C'est parce qu'il a grandi dans un milieu hospitalier, entouré de malades, de médecins, d'infirmiers, côtoyé les insuffisants rénaux et compati à leur détresse que le docteur Sayah a décidé de dédier son existence à cette cause humanitaire. «En Algérie, et en termes de transfusions sanguines, on est arrivé à assurer la séparation des composantes basiques du sang : globules rouges et plasma ; on assure également la sécurité du sang, éloignant ainsi tout risque de transmission de certaines maladies aux personnes transfusées. Mais en ce qui concerne le don de plaquettes et des dérivés du plasma, notre pays est malheureusement à la traîne, et ce, malgré des ambitions affichées d'aller de l'avant et d'arriver à une autonomie dans ce domaine médical vital. Je commence par le don de plaquettes, indispensables dans le traitement des maladies auto-immunes (tel le PTI) (purpura thrombopénique immunologique) ou des cancers du sang, la leucémie par exemple, et qui est une opération aussi simple que celle du don du sang. La différence est qu'au lieu de prendre la totalité du liquide sanguin, l'appareil appelé «cytaphérèse» extrait seulement les plaquettes du donneur, cette machine permet également d'offrir des plaquettes saines instantanément du donneur au malade sans passer par les étapes intermédiaires actuellement opérationnelles à Bouira par exemple et qui consistent en une machine qui extrait, certes, les plaquettes, mais qui les garde jusqu'à cinq jours en suspension, ce qui les fait mourir et les rend donc inutilisables. Les patients de Bouira nécessitant une transfusion des plaquettes doivent de ce fait se déplacer à Tizi-Ouzou ou Alger pour être transfusés, et cela, sans garantie de trouver ce précieux liquide. L'un des objectifs fixé par l'association des donneurs de sang de Bouira est d'œuvrer pour que la wilaya bénéficie enfin d'une cytaphérèse, les donneurs de sang sont d'ores et déjà prêts à faire don de leurs plaquettes. Pour ce qui est des dérivés du plasma ; autrement appelés «protéines thérapeutiques» constitués par l'albumine, les fibrinogènes, les facteurs 8 et 9 ainsi que l'immunoglobuline, et qui permettent de prendre en charge les situations d'urgence (grands brûlés, hémorragies graves) ou encore les pathologies liées à un déficit immunitaire, à des troubles de la coagulation et à certaines maladies auto-immunes, l'Algérie les fournit actuellement à des prix exorbitants auprès du LFB qui est l'acronyme du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies. Le problème est qu'en tant que membres actifs et à part entière de la société civile, l'ensemble des citoyens algériens ont un droit de regard sur la politique sanitaire de notre gouvernement, notamment en termes de dépenses budgétaires. L'Algérie a affiché récemment son désir d'assurer son autonomie en termes de production de dérivés de plasma ; pour cela, un matériel de pointe et des structures importantes seront nécessaires, le tout pourrait coûter des fortunes à l'Etat. Mon interrogation sur ce sujet est : est-ce qu'en installant une telle unité, notre pays pourra rentabiliser ses investissement ? Pourra-t-il également garantir une qualité valable et un produit égalable à celui qu'il achète en France actuellement ? Sera-t-il à la hauteur pour faire face aux trois producteurs actuels que sont la Chine, la France et l'Inde, qui a rejoint ce marché il y a quelque temps ? Des questionnements qui inquiètent les praticiens de la santé et sur lesquelles nous exigeons une totale transparence de la part de notre gouvernement. Car des alternatives moins coûteuses existent, notamment avec l'exemple de nos voisins tunisiens et marocains qui envoient du plasma brut au fournisseur français qui, à son tour, les approvisionne en protéines thérapeutiques avec l'avantage d'un prix moins élevé. Ainsi, la population contribue par le don de plasma et l'Etat y gagne en dépenses faramineuses. Pour revenir à des préoccupations plus locales, à Bouira, et en vue de porter encore plus haut la cause du don du sang, nous avons travaillé dur et à tous les niveaux afin de cibler le maximum de personnes. Les enfants ont ainsi été l'une de nos priorités, et grâce à différentes activités culturelles et artistiques entreprises dans les établissements scolaires et culturels, nous avons réussi à les sensibiliser et à les gagner à notre cause. D'autre part, les jeunes et les sportifs qui