Entretien réalisé par Salima Akkouche Selon le président de la Société algérienne d'immunologie clinique, le taux de réinfection par le variant Omicron est trois fois supérieur à celui des variants Delta ou Alpha chez les sujets ayant déjà contracté le Covid-19. Le chef de service de biologie et du centre de transfusion sanguine de l'EPH de Rouiba, dans un entretien au Soir d'Algérie, a déclaré que, selon les résultats préliminaires d'une étude réalisée par l'équipe de son service, le taux de l'immunité collective se situe aux alentours de 65 à 68%. Ce qui est insuffisant, estime-t-il, par rapport aux nouvelles valeurs de l'immunité collective imposées par les nouveaux variants qui doit être aux alentours de 90 à 95%. Le Soir d'Algérie : Pensez-vous que l'émergence du nouveau variant Omicron est principalement due au faible taux de la couverture vaccinale, notamment dans la région Afrique ? Kamel Djenouhat : C'est plus que certain que le faible taux de couverture vaccinale est à l'origine de l'apparition de ces variants. D'ailleurs, l'Afrique représente le continent le moins vacciné dans le monde avec un taux de couverture vaccinale qui n'excède pas les 10%. Si on revient à quelques mois auparavant, les variants, qu'ils soient «préoccupants» ou «d'intérêts», ont émergé en Inde, en Colombie, en Equateur et au Pérou, tous ces pays avaient à l'époque un taux de couverture vaccinale très bas. C'est pour cela que les Occidentaux sont en train de revoir leur politique d'approvisionnement vis-à-vis des pays en voie de développement en doses suffisantes du vaccin anti-SARS-CoV2 parce qu'ils ont compris qu'il ne sert à rien de vacciner leur population sans protéger les autres. Comparativement au Delta, que possède de particulier le variant Omicron, au point où de nombreux pays ont décidé de la fermeture des frontières ? Je pense que rares sont les pays qui ont fermé leurs frontières, décision qui ne va pas dans le même sens que celui dicté par l'OMS. Par contre, la plupart des pays ont fermé par rapport aux pays de l'Afrique australe. Honnêtement, lorsqu'on voit un variant avec 50 mutations dont 32 touchent la protéine Spike et parmi lesquelles 10 concernent le domaine RBD, la partie ciblée par les anticorps protecteurs secondaires à l'infection naturelle ou au vaccin, on est en face d'une situation inquiétante. Pensez-vous que ce variant va prendre l'ascendant sur le Delta qui est, jusque-là, le plus contagieux ? Il est encore tôt de tirer une telle conclusion. Il existe déjà quelques données scientifiques préliminaires rapportant qu'il est beaucoup plus contagieux par rapport au variant Delta, d'autant plus que l'Afrique du Sud était en pleine phase décroissante, la situation était stable et ils sont en pleine saison estivale. Cependant, et pour répondre à votre question, on est en train de suivre l'évolution de la pandémie en Europe, dont une grande majorité des pays est en pleine quatrième ou cinquième vague due principalement au variant Delta, d'ici quelques jours, on aura une meilleure visibilité quant au positionnement du variant Omicron par rapport au Delta. Des preuves scientifiques démontrant si ce variant échappe aux anticorps générés par la vaccination actuelle anti-Covid existent-elles ? Théoriquement, sur le plan virologique et immunologique et vu la position des multiples mutations, on s'attend à être confronté à une baisse de l'efficacité acquise que ce soit par l'infection naturelle ou par le vaccin. Nuance entre baisse d'efficacité et absence d'efficacité. Pour ce qui est des preuves scientifiques, une publication sud-africaine parue ce vendredi et non encore lue par les pairs rapporte que chez les sujets ayant déjà contracté l'infection Covid-19, le taux de réinfection par le variant Omicron est trois fois supérieur à celui des variants Delta ou Alpha. Il s'agit d'un constat clinique sans preuve biologique, c'est pour cela qu'on est en train d'attendre les résultats des études scientifiques et/ou des travaux des laboratoires de recherche ou pharmaceutiques qui ne vont pas tarder à être publiés. Les mesures décidées par l'Algérie sont-elles suffisantes ? Je pense que la réponse est relativement « oui » pour minimiser au maximum les dégâts. La politique de « zéro Covid» a échoué et a montré ses limites dans les pays les plus disciplinés comme la Nouvelle-Zélande. Il faut savoir qu'avant même l'apparition du variant Omicron, le dispositif de sécurité au niveau des aéroports existe, il faut juste veiller à son application stricte. Par ailleurs, des mesures spécifiques concernant les personnes provenant des pays de l'Afrique australe via les escales ont été émises. Avec la vitesse de sa propagation actuelle, l'Algérie pourra-t-elle échapper à ce variant ? Aucun pays ne va échapper à ce variant, pour la simple raison qu'il est déjà sorti de l'Afrique australe. On assistera certainement à une augmentation du nombre de pays où il sera détecté chaque jour, comme cela a été le cas pour les variants précédents. Il faut juste insister, Dieu merci, qu'on n'a pas encore enregistré des décès ou des formes graves de ce variant. Mais, il est encore tôt de tirer ce type de conclusion ou de déduction du fait que les formes graves et les décès surviennent souvent en décalage de 15 à 20 jours après la survenue des vagues. Actuellement, tous les passagers qui arrivent dans nos aéroports sont soumis à un test antigénique, sachant que 32 mutations ont été identifiées sur la protéine S et que la majorité des tests actuellement disponibles détectent l'antigène S ! Heureusement, et à ce jour, on n'a pas encore vu une déclaration par rapport à la performance de ces tests. Néanmoins, dans les situations et les conjonctures similaires, c'est-à-dire la survenue de mutations capables d'impacter la protéine S, il vaut mieux privilégier les tests qui détectent deux ou plusieurs composants du virus SARS-CoV2 à la fois. Les PCR sont toujours bonnes et on doit patienter quelques jours pour voir la fiabilité des tests sérologiques détectant la protéine de liaison, la RBD. Nous sommes au début de la 4e vague. Nous enregistrons une moyenne de 200 nouveaux cas par jour. Ce nouveau cycle de virus peut-il prendre fin sans qu'il soit meurtrier ? On le souhaite vivement, mais on doit rester très vigilant du fait que le danger que nous encourons à court terme reste le variant Delta qui est avec nous et qui touche toutes les personnes non immunisées, engendrant des symptômes graves, voire des décès comme cela a été constaté lors de la troisième vague que nous avons vécue l'été passé. C'est la raison pour laquelle il faut revenir au masque et à la vaccination le plus tôt possible si on veut réellement réduire l'ampleur ou l'intensité de cette vague. Pourrions-nous dire que nous avons atteint une immunité collective naturelle, vu que le taux de vaccination est insignifiant ? Non, nous n'avons pas encore atteint l'immunité collective, et cela, malgré le nombre de cas très élevé enregistré lors des vagues précédentes. Dans les résultats préliminaires d'une étude que mon équipe est en train de réaliser au niveau de l'hôpital de Rouiba, le taux de l'immunité collective est aux alentours de 65 à 68%. C'est insuffisant par rapport aux nouvelles valeurs de l'immunité collective imposées par les nouveaux variants (90 à 95%). S. A.