En cet après-midi du 25 février, une conférence sur l'écrivain Mouloud Mammeri était programmée au centre culturel Azzedine-Medjoubi, Alger. La rencontre était organisée par l'association El Kalima de la culture et de l'information qui voulait marquer la célébration du 24e anniversaire de la disparition de l'illustre écrivain, anthropologue, linguiste et défenseur de la langue amazighe. Surtout, il était prévu la participation de Rachid Boudjedra et Djilali Khellas, deux écrivains de renom. Malheureusement, ni l'un ni l'autre de nos deux éminents romanciers ne s'est présenté à ce rendezvous. Quelque peu gêné par ce faux bond inattendu, le jeune et dynamique président de l'association — le poète Abdelali Mezghiche — ne s'est pas laissé démonter. Il a aussitôt remplacé au pied levé ses deux invités, donnant lui-même une sorte de conférence improvisée sur Mouloud Mammeri. Abdelali Mezghiche s'est acquitté de son devoir de façon plutôt honorable, faisant quelque peu oublier sa déception au public présent. La voix et le luth du jeune Ahmed Mimouni d'Adrar qui ont régulièrement ponctué son intervention, ont contribué à l'intérêt de la rencontre. D'autant plus que le «conférencier » a soulevé des points de débat qui sont toujours d'actualité... Comme quoi, il n'est pas nécessaire d'avoir la science infuse pour donner une conférence digne d'intérêt. Avant de rendre hommage à Mouloud Mammeri, le président de l'association a informé l'assistance que les deux invités avaient pourtant confirmé leur présence deux jours auparavant. Et si, aujourd'hui, l'un (Djilali Khellas) dit être indisponible «pour raisons de santé», l'autre (Rachid Boudjedra) «n'a pas décroché son téléphone, et nous ignorons les raisons de son absence». Son intervention a été ensuite orientée sur le parcours de Mouloud Mammeri, sa vie et son œuvre, les circonstances de sa mort, l'héritage qu'il a légué à la culture algérienne... «En ce 24e anniversaire, a rappelé Abdelali Mezghiche, l'homme de tous les combats, l'écrivain engagé et fidèle aux causes justes mérite toute notre reconnaissance.» Il a valeur d'exemple pour les jeunes auteurs algériens. Par les temps actuels surtout. Car, ajoute le jeune poète, les écrivains qui défendent les causes nobles et qui sont au service de leur peuple ont perdu la voix. Une élite absente des débats, démissionnaire et complètement fragmentée alors même que l'actualité nationale et internationale l'interpelle. Et cela sans compter la déliquescence d'un environnement hostile ou indifférent (une union des écrivains bureaucratisée et rendue inutile, un ministère de la Culture hors du coup, des villes et régions qui n'honorent jamais ou si peu leurs illustres auteurs...). Malgré les très modestes moyens dont elle dispose, l'association El Kalima continue, elle, à travailler pour faire connaître et reconnaître d'authentiques hommes de culture algériens qui restent souvent ignorés ou complètement oubliés (y compris dans les programmes scolaires). A l'exemple du docteur Ahmed Ben Naâmane, auquel l'association a rendu un hommage ce 27 février 2013 à l'occasion de la Journée de la langue arabe.