Fait nouveau dans la relation franco-marocaine, l'interpellation jeudi à Paris de deux journalistes français soupçonnés de chantage sur la personne du roi, de qui ils auraient exigé 3 millions d'euros pour ne pas publier un livre qu'ils venaient d'écrire et qui mettrait en lumière des informations compromettantes sur le monarque. Une nouvelle affaire qui éclate, curieusement, à quinze jours d'un voyage officiel du président François Hollande au Maroc. Simple coïncidence par un pur hasard de calendrier ou opération-commando lancée précisément à cette date par la France pour convaincre de sa volonté de mettre définitivement un terme aux brouilles, notamment juridiques et diplomatiques qui ont jalonné leur relation ces deux dernières années. Deux journalistes – Eric Laurent et Catherine Graciet se seraient rendus coupables d'un chantage auprès des services du roi Mohammed VI. Ayant écrit un livre compromettant sur le monarque et qui devait sortir en janvier ou février prochains chez l'éditeur Grasset (qui a confirmé aux médias, cette information), les deux journalistes auraient réclamé trois millions d'euros à Mohammed VI en échange de la non-publication de cet ouvrage. Trois rendez-vous auraient été pris avec des représentants du royaume marocain pour concrétiser l'opération. Suite à une plainte déposée par les autorités marocaines pour extorsion de fonds et chantage contre ces journalistes, le parquet de Paris a ouvert une enquête et ce serait ainsi que les deux derniers rendez-vous à Paris étaient sous surveillance policière. La rencontre de jeudi aurait permis aux policiers de filmer la scène de remise d'une avance de 80 000 euros sur les 2 millions objet de l'échange définitif et de procéder ainsi, à la sortie du restaurant, à l'interpellation des deux auteurs qui auraient été en possession du contrat, objet de l'échange. Ce n'est pas la première fois que les deux journalistes commettent des ouvrages sur le roi du Maroc et plus globalement sur les régimes de la région. En 2012, tous deux ont co-écrit sur le monarque marocain Le roi prédateur qui leur a valu l'interdiction d'entrée au Maroc de cet ouvrage. Toujours ensemble, les deux journalistes ont publié La régente de Carthage portant sur les frasques de Leila Trabersi, l'épouse de Benali. Catherine Graciet, journaliste indépendante qui a travaillé pour le site d'information Bakchich, a écrit en 2013 aux éditions du Seuil Sarkozy-Kadhafi, histoire secrète d'une trahison portant sur le financement par le leader libyen de la campagne présidentielle de Sarkozy. De nombreux autres livres enquêtes ont été commis par Eric Laurent, journaliste à Radio France, dont : Aux banques les milliards, à nous la crise qui devra sortir le 9 septembre prochain, La face cachée du pétrole, sorti chez Plon en 2016 et un livre d'entretiens avec Hassan II La mémoire d'un roi. Sur la monarchie marocaine, les scandales médiatiques ne datent pas d'aujourd'hui et viennent d'ailleurs plus du fait du monarque en place. Pour rappel, en décembre 2014 a été révélé le scandale du paiement par le roi Mohammed VI de 4 journalistes français de Libération, TF1, l'Express et Le Point. Les journalistes français auraient été rémunérés pour défendre la position de la monarchie contre la lutte du Polisario pour la libération de son territoire. Les journalistes incriminés alors : José Garçon, Mireille Duteil et Vincent Hervouêt, au vu des décomptes opérés par certains de leurs confrères ont publié chacun entre 22 et 26 chroniques entre seulement janvier et octobre 2014 sans qu'à aucun de leurs papiers, il n'ait été fait mention de la situation interne au Maroc. C'est dire que la corruption si elle a été réellement opérée ce jeudi n'est pas un phénomène nouveau. Ce sont les autorités marocaines elles-mêmes qui ont commencé à encourager ce type de pratiques en direction des médias. Quant à cette interpellation et garde à vue ce jeudi des deux auteurs, elles interviennent à quelques jours de la visite de François Hollande au Maroc (les 19 et 20 septembre prochain). «Une visite, selon le site d'information Atlas Info «qui viendra consolider davantage de retrouvailles entre Rabat et Paris entre une brouille inédite d'une année entre les deux pays». Il faut se rappeler, en effet, que les deux pays ont connu une cassure diplomatique de plusieurs mois et l'arrêt par Rabat de tout accord juridique avec le royaume. Cette affaire intervenait suite à une enquête menée à Paris sur des accusations de tortures au Maroc contre Abdeltif Hammouchi, le patron du contre-espionnage. La réconciliation a été ensuite possible au cours de cette année et une nouvelle convention d'entraide judiciaire a été signée. C'est dans ce contexte que le Président français va faire son déplacement au Maroc. C'est dans ce contexte aussi que l'arrestation jeudi des deux journalistes s'est effectuée. A-t-on voulu donner un gage à la partie marocaine sur l'entière disponibilité du pouvoir français et de sa justice à collaborer pour éviter que des vérités soient publiées sur le monarque ? Nul ne peut accréditer cette thèse comme nul, non plus, ne peut être certain, que les journalistes ont effectivement tenté de corrompre les autorités marocaines. La suite de l'enquête nous éclairera.