Est-ce que le Conseil national économique et social (Cnes), longtemps en hibernation, va bientôt redémarrer ? C'est ce que vient d'annoncer le Premier ministre lors de l'installation du nouveau président de cet organisme consultatif. La tâche ne sera pas facile tant les questions sont nombreuses devant faire l'objet d'études, d'analyses et de concertation. Parmi elles, la situation du système de protection sociale, la retraite notamment. Le Premier ministre Abdelaziz Djerad a affirmé lundi 9 mars 2020 à Alger que le Conseil national économique et social (Cnes) sera promu afin de lui permettre de jouer un rôle consultatif «pionnier» dans la prise de décision et la consolidation du dialogue entre les différentes franges de la société. Dans une allocution lors de la cérémonie d'installation de M. Rédha Tir, nouveau président du Cnes, M. Djerad a indiqué que le «Conseil national économique et social sera promu sous l'autorité du président de la République pour devenir un Centre d'études et de recherches (think thank), au profit du développement national, et accomplir un rôle pionnier en matière d'assistance à la prise de décision dans les différents domaines de l'action publique». Cette instance consultative qui comprendra dans sa composition des syndicats, des patrons, des associations ainsi que des compétences scientifiques et intellectuelles sera «un espace d'expression responsable et d'interaction positive avec les aspirations des différentes catégories de la société», a ajouté le Premier ministre. Le gouvernement «n'hésitera pas à solliciter l'avis du Cnes concernant les questions économiques et sociales qui bénéficient de tout l'intérêt du gouvernement, étant un fondamental de la dignité de l'Homme et un pilier de la justice sociale, en vue de remporter le pari de la relance de l'investissement, de la modernisation de l'économie et de l'accroissement de sa compétitivité, de l'accélération de la cadence du développement et la répartition équitable de ses fruits», a soutenu M. Djerad. «Un rôle pivot dans la réforme du système national de la protection sociale» «Le gouvernement accordera tout l'intérêt aux avis, observations et propositions du Conseil, en ce qui contribuera à la consolidation du processus de notre patrie sur la voie du développement et de la modernité», a affirmé M. Djerad. L'importance de la réactivation du rôle du Cnes réside, selon le Premier ministre, en «la conjoncture actuelle qui se caractérise par un recul des recettes du pays, d'où la nécessité de mettre en place des mécanismes innovants pour rationaliser les efforts de l'Etat et lutter contre le gaspillage et de créer des moyens alternatifs de financement pour honorer les engagements de l'Etat à l'égard des catégories démunies, de réunir les conditions d'émergence d'une économie diversifiée et compétitive, dont l'entreprise nationale sera la locomotive, notamment, les start up et les PME». Par ailleurs, le Conseil aura «un rôle pivot dans la réforme du système national de la protection sociale et la garantie de sa pérennité afin de renforcer, consolider le modèle social auquel sont attachés les enfants de notre peuple». La formation s'inscrivant au cœur des prérogatives du Cnes, le gouvernement attend du Cnes la proposition de solutions efficaces pour redynamiser le système de la formation de façon à qualifier les ressources humaines aux exigences du marché du travail et aux différentes exigences stratégiques des secteurs, a ajouté le Premier ministre. Réitérant la «pleine détermination» du gouvernement à aller de l'avant dans le processus de réformes, suivant un plan d'action aux objectifs claires, M. Djerad a souligné «la nécessité d'œuvrer, via le Cnes, à l'ouverture des canaux du dialogue et de la concertation avec toutes les composantes du tissu national syndical, académique et universitaire et toute la société civile afin de présenter la démarche de l'Exécutif et renforcer la confiance et l'adhésion de toutes les catégories du peuple dans l'objectif de réaliser les intérêts suprêmes du pays qui sont au-dessus de toute considération». «Le phare et la lanterne qui guidera les décideurs» Le Premier ministre a déploré le fait que ce Conseil, qui constitue «un trait d'union entre le décideur et les instances de réflexion», n'a pas joué son rôle ces dernières années, assurant qu'il sera désormais «le phare et la lanterne qui guidera les décideurs pour prendre des décisions qui auront un impact positif sur les citoyens». A cet effet, il a estimé qu'il est impossible de prendre des bonnes décisions que sur «des bases analytiques, un concept correct et une vision à partir de la réalité sur le terrain pour éviter l'improvisation et les politiques élaborées à partir de données inexactes», rappelant l'intérêt accordé par le président de la République pour qu'il y ait une «vision claire» pour ce qu'il appelle «l'Algérie réelle». Le Premier ministre a exprimé également son souhait de voir ce Conseil permettre la création d'un espace d'échange de vues et d'écoute en faveur de toutes les franges de la société pour l'édification de l'Algérie nouvelle qui doit passer graduellement à un nouveau mode socioéconomique lui permettant de recouvrer sa place, chose qui ne peut être effectuée qu'à travers le dialogue et l'implication de tout un chacun. Pour sa part, M. Tir a exprimé sa reconnaissance pour la confiance placée en sa personne par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, estimant qu'il est temps d'insuffler une nouvelle dynamique à cette instance consultative créée en 1968 et marquée par plusieurs mutations. «Un outil d'éclairage de l'opinion publique» Le Conseil, a-t-il dit, sera «un outil de soutien à la décision publique et d'ouverture sur les libertés économiques, collectives et individuelles et d'éclairage de l'opinion publique pour davantage d'adhésion aux politiques publiques». S'agissant de sa vision sur le développement du travail du Cnes, le nouveau directeur a présenté une feuille de route initiale comprenant dix points dont la révision de la vision du Conseil qui doit davantage s'ouvrir à l'international, outre l'élargissement du droit de recours au Cnes pour englober le Parlement et les requêtes populaires en sus de l'examen des conséquences et des différents scénarios relatifs aux politiques publiques tout en réorganisant les comités et les services pour l'établissement des relations sectorielles. Cette feuille vise également à tirer profit des différents fonds internationaux outre l'implication des compétences nationales au niveau local et à l'étranger, la mise en place de nouveaux mécanismes d'évaluation et le renforcement du Cnes par un centre d'investigations économiques avec l'élaboration de rapports périodiques. Est-ce que cette relance du Cnes annoncée par le Premier ministre sera effective dans les toutes prochaines semaines ? Il y a beaucoup à faire, dont le dépoussiérage de la structure, une redéfinition de sa composante, des moyens conséquents à lui attribuer, une indépendance à reconquérir vis-à-vis de l'Exécutif, une ouverture réelle sur la nouvelle société civile et une démocratisation de son fonctionnement. Djilali Hadjadj