L'Algérie et la France peuvent surmonter les obstacles qui entravent leurs relations empoisonnées par les questions mémorielles, a estimé Abdelmadjid Chikhi, l'expert algérien chargé de travailler parallèlement avec l'historien français Benjamin Stora sur le dossier brûlant de la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie. «Si, aujourd'hui, la volonté politique existe de part et d'autre, il y a beaucoup de chances qu'on puisse avancer», a déclaré M. Chikhi dans un entretien vendredi à la télévision publique algérienne. Il s'agit, selon lui, «d'essayer de construire avec M. Stora quelque chose qui puisse un peu apaiser les mémoires». «C'est un dialogue qui devrait nous amener à reconsidérer les comportements de part et d'autre de la Méditerranée», a-t-il estimé dans cet entretien en français de 50 minutes. Pour que l'Algérie puisse avoir une relation «équilibrée» avec la France, il faut «assainir ces relations» en se «penchant sur ce problème de mémoire», a plaidé M. Chikhi, directeur général des archives. «C'est un travail de mémoire qui nous est demandé à M. Stora et moi. C'est-à-dire comment amener nos deux peuples à se regarder en face sans s'entretuer», a-t-il souligné. Les présidents Abdelamadjid Tebboune et Emmanuel Macron ont désigné chacun un expert - Abdelmadjid Chikhi pour l'Algérie et l'historien Benjamin Stora pour la France - afin de travailler sur la mémoire de la colonisation et de la guerre de libération nationale, dans le but de «favoriser une réconciliation franco-algérienne». M. Chikhi a qualifié de «lueur d'espoir» la restitution par la France début juillet des restes de 24 combattants algériens tués au début de la colonisation française au XIXe siècle: «Ce qui reste à faire pourrait aller dans le même sens», a-t-il dit. «Cela pourrait prendre un peu de temps mais si nous continuons dans la même logique, dans les mêmes dispositions d'esprit, nous arriverons à des résultats et dépasserons un certain nombre d'obstacles à une restitution de beaucoup de choses, et particulièrement les archives», a insisté algérien. La France a restitué à l'Algérie une partie des archives qu'elle conservait, mais a elle gardé la partie concernant l'histoire coloniale (1830-1962) et qui relève, selon elle, de la souveraineté de l'Etat français. L'accès aux archives de la colonisation, déménagées en France après l'indépendance de l'Algérie en 1962, est une des principales revendications de l'Algérie. «Ces archives appartiennent à l'Algérie. Il s'agit de négocier pour les récupérer. Personne n'a évalué ni le volume ni la quantité. Mais ce qui a été rendu est véritablement insignifiant», a regretté M. Chikhi. Ce dernier a déploré que «la bonne foi et la bonne volonté qui a présidé à la remise des restes mortuaires n'est pas la même dans la gestion des archives», tout en affirmant qu'il était «très possible de discuter dans un climat apaisé». «Le fait ouvrir d'ouvrir un dialogue avec M. Benjamin Stora pourra peut-être apporter un peu de sérénité», a-t-il conclu. M. Stora a été chargé par Emmanuel Macron de «dresser un état des lieux juste et précis du chemin accompli en France sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie».