Par Ahmed Halli �Count your age by friends, not years. Count your life by smiles, not tears.� (John Lennon) De nombreux et fid�les amis ont accompagn� samedi dernier, en fin d'apr�s-midi, � sa derni�re demeure notre ami Abdelkrim Rebih, dit Krimo. Plus nombreux encore �taient ceux qui ont manqu� � l'appel, parce que n'ayant pas �t� inform�s de son d�c�s, survenu le matin du m�me jour, � l'�ge de quatre-vingts ans. Nous aurions aim� que l'enterrement de �Didi Krimo� soit plus remarquable, et � la mesure du grand homme qu'il �tait, des honneurs qui lui �taient encore dus. Mais le monde d'aujourd'hui va si vite que nous nous sentons oblig�s d'observer la m�me c�l�rit� dans nos rites fun�raires. On nous a expliqu� que c'�tait � cause de la chaleur, mais comme nous voyons nos d�funts subir le m�me sort en janvier, au c�ur de l'hiver, nous voulons bien faire semblant d'y croire. Tr�ve de regrets : Krimo aurait �t� heureux de voir cette foule d'amis de toujours, venue lui dire adieu au moment o� il allait prendre son dernier vol pour le paradis. L'amiti�, Krimo en avait fait un sacerdoce, et jamais, au grand jamais, il n'aurait accept� de se priver de ses amis ou de perdre leur amiti� dans un acc�s de misanthropie. La chaleur de l'amiti� �tait pour lui aussi vitale que l'oxyg�ne, et il y respirait � pleins poumons. Il aimait ses amis, et ces derniers le lui rendaient bien. Krimo n'aura pas eu des fun�railles nationales � personnellement j'aurais vot� pour �, mais savoir que nous serions tous l� pour c�l�brer sa m�moire, aurait suffi amplement � son bonheur. Son ancien co�quipier et ami, Lakhdar Guitoun, a dit de lui, en guise d'oraison fun�bre, que le moment n'�tait pas aux larmes. Krimo a bien v�cu et il a eu une vie bien remplie. Que dire de plus ? Comment pouvait-il en �tre autrement ? Krimo a toujours appr�ci� son �ge, non pas en fonction des ann�es v�cues, mais en faisant le compte de ses nombreux amis. Krimo est donc parti sans crier gare ! Il a �t� mis en terre dans ce vieux cimeti�re d'El- Kettar, qui donnait jadis l'envie d'y reposer, mais qui ressemble aujourd'hui � une n�cropole oubli�e, avec ses tombes profan�es et ses all�es obstru�es. On ne croira pas un instant que ce d�labrement est la cons�quence des enterrements massifs et h�tifs, puisque les dalles bris�es portent la signature de l'homme et de ses nouveaux d�lires. Triste premi�re semaine d'octobre pour le monde du football qui a vu dispara�tre successivement notre confr�re Amar Boukhalfi, le chatoyant Oranais Fr�ha, et pour finir, � titre al�atoire, le somptueux Krimo Rebih. Krimo a �t� d'abord et avant tout l'historique joueur de l'�quipe de l'ALN, la devanci�re, une fois n'est pas coutume, de l'�quipe du FLN. Il y a parfois des sigles trompeurs. Apr�s l'ind�pendance, Krimo a enchant� toute une g�n�ration de supporters de l'USMA, avec les Bentifour, Guitoun, Bernaoui, Meziani, et ceux de la rel�ve, comme Djamel Keddou qui nous a aussi quitt�s pr�matur�ment l'ann�e derni�re. En dehors des terrains, Krimo n'�tait pas seulement d'un commerce agr�able, quand il donnait son amiti�, il le faisait totalement et sans calcul. Je l'ai c�toy� durant plusieurs d�cennies sans entendre de sa part une parole blessante ou une remarque injurieuse, en dehors de ses petites piques acerbes qu'il distillait avec un sourire entendu. Je garde un souvenir vivace de nos rencontres avec notre regrett� confr�re Abdelaziz Hassani, qui tenait toujours table ouverte et avait l'art de nous app�ter avec son couscous et ses choux de Bruxelles. Ses rares moments de tristesse, Krimo les devait au rappel des moments pass�s avec �khouya� Abdelaziz et �Khouya� Bentifour, comme il tenait � le pr�ciser. Juste avant que sa m�moire prodigieuse ne le trahisse et que la maladie ne lui fasse perdre son autonomie, il ne ratait aucun des rendez-vous du vendredi matin. Il �tait rest� l'ami assidu et ponctuel qu'on retrouvait avec plaisir au Caf� de Tlemcen, dans l'ancien quartier de La Marine, o� se c�toyaient plusieurs g�n�rations de joueurs et d'amoureux du foot. Cet espace de convivialit�, � c�t� de la �Grande Mosqu�e�, reste l'un des rares endroits o� pratiquants et non pratiquants se retrouvent sans se regarder en chiens de fa�ence. On y �voquait souvent, avec Hamid Benkanoun, la m�moire de l'USMA, et photos � l'appui, l'�pop�e de l'�quipe de l'ALN, la carri�re en Tunisie, puis les ann�es fastes avec les �Rouge et Noir�. Depuis deux ans, Krimo faisait des allers et retours entre Paris, o� il se soignait, et son modeste logis, situ� juste au-dessus de la Fac centrale, en contrebas du boulevard Krim- Belkacem. Il y a une dizaine de jours, il avait fait son dernier voyage au Caf� de Tlemcen, � l'improviste, pour y retrouver l'omnipr�sent Benkanoun et quelques anciens compagnons. On savait que le mal dont souffrait Krimo �tait sans r�mission, mais on esp�rait au moins avoir encore le temps de lui rendre une petite visite, mais l'impitoyable Faucheuse en a d�cid� autrement.