constituent les donneurs potentiels vigoureux et en bonne forme physique ont tout de suite suivi lorsque nous avons entrepris de remettre au goût du jour le semi-marathon de Bouira, initié durant les années 80 par le défunt docteur Belkacemi également fondateur du Comité des donneurs de sang de Bouira. Dès les premières éditions, cette course pour le sang et la vie a attiré des foules denses de jeunes et de vieux, des femmes et des hommes, des sportifs accomplis et des amateurs débutants, réunis de façon spontanée et solidaire pour la promotion du don du sang. Une mobilisation citoyenne, fraternelle et humaine qui a fait de cet événement un incontournable du printemps à Bouira. Plus encore, et dès la quatrième édition, nous sommes passés à un événement d'envergure maghrébine puis internationale avec toujours la même affluence volontaire et solidaire de la population locale, nationale et mondiale. En 2009, nous avons reçu des athlètes de haut niveau qui se sont déplacés du Mali, de Mauritanie, de Tunisie et d'ailleurs sans aucune rémunération ni rétribution, juste pour rendre hommage et soutenir à leur façon la quête du don du sang. En 2013, et contre toute attente, nous nous sommes vu dans l'obligation d'annuler le semi-marathon des donneurs de sang de Bouira en raison du manque de moyens financiers, car depuis sa remise sur les pistes, l'organisation et le financement de cette course s'étaient faits uniquement avec les moyens personnels des membres du comité et de certains bienfaiteurs. Nous assurions la médiatisation de la course via les banderoles et les affiches publicitaires, nous devions parfois passer par la presse pour faire entendre nos voix, sans parler des bouteilles d'eau, des tee-shirts, de l'hébergement des participants venus des autres wilayas et de tout ce qui sert à rendre cette course digne d'un événement homologué par la plus haute instance d'athlétisme du monde. Mais lorsque nous avons reçu les premiers athlètes internationaux, nous devions au minimum leur assurer les billets d'avion, l'hébergement et la restauration ajoutés au petits cadeaux symboliques de félicitation et de remerciement, nos moyens ne suffisaient plus, et comme le semi-marathon était devenu un événement médiatisé qui a permis de mettre en lumière la wilaya de Bouira, nous avons réussi à avoir des promesses d'aides et de subventions de la part des autorités locales d'alors. Arrivés devant le fait, et ayant bénéficié d'une infime partie de ce dont nous avions besoin pour honorer nos invités, nous avons tout simplement, et non sans un pincement au cœur, annulé la septième édition du semi-marathon des donneurs de sang de Bouira, et je ne vous raconte pas la déception et le regret des milliers de participants qui nous ont cependant accordé tout leur soutien ; je les en remercie d'ailleurs par cette occasion. Par la suite, nous avons réussi à bénéficier d'un local pour notre association, et nous avons également réussi à implanter nos bureaux dans différentes villes de la wilaya afin de toucher des populations qui n'étaient pas encore visées par notre cause. par ailleurs, l'objectif qui revêt une grande importance pour nous en ce moment est d'arriver a constituer un fichier des donneurs de sang de la wilaya de Bouira qui permettra d'avoir les informations concernant le type et le rhésus sanguin ainsi que les coordonnées des donneurs, de pouvoir les contacter directement en cas de besoin et de façon mieux organisée et optimisée. En 2012, et contre toute attente, le docteur Sayah s'est vu décerner la médaille du mérite internationale qui lui a été accordée par la Fédération internationale des organisations de donneurs de sang (FIODS). Une reconnaissance du travail de longue haleine et de tous les jours menée à travers le comité. Il a également été honoré par la Fédération tunisienne et aussi maghrébine des donneurs de sang. «Ce fut un honneur et une fierté pour moi de recevoir de telles distinctions, cela montre que si l'on s'est donné entièrement à la cause, ce n'était pas pour rien. Je pense vraiment que chaque être humain doit laisser son empreinte sur terre et apporter sa contribution à la société dans laquelle il évolue. J'ai pris ce chemin, certes, plein de périples, mais ô combien valorisant ; j'estime pouvoir dire que j'ai participé à changer les choses en mieux, et je suis heureux de pouvoir laisser cela en héritage à mes enfants.»