La terre est encore toute fraîche sur la tombe de Zoubir Souissi de l'autre côté de la Méditerranée, qu'il est déjà rejoint par son fils, Nazim, «l'héritier du trône», comme il aimait affectueusement le qualifier. Terrassé par une crise cardiaque samedi dernier, Nazim a laissé derrière lui toute une famille éplorée et des amis profondément choqués par ce cruel destin, huit mois seulement après le décès du patriarche. Et c'est sur le chemin du retour d'une escapade dans l'une des belles régions du pays (Biskra, El-Kantara et Bou Saâda), qu'appréciait particulièrement Nazim, que j'ai appris la triste nouvelle. Lui qui ne ratait jamais l'occasion de s'en aller, caméra sur les bras, loin du brouhaha et la pollution de la capitale pour, disait-il, «s'aérer» et conférer une dimension artistique à ses réalisations télévisuelles... Aux premières lueurs du jour, il était déjà à l'œuvre pour immortaliser ces lumières à la clarté éblouissante et ne pouvait rester insensible, après une journée de labeur, à ce voile pourpre qui couvre les palmeraies et les maisons en terre de pisé, dès le crépuscule... Au-delà d'un produit, il insistait toujours sur la mise en valeur et la promotion de notre patrimoine touristique et culturel. Nazim Souissi a été pour moi, huit années durant, un associé dans une formidable et captivante aventure, un ami et une oreille attentive. Il était à la barre technique de la première émission automobile en Algérie, «Aalem Essayarat» (Le monde de l'automobile) et son corollaire en langue française «Test Drive». Et même s'il n'a pas été dans les grandes écoles de cinéma, il a réussi, grâce à sa passion pour l'audiovisuel, son sérieux et à son érudition, à surprendre même les responsables de la Télévision nationale par la qualité technique de l'émission et la beauté des images, dépassant de loin leurs attentes. Il avait une sainte horreur de l'approximation et du bricolage, il cultivait le perfectionnisme dans son travail de tous les jours. Il avait le souci du détail et chaque émission était patiemment et méticuleusement préparée, rien n'était laissé au hasard... Un artiste jusqu'au bout des ongles. Il apporta plus tard sa touche technique et artistique à la réalisation de divers documentaires sur la vie et l'œuvre de Kateb Yacine, Mohammed Dib et aussi le Dimajazz (festival de jazz de Constantine), tout comme il fera une incursion réussie dans l'écriture de notre histoire avec le film documentaire, Merci pour la civilisation. C'est dire la polyvalence de Nazim et son aptitude toute naturelle à traiter des thèmes aussi divers et variés, que l'automobile, l'histoire, la littérature, le théâtre, l'art, la musique... Il y a quelques semaines, il me faisait part, au téléphone, de ses projets et de sa volonté de se remettre à la création après cette longue parenthèse due à la pandémie... Il était, alors, loin de se douter que le destin allait en décider autrement... Repose en paix, cher ami. Belkacem Bellil