Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Que peut-il se passer ce samedi, jour de marche d�cid� par une coordination, essentiellement compos�e de relais de la soci�t� civile ? Alors que le pouvoir vient de concentrer dans la capitale d�impressionnants moyens pour la r�primer ou �du moins pour �tre dissuasif �, l�appel � la mobilisation aura-t-il l��cho escompt� ? C�est notamment sur cette derni�re inconnue que peut se jouer la suite du sc�nario alg�rien sur lequel des hommes et des femmes de bonne volont� ont planch�. Celui de concr�tiser une esp�rance insens�e, dont pourtant tous les ingr�dients sont r�unis, en r�alit� sur le terrain. En fait, cette question ne se pose m�me pas en termes de statistiques relatives � l�amplitude de la mobilisation. Elle vise l�aspect psychologique qui en d�coulera. Celui de tester la capacit� des �carr�s� de marcheurs � r�sister aux barrages des forces polici�res quand bien m�me ils seraient clairsem�s. De m�me qu�il faudra observer le comportement agressif, voire express�ment provocateurs des agents charg�s de la basse besogne. Comme dans toutes les situations de ce genre, l�objectif consiste justement � occuper le plus longtemps possible le pav� sans aller au contact pour justement susciter chez le badaud l�adh�sion et agr�ger ou mieux, recruter pour les contestations futures. C�est, semble-t-il, ainsi qu�il faut d�ores et d�j� interpr�ter cette premi�re manifestation unitaire. Elle serait destin�e avant tout � amorcer un long processus d�opposition citoyenne au r�gime jusqu�� le mettre en difficult� et le contraindre, d�abord � �couter le pays et, ensuite, � obtemp�rer au changement. Pour les sp�cialistes des mouvements de masse, l�effet boule de neige exige de l�assiduit�. Celle de manifester p�riodiquement et m�me tous les jours. Autrement dit, occuper avec constance l�espace public jusqu�� mettre sur la d�fensive peureuse les relais de la censure qu�ils soient arm�s ou propagandistes, tout en martelant des mots d�ordre clairs � l�exemple de ce qui se passe avec efficacit� dans les autocraties arabes actuellement. A ce sujet pr�cis�ment, l�on a lu et entendu de doctes politologues nous mettre en garde contre cette fascination des parall�les. �L�Alg�rie n�est ni la Tunisie ni l��gypte�, insistent- ils pour nous convaincre qu�il n�y a pas de mod�le de changement exportable d�un pays � l�autre. Soit, car si, selon ce dogme, la �contrefa�on� transnationale est impossible dans ce domaine, il est encore possible de se ressourcer dans son propre pass�. Et m�me le plus r�cent. L� encore, l�on nous rappellera l�axiome doctrinal que �l�Histoire ne repasse jamais les plats�. Seulement, ils �cartent d�un revers de la main le fait que sous le r�gime actuel, l�Alg�rie vient d�op�rer, � ses d�pens, une terrible r�volution copernicienne. Celle qui nous a ramen�s � la situation de l�ann�e 1991. Avons-nous encore en m�moire ce moment crucial ? Lorsque dans un sursaut de survie face � la d�naturation de la R�publique et � la confiscation des institutions de l�Etat, quelques esprits lucides furent � l�origine d�un comit� de sauvegarde, ils traduisaient alors le sentiment de millions d�Alg�riens abasourdis par la mont�e en puissance des p�rils. Les journ�es de d�cembre 1991 qui virent la R�publique tra�n�e dans la boue et l�Etat brocard� par les slogans irrespectueux du FIS sign�rent une premi�re rupture dont la ligne de partage �tait incarn�e par ce fameux comit�. Que l�on veuille dans le contexte actuel s�en inspirer est loin d��tre une erreur d�aiguillage ou une fausse perspective. D�aucuns admettent que l�Etat a fini par �tre privatis� par une camarilla et des courtisans et que les symboles r�publicains ont pratiquement disparu. D�s lors que le recours � un cadre l�gal de concertation a cess� d�exister et que, d�autre part, les r�gles �l�mentaires du droit sont pi�tin�es, il ne reste �videmment que les voies de traverse de la manifestation pour organiser et d�jouer les ruses contenues dans les fausses ouvertures qui ne sont, une fois de plus, que pi�ges et leurres. En somme, comme ailleurs sous les autres cieux ou plut�t en r�f�rence � notre pass�, la l�gitimit� a cess� d��tre l�apanage de ceux qui continuent � mal gouverner. L�exemple de ce qui a eu lieu en 1991 et les immenses marches qui l�ont ponctu� est totalement justifi� 20 ans apr�s. Face � un pouvoir qui n�a eu de cesse de frauder les urnes, de malmener puis de violer la Constitution et de soustraire au contr�le le train de vie personnel de ses hauts commis tout en couvrant les conflits d�int�r�ts des lobbies politiques du r�gime avec le monde des affaires, seule demeure l�alternative de la r�volte populaire. Le d�litement de la nation s�illustrant, d�ailleurs, par la �tribalisation � du sommet de l�Etat justifie amplement le recours � celles-ci. Reste, il est vrai, � transformer, sur le terrain, la ranc�ur muette en d�tonateur pour passer de l�indiff�rence solitaire � la dissidence solidaire. L�appel de ce samedi 12 f�vrier pourrait bien pr�figurer le premier acte d�une longue marche � accomplir.