La loi instituant les licences d'importation et les licences d'exportation, dont un projet sera présenté très prochainement en séance plénière à l'Assemblée populaire nationale, pourra-t-elle résister aux lobbies ? Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir) Le 9 avril dernier, le ministre du Commerce, Amara Benyounès, avait présenté un projet de loi sur le commerce extérieur devant les membres de la commission des affaires économiques, du développement, de l'industrie, du commerce et de la planification de l'Assemblée populaire nationale (APN). Ce projet de loi, qui amende et complète l'ordonnance n°03-04 de 2003 et revoit les règles générales applicables aux opérations d'importation et d'exportation, est déjà finalisé dans la mesure où les membres de cette commission parlementaire ont terminé l'audition des différents intervenants concernés et l'enrichissement de ce texte. Ainsi, le projet devrait être présenté prochainement, peut-être cette semaine, en séance plénière à l'APN pour être débattu et soumis à adoption, avant d'être examiné ultérieurement par les membres du Conseil de la nation. Une fois avalisée par le Parlement et promulguée, cette loi devrait ainsi entrer en vigueur dès le second semestre 2015, à charge cependant d'être confortée par la parution et la mise en œuvre rapides des textes d'application. Ce projet de loi est au demeurant important dans la mesure où il vise, comme le rappelle de manière récurrente son promoteur, à mieux protéger la production nationale, contribuer à assainir, équilibrer et professionnaliser le commerce extérieur, booster le développement des exportations hors hydrocarbures et rationaliser les importations. Ainsi, le texte en question institue, plutôt ré-encadre le régime des licences tant d'importation que d'exportation, conformément aux règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Censées ne pas contrevenir au principe de la liberté de commerce ou le remettre en cause, ces licences sont des procédures uniquement administratives qui régulent les opérations d'importation et d'exportation. Il ne s'agira pas d'interdire totalement l'importation ou l'exportation. Il sera plutôt question de fixer, de manière transparente et non discriminatoire, des conditions de volume et de durée pour l'importation de certains produits, déjà fabriqués localement ou dont la facture pèse sur la balance commerciale. Même si la nomenclature n'a pas été arrêtée définitivement, une vingtaine de produits sur les centaines de milliers importés devraient être toutefois concernés par ces licences. Il s'agit notamment, comme l'indiquait récemment le ministre du Commerce, du ciment, dont la facture d'importation avoisine les 600 millions de dollars par an, de l'alimentation du bétail (quelque 1,6 milliard de dollars) et des véhicules (de l'ordre de 5 à 6 milliards de dollars). Au-delà des modalités organisationnelles, les autorisations devant être mises en place en concertation avec les ministères de l'Agriculture, de l'Industrie, de la Pêche et gérées par les départements du commerce et des finances, la faisabilité de ce dispositif reste toutefois incertaine. Dans la mesure où l'importation de certains produits, qu'il s'agisse notamment de l'alimentation du bétail, est soumise au diktat de certains opérateurs privés, de lobbies assez puissants, le régime des licences pourra-t-il être possible ? Cette nouvelle loi pourra-t-elle résister à l'action de ces lobbies «extrêmement forts et puissants» que la protection de la production nationale et l'assainissement du commerce extérieur «vont déranger», selon Amara Benyounès ? Certes, l'exécutif dispose de mécanismes de régulation et de moyens administratifs et économiques lui permettant de contrecarrer l'action de ces groupes d'influence. Mais aura-t-il, cependant, toute latitude, voire assez de volonté pour le faire, même si le ministre du Commerce assure de sa détermination ? Un questionnement légitime d'autant que le gouvernement a récemment manqué de cohérence, de constance et de crédibilité dans la gestion de l'activité des concessionnaires automobiles ou la vente des boissons alcoolisées.