Le dossier des archives pèse lourd et si les entraves à leur récupération persistent, l'Algérie sera contrainte de recourir à l'arbitrage des institutions juridiques internationales, préférant toutefois le dialogue à la confrontation. Abdelmadjid Chikhi, conseiller chargé des archives et de la mémoire auprès du président de la République, est en charge de rétablir la vérité sur la période coloniale avec son binôme français, l'historien Benjamin Stora. Il est intervenu, ce lundi 21 décembre, au Forum de la Chaîne 1 de la Radio nationale. Cela intervient au même moment de l'échange téléphonique entre les Présidents algérien et français. En effet, un communiqué de la présidence indiquait qu'Emmanuel Macron a informé son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune, que le rapport de l'historien Benjamin Stora sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie sera « prêt en janvier ». Rappelons à ce propos qu'une journée nationale de la mémoire a été instituée pour le 8 mai sur décision d'Abdelmadjid Tebboune. Le conseiller du Président, partisan du rapatriement de toutes les archives d'avant 1962, et même avant la colonisation française, avoue lutter contre un obstacle de taille, à savoir la loi française préconisant la protection du secret de défense nationale. À ce propos, il s'insurge contre la confusion entretenue par les interlocuteurs français. D'autre part, il rejettera l'idée de rétroactivité des lois, arguant qu'on ne peut promulguer aujourd'hui une loi sur des faits passés. Un sujet d'une grande sensibilité auquel devra aussi faire face l'historien Stora. Interpellé sur une éventuelle coordination dans ce travail mémoriel, Abdelmadjid Chikhi reconnaît qu'il n'a eu que deux communications téléphoniques avec l'historien français, qui lui a affirmé qu'un débat ne saurait être envisagé qu'après la remise du rapport sur le bureau de Président Macron. L'objectif avoué de ce travail de mémoire, souligne-t-on côté français, est de parvenir à des relations apaisées entre les deux pays. Une approche qu'Abdelmadjid Chikhi considère propre aux dirigeants français. «Pour nous, dira-t-il citant le Président Tebboune, qui en avait fait un thème de campagne de l'élection présidentielle, les choses sont claires car, pour nous, la mémoire, c'est un élément fondamental constituant notre identité. Cela participe au récit historique vital pour les Algériens. Pour savoir d'où on vient et donc aussi vers quoi l'on se dirige». Ainsi, l'orateur n'a pas manqué de revenir sur les blocages auxquels il est confronté, notamment de la part des lobbies, lesquels continuent de vivre dans la chimère de l'Algérie française. Heureusement, dira-t-il, que ce n'est pas la position de la majorité du peuple français, rendant hommage aux hommes de progrès. Pour le conseiller du président de la République, le dossier des archives pèse lourd et si les entraves à leur récupération persistent, l'Algérie sera contrainte de recourir à l'arbitrage des institutions juridiques internationales. Toutefois, il dit préférer la voie du dialogue. Concernant les restes funéraires et dans le sillage de la restitution des 24 crânes des résistants algériens à la colonisation, Abdelmadjid Chikhi déclare ne pas être habilité à répondre, quand bien même il est question pour les autorités algériennes de les rapatrier tous de France. Mais là aussi, autre pomme de discorde, la partie française met en avant la difficulté de les répertorier avec précision. Faux, rétorque l'orateur, car ceux en provenance de toutes les colonies françaises sont fichés, répertoriés, catalogués. Pour lui, la mauvaise foi est ici évidente du fait de lobbies très actifs qui marchent les yeux rivés sur le rétroviseur. «Cela est inacceptable pour nous», réfutant l'argument de «bien public» des autorités officielles françaises, allant jusqu'à souligner qu'un tel argument est insoutenable du point de vue moral. Le conseiller du Président a aussi abordé la question des « excuses », s'interrogeant sur les bénéfices à en tirer, et que ce n'est pas l'objet du débat sur les archives. Les « excuses ne sauraient occulter les innommables crimes de la colonisation et autres génocides commis sur des millions d'Algériens. Pour nous, des relations apaisées entre les deux pays ne signifient pas effacer le passé, mais qu'elles doivent être l'occasion de porter le regard vers l'avenir». À cet égard, le conférencier en appelle à une concorde dans tout le Bassin méditerranéen. Enfin, Abdelmadjid Chikhi nous apprend, lors de ce forum de la radio Chaîne 1, la réunion de son département, le Centre national des archives avec tous les secteurs impliqués dans le travail de mémoire. Brahim Taouchichet