Au moins 21 personnes ont été tuées mardi soir au Nigeria par l'explosion d'une bombe dans une foule qui regardait sur grand écran un match de la Coupe du monde de football, un sport dénoncé comme une perversion occidentale par Boko Haram. Cet attentat, qui a eu lieu à Damaturu, capitale de l'Etat de Yobe (nord), n'a pas été revendiqué. Il est le dernier d'une longue série d'attaques sanglantes, désormais quasi quotidiennes, attribuées au groupe islamiste armé, qui détient toujours 219 lycéennes enlevées mi-avril. Selon des habitants, la bombe avait été dissimulée dans un pousse-pousse motorisé devant un centre de retransmission, dans le quartier de Nayi-Nama, où une foule s'était rassemblée mardi soir pour regarder le match Brésil-Mexique sur grand écran. L'explosion a eu lieu vers 20h15 (19h15 GMT), selon Sanusi Ruf'ai, le chef de la police de l'Etat de Yobe, soit à peine un quart d'heure après le coup d'envoi à Fortaleza, au Brésil. «Nous avons reçu 21 cadavres et 27 blessés» après l'explosion, a déclaré une source médicale de l'hôpital Sani Abacha. Un premier bilan mardi soir ne faisait état que de plusieurs blessés. La source médicale, qui a requis l'anonymat, a indiqué que les cadavres et les blessés avaient été amenés à l'hôpital par la police et l'armée. «Les corps sont conservés à la morgue, les blessés sont en train d'être soignés (...) Les victimes sont de jeunes hommes et des enfants. Ils ont des brûlures, des tissus déchirés et des fractures», a ajouté cette source. Le commissaire Rufa'i a donné un bilan d'au moins 14 morts et 26 blessés. Les bilans contradictoires sont courants au Nigeria, où les autorités ont tendance à minimiser le nombre des victimes. Des images diffusées à la télévision nigériane montraient de nombreux blessés en sang à l'hôpital Sani Abacha. L'un d'entre eux, qui passait devant le centre de retransmission du match au moment de l'explosion, a déclaré à la chaîne privée Channels : «Je ne peux pas dire ce qui s'est passé, parce que tout le monde était focalisé sur sa propre survie.» Le président de la Fédération internationale de football (Fifa), Sepp Blatter, s'est dit horrifié par l'attentat de Damaturu et a estimé, dans un commentaire posté sur son compte Twitter que «le football doit unir les peuples, pas les diviser». Plusieurs centres de retransmission et terrains de football ont été attaqués récemment au Nigeria. Le 1er juin, plus de 40 personnes avaient péri dans le Nord-Est lorsqu'une bombe avait explosé au milieu de supporteurs sur un terrain, juste après un match. En avril déjà, des hommes armés avaient attaqué un centre de retransmission à Potiskum, autre ville de l'Etat de Yobe, pendant un match de quart de finale de la Ligue des champions, tuant deux personnes. Ces attaques, qui n'ont pas été revendiquées, ont été attribuées à Boko Haram, dont le chef Abubakar Shekau, dans de nombreuses vidéos, a décrit le football comme une perversion occidentale visant à éloigner les musulmans de la religion. Le football est le sport national au Nigeria, dont la population le suit avec une ferveur confinant au fanatisme. La Coupe du monde aurait dû normalement rassembler d'immenses foules devant les matches, notamment pour soutenir les Super Eagles, l'équipe nationale, qui a remporté la dernière Coupe d'Afrique des Nations. Mais de nombreux Nigérians ont décidé de rester chez eux par précaution. Après les récentes attaques, les Etats d'Adamawa (nord-est) et de Plateau (centre) ont décidé de fermer leurs centres de retransmission sur écran géant, pour des raisons de sécurité. Les Etats d'Adamawa, de Borno (le fief originel de Boko Haram) et de Yobe sont sous état d'urgence depuis mai 2013. La mesure était destinée à faire baisser les violences, sans succès pour l'instant — au contraire, les attaques se sont multipliées. Les violences perpétrées par Boko Haram, dont le nom signifie «l'éducation occidentale est un péché» en haoussa, la langue la plus parlée dans le Nord, ont déjà fait plus de 2 000 morts cette année. Les actions du groupe se sont encore intensifiées après l'enlèvement des lycéennes le 14 avril à Chibok, dans le Nord-Est. Depuis, des villages entiers de la région ont été rasés, des centaines de personnes tuées et l'aviation a effectué des frappes. De l'autre côté du continent, plusieurs pays d'Afrique de l'Est sont également en état d'alerte pendant la Coupe du monde, craignant des attentats des islamistes somaliens shebab liés à Al-Qaïda, dont les dernières attaques ont fait une soixantaine de victimes au Kenya dimanche et lundi. La Grande-Bretagne a prévenu ses ressortissants en Ethiopie, à Djibouti et au Kenya, dont les troupes combattent les Shebab en Somalie, du risque d'attaques contre des centres de retransmission des matchs dans ces pays.