Abdelmadjid Tebboune s'est rendu, hier mercredi, au chevet du premier responsable du Front Polisario, Brahim Ghali, qui venait quelques heures auparavant de rejoindre Alger. Le chef de l'état-major de l'armée l'accompagnait dans cette visite hautement symbolique. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Brahim Ghali avait quitté l'Espagne dans la soirée allant de mardi à mercredi où il se trouvait hospitalisé depuis la mi-avril dernier, en raison de complications dues à son affection au coronavirus. Son départ est surtout intervenu quelques heures seulement après son audition par la haute cour de justice espagnole saisie par des «manœuvriers» actionnés par Rabat, déchaînés à l'encontre des dirigeants espagnols depuis l'arrivée du Président de la Rasd sur leur territoire. L'hospitalisation de ce dernier en Espagne a été perçue par les Marocains comme étant une preuve incontestable de la partialité espagnole dans le dossier du Sahara Occidental, et a engendré une crise sans pareille entre les deux Etats. Rabat est allé très loin dans ces propos en direction de son nouvel adversaire espagnol, rompant toute bienséance diplomatique. Il a carrément laissé entendre que Madrid faisait dans la provocation en acceptant de laisser le chef du Front Polisario entrer dans son pays, tout en lui intimant, sur un ton menaçant, de revoir sa politique sur la question. Ces déclarations incendiaires ont bien sûr fait réagir le chef de la diplomatie espagnole, qui a regretté la tournure prise par les évènements sans toutefois faire marche arrière sur la décision prise par son pays d'accueillir Brahim Ghali. Très diplomate, l'Espagne a aussi fait preuve de patience que d'autres Etats n'auraient sans doute pas eu, lorsque des milliers de migrants marocains (plus de 8 000 personnes en un jour), ont débarqué entre le 18 et le 19 mai dernier à Ceuta. Nullement dupes de la manœuvre marocaine, les dirigeants espagnols ont qualifié le fait d'inacceptable et de provocation. Une déclaration à laquelle Nasser Bourita, le MAE marocain, a répondu en faisant savoir que, «le Maroc n'a pas vocation à être le gendarme de l'Europe ni son concierge». Les manœuvres en provenance de Rabat ne se sont pas arrêtées là, puisque des «inconnus» se présentant comme étant des Sahraouis résidant en territoire espagnol, ont saisi la justice espagnole pour «torture» et «détention illégale». Décidé à affronter la situation, Brahim Ghali a comparu ce 1er juin (par visioconférence) face à un juge qui a conclu que les faits ne méritaient pas de poursuites judiciaires, que ce dernier n'était pas entré de manière illégale en territoire espagnol (comme le prétend le Maroc), et qu'il «pouvait être libre de ses mouvements». Le Président de la Rasd (République arabe sahraouie démocratique) quitte quelques heures plus tard le territoire espagnol, laissant les Marocains encore sous le choc de la décision rendue par la justice espagnole. Un camouflet difficile à avaler. Le chef de la diplomatie marocaine avait lancé une menace lourde de sens à la veille de l'audition, avertissant que si Brahim Ghali pouvait «rentrer chez lui, contourner la justice espagnole et ignorer les victimes, ce serait un appel au pourrissement». Encore souffrant des suites de sa contamination par le coronavirus, le premier responsable du Front Polisario a donc reçu la visite du chef de l'Etat algérien et du chef d'Etat-major de l'ANP peu de temps après son arrivée. Alliée incontournable des Sahraouis en quête d'indépendance depuis de longues années, l'Algérie a donné à cette visite un caractère très symbolique dans cette conjoncture. Abdelmadjid Tebboune a également tenu à commenter les derniers évènements, en saluant la décision de Brahim Ghali de comparaître volontairement devant la justice espagnole. «Ce geste est le propre des grands révolutionnaires, vous avez donné une leçon au monde entier en démontrant combien le peuple que vous représentez est attaché aux principes de la justice». «Je serais bientôt à nouveau de retour sur le terrain», lui répond Brahim Ghali. A. C.