Enseignante de langue française dans la wilaya d'El Tarf, Lamia Khalfallah vient d'éditer son premier roman en langue arabe, sous le titre, Moi et Hemingway : d'Annaba à Cuba et qui sortira début décembre chez les éditions Khayal. Le roman raconte l'histoire d'une étudiante qui s'appelle Thoraya, une jeune fille émancipée qui vit avec deux autres jeunes filles à Annaba, une ville où les trois jeunes filles ont décidé de s'affranchir des tabous de la tribu. Impressionnée par la vie de l'ogre de la littérature américaine Ernest Hemingway, qui a vécu près de 20 ans dans la capitale cubaine, La Havane, Thoraya est devenue amoureuse de cet écrivain qui l'a accompagnée dans une aventure la menant d'Annaba à Cuba en passant par la France et l'Espagne. Le Soir d'Algérie : Votre premier roman Moi et Hemingway : d'Annaba à Cuba va sortir dans quelques jours. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ? Lamia Khalfallah : Je suis une jeune enseignante de la langue française dans une école primaire de la wilaya d'El-Tarf. J'ai une grande passion pour mon métier et je voue un grand amour pour ma classe et mes élèves pour l'innocence qu'ils reflètent et représentent. En dehors de la classe, je suis une lectrice enthousiaste qui cultive un amour passionné pour la littérature, notamment celle des Lumières et tout ce qui touche à la pensée, à la philosophie et au savoir. Depuis mon enfance, je me passionne pour cet objet majestueux qu'on appelle le livre, tous genres d'écrits confondus, mais surtout pour le roman historique et autobiographique. J'étais et suis toujours dévouée à la lecture qui m'ouvre tous les rivages et me permet de voyager n'importe où. Je n'arrête pas de penser, de poser des questions... C'est cette corrélation étroite entre l'interrogation et la lecture qui était pour moi une révélation vers la liberté. La liberté de pensée surtout. Et c'est cela qui m'a décidé à écrire... Votre roman raconte l'aventure d'une étudiante qui, à force de lire les œuvres et le parcours d'Ernest Hemingway, est devenue amoureuse de lui. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Moi et Hemingway : d'Annaba à Cuba est un rêve d'une jeune fille de l'Est algérien qui s'appelle Thoraya. C'est une enseignante de français et étudiante qui prépare sa thèse pour obtenir un master en littérature anglo-saxonne. Un docteur à l'université lui conseille de travailler sur l'œuvre d'Hemingway. Impressionnée par le style simple et sa vie, elle est devenue amoureuse de cet écrivain qui l'a accompagnée dans une aventure la menant d'Annaba, passant par Paris et l'Espagne, jusqu'à Cuba où Hemingway avait passé une bonne partie de sa vie. Dans ce bouquin, qui sortira début décembre chez les éditions Khayal (je profite de l'occasion pour les remercier pour leurs accueil et collaboration), j'ai ramené Hemingway à la vie de manière à dire à tout le monde — avec l'espoir de plaire et d'agrémenter les lecteurs — que les grands ne meurent jamais. Thoraya, jeune fille libre dans sa tête, vit avec deux autres jeunes filles à Annaba où elles respirent un peu de liberté, loin des tabous de la tribu. Le lecteur verra cette ville différemment avec trois jeunes filles cultivées et libres et un écrivain universel aventuriers. Pourquoi le choix d'Hemingway ? Dans les romans d'Hemingway, tantôt je me retrouve quand il me fait entrevoir cette facette oubliée en moi, parfois je me retrouve comme l'un des personnages de ses romans tant je vois mon reflet dans ses histoires, tantôt je me perds dans ses aventures. Il a mené une vie aventureuse et c'est cette vie-là qui m'insuffle un peu de sa clameur. Il a vécu des vies en une seule vie. C'étaient des hommes en un seul homme : reporter, voyageur, auteur, boxeur, pêcheur, chasseur, amoureux... J'adore son courage, son audace, ses prises de risque et son engagement pour défendre les causes justes. J'aime aussi ses passions pour la corrida et les safaris. Vraiment, il s'est offert des vies en une seule vie. En écrivant ce roman que je dédie à son âme, j'étais inspirée par son style simple, réaliste et cosmopolite... Les «évènements» du roman ont commencé dans la ville d'Annaba. Que représente pour vous cette région ? Entre Annaba et moi, il y a une longue histoire d'amour : amour pour la vie, amour pour la liberté, pour le savoir-vivre, la beauté et surtout amour pour son histoire, son passé riche et glorieux. Annaba est une ville riche en monuments historiques qui, malheureusement, n'a pas occupé toute la place qu'elle mérite dans la littérature notamment algérienne en tant que ville qui a connu des civilisations successives. Annaba est aussi une région qui offre un cadre grandiose, des routes panoramiques et une nature fascinante qui attire les touristes et représente un lieu de découverte et d'aventure. Cette ville, ignorée et délaissée, doit prendre sa place comme capitale de culture. Sur les réseaux sociaux, vous parlez souvent de la femme et de la condition féminine. Comment concevez-vous la place que doit occuper la femme dans notre société ? La femme, c'est la vie. Ce sont deux choses inséparables. Une société qui méprise la femme est une société morte. Pour rendre cette société vivante, il faut que la femme soit l'égale de l'homme. Malheureusement, nous avons encore cette vision primitive discriminatoire à l'égard de la femme. Nous nous battons toujours pour que la femme ait la place qu'elle mérite dans la société et surtout ses droits en tant qu'un être humain qui a une nature qu'ils veulent ignorer par leurs lois de la tribu qui fait que la femme appartient à tout le monde (au père, au frère, au cousin, au voisin, à l'époux...), sauf à elle-même. La femme n'est jamais la propriété de personne. L'ère de soubrette est terminée. Je voudrais ajouter qu'il n'y a pas mieux qu'une femme qui subit l'oppression pour défendre les droits des femmes. C'est pourquoi j'appelle toutes les femmes à réagir dans la vie réelle pour occuper la place qui leur revient de droit dans la société. Entretien réalisé par Karim A.