L'ex-président du Conseil constitutionnel a quitté son poste après avoir déposé sa démission. La solution choisie pour «démettre» Tayeb Belaïz vise à apporter un semblant de légalité à une décision qui va à l'encontre de la Constitution. Tarek Hafid - Alger (Le Soir) L'Algérie a pour ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales un retraité de 65 ans. Mercredi dernier, avant d'être nommé à ce poste par le président de la République, Tayeb Belaïz a quitté la présidence du Conseil constitutionnel en faisant valoir ses droits à la retraite. C'est ce qui ressort du décret présidentiel n° 13-310 mettant fin aux fonctions du président du Conseil constitutionnel publié, hier, au Journal officiel. «Il est mis fin aux fonctions du président du Conseil constitutionnel, exercées par M. Tayeb Belaïz, admis à la retraite sur sa demande», précise ce décret. La procédure qui a été choisie par Abdelaziz Bouteflika pour faire migrer Belaïz du Conseil constitutionnel au ministère de l'Intérieur vise à donner un semblant de légalité à un acte contraire à la loi fondamentale. L'article 164 de la Constitution est très clair : «Le président de la République désigne, pour un mandat unique de six (6) ans, le président du Conseil constitutionnel.» Le président de la République le nomme mais ne peut mettre fin aux fonctions du président du Conseil. Mais pourquoi la mise à la retraite ? Pour tenter de comprendre la situation actuelle, il faut revenir au décret présidentiel n°89-143 du 7 août 1989 relatif aux règles se rapportant à l'organisation du Conseil constitutionnel et au statut de certains de ses personnels. L'article 4 de ce décret indique les causes pour lesquelles le président quitte son poste : «Le décès, la démission ou l'empêchement durable du président du Conseil constitutionnel donnent lieu à une délibération du Conseil constitutionnel intervenant sous la présidence du membre présent le plus âgé et dont notification est faite au président de la République.» Si l'on s'en tient à cette disposition, Abdelaziz Bouteflika ne serait intervenu qu'après délibération du Conseil. Mais Bouteflika avait tout prévu. En mai 2002, il modifie le décret présidentiel n°89-143 d'août 1989 pour en supprimer les dispositions initiales. Dans ce nouveau décret, l'article 4 a été reformulé pour consacrer l'institution d'un «centre d'études et de recherches constitutionnelles». Un tour de passe-passe qui a permis au chef de l'Etat de contrôler totalement le processus de désignation et de mise de fin de fonctions du président du Conseil constitutionnel. D'ailleurs, Abdelaziz Bouteflika usera rapidement de ce nouveau pouvoir. Après avoir nommé Mohamed Bédjaoui en mai 2002, il le démettra de ses fonctions trois années plus tard pour lui attribuer le poste de ministre des Affaires étrangères. C'était le premier cas d'«abrégement» du mandat du président du Conseil constitutionnel. Mais à l'époque, Bédjaoui n'avait pas eu à se justifier en faisant valoir ses droits à la retraite. Mais le contexte n'est plus le même. Tayeb Belaïz a été tenu de le faire pour éviter toute faille dans la stratégie de Bouteflika.