Dévoilé puis recouvert d'une épaisse bâche en plastique, le buste de Maurice Audin a fait réagir les internautes algériens mais aussi son fils, Pierre, qui a interpellé les autorités dans une lettre ouverte. Les premières photos publiées la semaine dernière de la sculpture immortalisant le militant communiste pro-FLN Maurice Audin ont beaucoup fait jaser sur les réseaux sociaux. D'abord, la qualité strictement artistique du buste est loin de faire l'unanimité : il s'agit, en effet, d'une sculpture qui s'inscrit en droite ligne dans la « politique dorée » adoptée par les autorités depuis quelques années pour « figer » les personnalités de la guerre de Libération nationale. Krim Belkacem, Abane Ramdane, le colonel Amirouche, et d'autres héros de la Révolution sont passés depuis 2014 sous l'enduit clinquant. Depuis cette date qui coïncidait avec la commémoration du 60e anniversaire de la guerre de Libération, c'est une véritable épidémie qui touche les commandes publiques en matière de sculpture. De plus, la conception et la finition laissant toujours à désirer, ces bustes n'incarnent pas grand-chose de leurs glorieux modèles. C'était donc également le cas en ce qui concerne Maurice Audin (1932-1957), militant communiste et fervent soutien à l'indépendance algérienne, assassiné par les paras de Massu au cours de la bataille d'Alger. La semaine dernière, les Algérois découvraient son buste en bronze recouvert d'un enduit doré, trônant sur le trottoir à la sortie du tunnel des Facultés à quelques pas de la place qui porte déjà son nom. Visage sévère et quasi-inexpressif, chevelure luxuriante brossé vers l'arrière, Audin avait des airs de Mao ! Mais au-delà de son apparence, cette nouvelle réalisation a soulevé des interrogations quant à son emplacement jugé inapproprié : le buste est loin d'être mis en valeur de par sa position périphérique alors que l'on s'attendait naturellement à ce qu'il soit installé au cœur de la place Audin. Par ailleurs, ce qui a le plus choqué les spectateurs, c'est la suppression pure et simple de la belle fresque en hommage au mathématicien martyr et son remplacement par un drapeau algérien quasi invisible puisqu'il est en partie caché par la statue. C'est, en effet, ce qu'a soulevé Pierre Audin dans une lettre ouverte publiée dans L'Humanité le 14 avril dernier. Le fils du militant interpellait le chef de l'Etat, le wali d'Alger et le président de l'APC d'Alger-Centre en ces termes : « Le 20 août 2020, l'APC d'Alger-Centre a décidé de confier à un sculpteur la réalisation de plusieurs bustes, dont un buste de Maurice Audin à ériger sur la place Maurice-Audin. Le lendemain, le sculpteur a su contacter la famille et il nous a informés de cette décision. Il nous a, par la suite, tenus au courant de la progression de son travail. C'est lui qui nous a annoncé que ce buste devait être inauguré sans doute le 16 mars 2021. Pendant ce temps, aucun contact officiel n'a été pris avec la famille du chahid Maurice Audin. À la date du 13 avril 2021, le buste est en place, dévoilé sans cérémonie. La fresque, connue de toute l'Algérie et à l'étranger et que chacun apprécie, a été masquée sous un drapeau algérien peu visible, puisque le buste et son socle le cachent. La famille de Maurice Audin, que je représente, souhaite que le buste soit installé au centre de la place ; que la fresque retrouve sa place initiale ; une inauguration officielle, sans barrage de police, un vendredi, avec le peuple comme invité d'honneur. Tahia El Djazaïr ! » Entre-temps, le buste a été recouvert d'une épaisse bâche en plastique, probablement dans l'attente d'une inauguration. On ne sait pas néanmoins si les exigences de la famille Audin seront satisfaites, la mairie d'Alger-Centre étant injoignable. S. H.