Par Mohamed Benchicou C'est donc entendu : Mourad Medelci, illustre ministre des Affaires �trang�res sous Bouteflika 1er, restera, � l'�chelle de nos pauvres post�rit�s, notre p�le comte de Champigny. En l�chant, l'autre samedi � Davos, devant les journalistes am�ricains de l'agence Associated Press que �les forces de s�curit� alg�riennes ont commis des erreurs dans la prise d�otages du site d�In Am�nas�, notre ministre des Affaires �trang�res confirmait avec brio que le m�tier de chef de la diplomatie, en autocratie, a ceci de pratique qu'il vous dispense de subtilit� et, � l'inverse, cela de p�nible qu'il vous en exige au-del� de ce que peut produire un esprit commun. Selon que vous vous soumettiez au premier postulat ou que vous vous aventuriez � titiller le second, vous serez comte de Champagny ou Talleyrand. Le premier, �simple ex�cutant, disciplin� et soumis�, a succ�d� au second, �diable boiteux�, mais sans jamais le remplacer. Ainsi va la m�moire implacable de l'humanit� qui ne retient du temps et des actions des hommes que les fulgurances et les audaces. Talleyrand, visionnaire, admir� ou d�test�, incarnation de l'esprit et de l'intelligence, du cynisme parfois, inspirera moult �tudes historiques et artistiques. Notre Medelci se suffit, lui, de l�humble prestige nourricier du porte-voix du monarque. Car enfin, il n'a �chapp� � personne que cette affirmation brutale et sans panache selon laquelle �les forces de s�curit� alg�riennes ont commis des erreurs dans la prise d�otages du site d�In Am�nas�, qui va � contrecourant des d�clarations des grands de ce monde, n'�tait qu'une piteuse contre-offensive dans une basse comp�tition politicienne r�gl�e sur les pr�sidentielles de 2014. Dans le langage militaire, on appelle �a un �coup de main�. Sous plusieurs aspects, �a le fut. Un �coup de main� � Bouteflika chef de l'�tat, et dont Tiguentourine avait significativement alt�r� l'image en m�me temps qu�elle avait rehauss�, contre toute attente, celle des g�n�raux. Un �coup de main� pour Bouteflika futur candidat de 2014, dont un �minent observateur qui cumule l'exp�rience de l'ex-colonel du DRS et la clairvoyance du politologue, affirmait sur France 24 que �l��pisode d�In Am�nas aura des r�percussions sur [son] �ventuelle candidature�. Par la bouche de Medelci, promu ce samedi-l� � Davos, torpille de riposte, le clan pr�sidentiel r�pliquait � Tiguentourine qui avait tant discr�dit� Bouteflika, en tentant, � son tour, de d�valoriser l'image de l'arm�e alg�rienne. Et tant pis si Medelci, � Davos, d�savouait, en preux chevalier au service de Sa Majest�, jusqu�� son propre Premier ministre, Abdelmalek Sellal qui, la veille, de la tribune du 20e sommet ordinaire de l�Union africaine o� il repr�sente le pr�sident Bouteflika, martelait que �le professionnalisme et les choix judicieux� de l�arm�e alg�rienne �ont permis de sauver des centaines de vies, et d��viter les cons�quences, assur�ment d�sastreuses, si la destruction du site gazier n�a pas �t� emp�ch�e�. Apr�s tout, dira-t-on, ce n�est qu�une cacophonie qui s�ajoute � tant d�autres� Sans doute. Mais cette cacophonie-l� a de la r�sonance. Par la voix de Medelci, le clan Bouteflika contredisait toutes ces voix alg�riennes et �trang�res qui n'avaient vu dans l'op�ration militaire de Tiguentourine ni �erreurs� ni �aveuglement�, mais seulement �l�efficace intervention et l�op�ration r�ussie�, pour reprendre Mme Hanoune dont il faut bien relever, parfois, les insoup�onnables instants de lucidit�. Il d�mentait l'Union europ�enne (UE) dont on retient l'�appui� aux mesures prises par les autorit�s alg�riennes pour limiter les pertes en vies humaines et pr�server les installations �conomiques ; il d�mentait la Maison-Blanche qui rappella, avec tant de solennit�, que la priorit� est de repousser les hordes int�gristes qui entendent s�emparer du Sahel. Tiguentourine a chang� le contexte : nous ne sommes plus dans la phase de culpabilisation, j�allais dire de t�tanisation, des g�n�raux, la p�riode de l��pouvantail-TPI et du juge suisse auditionnant un ancien ministre de la D�fense ; nous sommes dans un cycle inattendu o� le chef militaire alg�rien devient ex�cuteur d�un vaste projet de d�livrance qui concerne une partie non n�gligeable de l�humanit�. Ce qui provoque l��moi du clan pr�sidentiel, c�est que Tiguentourine a retourn� contre Bouteflika jusqu�� ses suppos�s alli�s. Les royaumes, du Conseil de coop�ration du Golfe (CCG) qui a �fermement� condamn� l'acte terroriste et plaid� pour une �action commune dans la lutte contre le terrorisme et l'extr�misme�, au Maroc qui a exprim� sa solidarit� avec l'Alg�rie, ont paru changer de camp. Il va jusqu�� l�Otan, dont un membre singulier, la Turquie, a pr�conis� �l'unit� et la solidarit� de la communaut� internationale�, pour conforter les chefs militaires dans leur choix. Cela dit, la sortie de Medelci ressemble bien � un hommage discret � Talleyrand qui a de tout temps pens� que �le meilleur moyen de renverser un gouvernement, c'est d'en faire partie�.