenu au niveau du tunnel des Facultés. Là aussi, des vidéos ont montré des équipes de ce corps lancer des gaz lacrymogènes en direction de ce tunnel où étaient massés des manifestants. La DGSN a, là aussi, démenti les faits qui lui étaient reprochés, expliquant que les gaz lancés ne visaient pas le tunnel. Dimanche, le directeur général de la Sûreté nationale, Abdelkader Kara Bouhedba, a annoncé qu'il avait instruit l'inspection générale de la DGSN d'ouvrir une enquête au sujet de la fameuse vidéo filmée le vendredi 5 juillet. Le DGSN a jugé «impératif d'enquêter sur les faits et de situer les responsabilités afin que toutes les mesures prévues par la loi soient prises». Le parquet de Sidi-M'hamed a, quant à lui, réagi le lendemain. A. C.