Le message du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, à l'occasion de la double fête de l'indépendance et de la jeunesse, confirme sur le plan de la vision économique une certaine volonté du pouvoir à associer désormais l'ensemble des partenaires concernés, afin de mener l'Algérie à bon port en cette période de crise. Le chef de l'Etat a indiqué que le Conseil national économique et social (CNES) sera «rénové». Cette institution «servira de cadre à un dialogue permanent entre le gouvernement et ses partenaires économiques et sociaux, au moment où le pays doit relever d'importants défis économiques et financiers», a écrit Bouteflika dans son message à la Nation. Et s'il a tenu à le rappeler, après que le Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune qui en a déjà parlé, c'est pour donner plus de crédit à la démarche à laquelle certains ne croient pas. Devenu presque une coquille vide depuis des années, et pire, bloqué depuis le décès de son président Mohamed Seghir Babès, le CNES aurait pu être l'espace privilégié où se tracent les politiques entre partenaires économiques et sociaux. Ceci, surtout que les réunions tripartites, de l'avis de tous les observateurs presque, ne servent pas à grand-chose en la matière, si ce n'est à négocier quelques intérêts pour les patrons ou avaliser des décisions politiques. Beaucoup avaient d'ailleurs misé sur cette institution. En effet, après la dissolution du Commissariat général à la planification et à la prospective, institué en septembre 2006, et qui avait pour mission d'«élaborer les perspectives de développement à moyen et long terme de la nation», les observateurs se tournent spontanément vers ce «Conseil». Abdelhak Lamiri, éminent expert, voyait bien le CNES promu en «institution cerveau» au service du développement de l'économie algérienne, à condition d'«augmenter ses moyens et ses instruments d'analyse». Hélas, son travail est fortement réduit, ses rapports ne sont plus pris en considération par le pouvoir. Dans l'une de ses analyses, Mourad Goumiri explique que «le CNES est rentré dans le rang et a rejoint le lot des appareils transformés en ‘'coquille vide'' que le pouvoir instrumentalise à satiété». Maintenant que l'on est à court de solutions, l'on veut bien relancer cet espace et lui accorder toutes les prérogatives d'institution où s'échangent les idées, les visions et se projettent les politiques à moyen et long terme. Un espace de dialogue entre différents représentants du secteur économique mais aussi des partenaires sociaux, notamment les syndicats. Ce qui évitera au gouvernement d'ailleurs de tomber dans la confrontation à chaque fois qu'il voudra élaborer ou modifier une loi, comme c'était le cas pour la loi sur la retraite ayant soulevé un bras de fer qui se poursuit. Reste à savoir quelle marge de manœuvre on laissera au CNES dans sa nouvelle version ? Quel pouvoir de décision lui attribuera-t-on ? Et enfin qui composera son staff ? Des questions dont les réponses permettront de savoir s'il sera en mesure de prouver son utilité en contribuant à faire face à la crise, ou ne sera-t-il qu'une version «relookée» d'un appareil en panne depuis des années. Lors de sa présentation du plan d'action de son gouvernement à l'APN et au Sénat, Abdelmadjid Tebboune, qui a plaidé en faveur d'un consensus national sur les questions d'intérêt général, a déclaré vouloir emprunter une démarche commune associant l'ensemble des composantes du tissu national. Les politiques, les syndicats, la société civile, académiciens et experts sont invités à donner leur avis. Une commission consultative nationale sera installée avant fin juillet ou juste après, pour enclencher cette large consultation dans laquelle le CNES aura un rôle à jouer.