ENTRETIEN REALISE PAR CAMI B. C'est avec beaucoup d'amertume que l'entraîneur du cinquième performer mondial du triple saut, l'Algérien Mohamed Triki, a répondu à nos questions. Relater dans ces conditions l'état d'esprit qui anime ce coach très atypique n'est pas chose aisée. Relater le parcours d'un faiseur de champions dans une discipline très technique telle que les sauts n'est pas chose aisée d'autant plus que notre interlocuteur, cet éducateur hors-norme ne laisse pas indifférent. et pour cause... malgré les coups de boutoir de tous genres y compris ceux inhérents à la providence qui peut surprendre tout être humain, Azeddine Talhi ayant perdu son épouse, lui laissant des enfants à charge et en bas âges, notre interlocuteur n'a jamais abandonné sa mission, honorant le contrat moral qui le lie à son poulain d'une part, et l'autre (le contrat), à titre posthume vis-à-vis du défunt père de notre champion décédé lui aussi et qui suivait de très près l'évolution sportive de son fils. Raconter en quelques lignes, les déboires d'un couple de sportifs de ce niveau peut être une suite de facilités scripturales et de raccourcis réduisant à la limite du possible leur importance. Néanmoins, le cas de figure cité dans notre édition du dimanche 5 septembre 2021 (Peryscoop), où il était question de «l'abandon» (esseulé) de l'athlète dans des meetings internationaux, pour cause de non-acquisition de visas pour l'entraîneur est là pour nous rappeler une amère réalité. Pour rappel, il a fallu l'intervention de notre autre champion du monde Djabir Saïd Guerni pour faire le rôle d'observateur technique, utilisant pour le besoin un téléphone pour la transmission d'images aux fins de corrections techniques à partir de milliers de kilomètres de distance. Quel bilan faites-vous de la première partie de la carrière sportive de votre poulain Mohamed Triki ? En général, il est positif et je suis satisfait vu que le résultat des derniers JO est venu après un parcours du combattant, les moyens mis à notre disposition n'étaient pas à la hauteur de l'événement sportif. On pouvait faire mieux si Triki avait été mieux pris en charge ; déjà on a raté des médailles en cadets et en juniors, dans des compétitions internationales vu le délaissement de la FAA durant la période 2012-2016, et avoir des meilleures performances techniques, ce qui aurait influencé sur les résultats seniors. Je suis un peu triste car on a perdu beaucoup de temps à cause des dirigeants de la fédération en cette période. Dans quelles conditions ce jeune a-t-il intégré votre groupe ? Ses premiers entraîneurs étaient respectivement, Grabsi Faycal et Messaoudi Hichem. En mars 2011 il a rejoint mon groupe, j'avais alors comme athlètes, ben cheikh Mouad champion d'Algérie en triple saut seniors, Ramoul Okba champion d'Afrique junior et Boukhzar Djaber champion arabe junior, de la bonne compagnie, avec lesquels il a beaucoup appris. Il faut signaler que c'est son deuxième entraîneur Messaoudi Hichem qui m'a demandé de le prendre en charge. Si nos informations sont bonnes, vous avez fait usage de malice pour le transformer techniquement... Quand Tahar est venu dans mon groupe, il s'entêtait à sauter avec la jambe droite, j'ai effectué des tests spécifiques pour constater qu'il utilisait la mauvaise jambe. On a travaillé sur la jambe gauche, mais Tahar n'était toujours pas convaincu. Arrivé en mars pour une période assez courte par rapport aux Championnats d'Algérie benjamins-minimes, prévus en juin et devant ses hésitations, je lui ai permis d'utiliser sa jambe droite ; en lui promettant l'utilisation de sa jambe gauche l'autre saison ou à défaut, il lui aurait fallu changer d'entraîneur ; durant le Championnat d'Algérie où il avait utilisé cinq sauts avec sa jambe droite, il était classé cinquième ou sixième. Avant son sixième essai, sa marque avait été malencontreusement déplacée par des officiels lors d'une cérémonie de remises de récompenses. Sans se rendre compte, il a réussi à se hisser à la troisième place après avoir utilisé sa jambe gauche. J'ai fait comme si je n'avais rien vu, mais plus tard, il avait reconnu avoir utilisé sa jambe gauche. Depuis, il m'a dit : «ok cheikh pour la gauche». Durant sa carrière, une fois accompli, il a intégré le GSP d'Alger.... Comme je l'ai déjà dit, durant la période 2012-2016, la FAA n'a rien fait pour nous. De plus, des soi-disant responsables au niveau de cette structure ont tout fait pour qu'on n'avance pas et pour que l'athlète me quitte. Sept jours avant la finale des jeux olympiques des jeunes en chine, et alors que Tahar détenait la deuxième performance mondiale de l'année, le DTN de la FAA et les membres du bureau ont envisagé la probabilité de faire venir un entraîneur cubain pour Triki. L'athlète a vu l'écrit sur le site officiel de la FAA, il était dans une colère noire. Finalement, il s'est qualifié pour la finale sans obtenir de médailles. J'ai appris par la suite que certains étaient très heureux de notre manque de réussite. Dans quelles prédispositions morales et physiques se trouve-t-il actuellement ? Sur le plan moral, Tahar est très satisfait des résultats obtenus cette saison malgré les regrets d'avoir, je dis bien d'avoir offert une médaille à nos adversaires. Sinon, aussi bien préparés que nos concurrents, obtenir une médaille d'argent était plus que sûr. de plus nous avons terminé notre saison sans aucune blessure. Nous devons reprendre notre préparation le 30 septembre inch'allah. Pensez-vous (les deux) à votre avenir très proche ? Oui. Triki va suivre une formation à l'ISTS. Pour ma personne, si les choses restent en l'état, je répondrai favorablement à une proposition de contrat émanant d'un pays arabe. Travailler pour 10 euros (étranger) et 400 da/jour (en Algérie), ce n'est vraiment pas encourageant. Alors, y avez-vous bien pensé ? Bien entendu. si la situation ne se débloque pas, je répondrai favorablement à une proposition émanant d'un pays arabe. Quant à Triki, il aura le choix entre repartir aux USA ou bien rester ici. On en reparlera dès son retour de l'étranger. Avez-vous présenté un programme aux pouvoirs publics ? Oui. Un pré-plan mais rien n'est encore clair. Je dois encore attendre pour décider finalement pour Triki et moi-même. Pensez-vous à présent aux JO de paris ? On a déjà, Tahar et moi, pensé aux prochains jeux. Le plus important, c'est que nos responsables y pensent dès aujourd'hui. Les JO ne se préparent pas en trois mois comme on l'a fait pour ceux de Tokyo. Votre dernier mot ? Nous avons bien souffert, son père Allah yarrahmou, Tahar et moi. On a atteint ce niveau de performance presque seuls. On a beaucoup galéré en cadets et en juniors ; j'ai des vidéos qui montrent comment on s'entraîne. Des conditions catastrophiques que tout le monde peut voir sur youtube. Il suffit de taper TRIKIYOSSER ENTRAINEMENT. C. B.