Cadel Evans touche au but. Et au r�ve. Sa victoire, c'est celle de la m�thode. Une m�thode patiemment et savamment appliqu�e. Enfin l�ch� par la poisse sur le Tour, l'Australien a pu construire sa victoire en strat�ge. Mais il a aussi su prendre des risques quand il le fallait, comme au Galibier. S'il fallait retenir seulement un mot pour qualifier la victoire de Cadel Evans dans ce Tour 2011, ce serait �m�thodique �. Un vent de folie a parfois souffl� sur cette 98e �dition mais, au final, son vainqueur aura �t� l'homme le plus m�ticuleux, le plus appliqu�, le plus solide et le plus complet. Peut-�tre pas le plus brillant, �a non, mais le plus fort, tout simplement. �C'est un digne vainqueur, r�sume Alberto Contador. Sa mani�re de courir n'est pas spectaculaire mais il a montr� qu'il �tait tr�s fort, il a disput� de tr�s belles �tapes�. Invit� � commenter ses trois semaines de course samedi soir, Evans a eu cette phrase : �J'ai fait un Tour coh�rent.� On ne saurait dire mieux. ��a a �t� la cl� de la course�, ajoute-t-il. Il a raison. Malgr� quelques p�pins par-ci par-l�, comme son probl�me m�canique dans le T�l�graphe vendredi, il a, contrairement � tous ses adversaires, �vit� les fautes. Celles qui vous co�tent un Tour. Le Tour parfait n'existe pas mais Evans s'en est approch�. Et ce n'est pas le fruit du hasard. �C'est l'aboutissement d'un long processus, explique John Lelangue, le manager de l'�quipe BMC. On a b�ti ce projet autour de Cadel voil� deux ans et tout le monde s'est mis � 100% derri�re lui.� �Cette ann�e, confirme Evans, nous avons planifi� soigneusement : sur l'�quipe, dans les stages, l'�quipementier, les ing�nieurs... Tout le monde a beaucoup travaill� pour me donner le meilleur v�lo de contre-la-montre. Il y a eu beaucoup de pr�paration.� �Je suis triste que Sassi ne soit pas l� Mais pour triompher enfin sur cette �preuve qui a si longtemps pris un malin plaisir � faire semblant de s'offrir � lui, Cadel Evans a surtout d� vaincre ses propres d�mons. Il a battu Contador, les Schleck et tous les autres. Mais il s'est surtout battu contre lui-m�me. Derri�re sa voix douce et basse, l'Australien cache un caract�re stress�. �Nous sommes le produit de l'environnement qui nous entoure, reprend l'ancien v�t�tiste. Quand les choses se passent mal, je deviens nerveux. C'est normal. John Lelangue est aussi quelqu'un qui n'est pas nerveux et �a m'aide.� Et comme la poisse lui a souvent coll� � la selle sur le Tour, il a eu peur, jusqu'au bout, qu'un grain de sable vienne encore enrayer la machine. �Dans le Galibier, jeudi, j'ai eu peur que �a m'�chappe, avoue-t-il. J'ai essay� de garder mon calme.� S'il y a vraiment un moment o� Evans a �t� grand dans ce Tour, c'est l�. Isol�, mal en point, il a pris son destin � pleines mains. A lui seul, il a bouch� deux des quatre minutes de handicap sur Andy Schleck. Il a gagn� le Tour samedi, mais il avait d'abord r�ussi � ne pas le perdre dans le Galibier. �C'�tait une �tape dure et Andy a attaqu� de si loin que j'ai eu du mal�, explique-t-il. Ce fut sa grandeur � lui. Sa fa�on d'avoir du panache. Cette question, si souvent mise sur le tapis quand il s'agit d'Evans, laisse John Lelangue de marbre. �J'entends ces choses, sur le fait que Cadel n'a pas attaqu� para�t-il. �a ne me touche pas. Nous, on avait un plan et on l'a suivi jusqu'au bout. Il ne devait pas �tre si mauvais puisque Cadel est en jaune. Mais vous savez, c'est comme au football, les gens pensent toujours qu'ils ont raison et qu'ils sont meilleurs que l'entra�neur.� De toute fa�on, aucune critique ne peut atteindre Cadel Evans aujourd'hui. A 34 ans pass�s, il va atteindre dimanche le but de toute une carri�re, si ce n'est de toute une vie. Alors il se fout pas mal de ne pas avoir le sens de la conqu�te d'un Merckx ou le style d'un Coppi. Il est Cadel Evans et il va gagner le Tour. Mine de rien, il entre dans le club des champions comptant � leur palmar�s le Tour et le Championnat du monde. Le jaune et l'arc-en-ciel. Pour un coureur que l'on dit terne, ce n'est pas mal. Cela suffit � le classer parmi les grands de sa g�n�ration. Comme le lui avait dit Aldo Sassi, son entra�neur italien, r�cemment d�c�d�. En �voquant cet homme qui a tant compt� pour lui, Evans n'a pu retenir ses larmes samedi. �Quand j'ai commenc� les courses sur route, c'est Aldo Sassi qui a toujours cru en moi, plus que je ne croyais en moi-m�me. Il m'a dit l'ann�e derni�re : ��J'esp�re que tu vas gagner le Tour, tu en es capable. C'est la course la plus prestigieuse. Si tu gagnes, tu seras le coureur le plus complet de ta g�n�ration.�� J'aurais aim� qu'il soit l�. Je suis triste qu'il ne soit pas l�.