Les salafistes algériens reprennent du poil de la bête. Ils font, ces derniers temps, beaucoup de bruit autour non point de la réanimation de quelques ligues dormantes mais à propos de leur prétention à participer à la vie politique partisane. Le rôle d'héraut et d'agitateur en chef est assumé par Cheikh Abdelfattah Zaraoui Hamadache, le porte-parole d'un parti en gestation, le Front de la sahwa islamique salafiste algérien. Quel oracle ce dernier aurait-il entendu pour ainsi s'afficher subitement dans un militantisme débordant ? Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) - La loi sur les partis politiques, qui interdit formellement la création d'un parti sur des bases religieuses, ne semble pas tempérer les ardeurs du salafiste Hamadache qui projette de passer de la prédication au militantisme partisan. L'idée est bien ancrée dans sa tête et le projet paraît bien avancé. Cheikh Hamadache et ses ouailles avaient prévu de tenir une assemblée générale constitutive du Front de la sahwa islamique salafiste algérien samedi dernier. Faute d'autorisation, le conclave n'a pu être organisé. Les services de la wilaya d'Alger ont dit niet à cette initiative. Cheikh Hamadache ne se contente pas d'en prendre acte et s'en retourner à la prédication. Il compte demander audience au wali d'Alger et au ministre de l'Intérieur. Il dit vouloir des explications sur le refus opposé à sa demande de réunir ses partisans en vue de fonder un parti politique. «Si le refus est d'ordre technique, on demandera de nous fixer une autre date pour la tenue de l'assemblée générale constitutive, sinon qu'on nous dise s'il s'agit d'un refus de création d'un parti politique.» On le voit, Hamadache n'entend pas renoncer à son projet. Un projet qui soulève une multitude de questions, notamment sur le timing de son annonce publique et la concomitance de cette dernière avec la furie d'une trentaine de salafistes contre un salon de thé dans le quartier huppé et branché de Saïd Hamdine (Hydra). En effet, samedi, aux environs de 17 heures, un groupe d'une trentaine de militants salafistes tout excités a pointé devant l'établissement pour réclamer sa fermeture au prétexte que sa clientèle, de jeunes couples, n'est pas du goût des nervis en kamis et barbes hirsutes. «Cet endroit de débauche doit fermer. Nous voulons chasser ces couples qui viennent ici commettre le péché.» Cette descente, qui intervient le jour même où devait être proclamée la naissance d'un parti salafiste, est une violence pratiquée par l'ex-Fis les premiers mois qui ont précédé sa légalisation. Les polices islamiques, rappelons- le, sévissaient dans les campus universitaires et les jardins publics où elles menaient la chasse aux couples. Etrange similitude avec ce qui vient de se passer à Saïd Hamdine. Mais aussi ce qui se passe en Tunisie ou, à l'ombre d'un pouvoir complaisant, les salafistes bombent le torse. D'ailleurs, il est donné de supposer que le re-bourgeonnement du salafisme en Algérie est aimanté par la poussée du même courant dans la Tunisie voisine. Le salafisme bénéficie-t-il, ici, cependant, d'attitudes complaisantes ? L'administration ne semble pas engagée à baliser le terrain devant son émancipation partisane. Du moins, pour le moment.