«Kateb Yacine, écrivain aux multiples facettes», est le thème d'un colloque qui s'est tenu les 28 et 29 octobre 2015, à l'initiative de la Direction de la culture de la Wilaya de Tizi-Ouzou, en partenariat avec la Faculté des lettres et des langues de l'université Mouloud-Mammeri de Tizi-Ouzou. Dans cette rencontre des enseignants et des étudiants en master de l'université de Tizi-Ouzou, il a été question de l'engagement poétique et politique du père de Nedjma. Les innovations textuelles et esthétiques et l'apport à la littérature algérienne dans ses variantes romanesques et dramaturgiques de celui qui a été, tour à tour, romancier, poète, dramaturge, essayiste et journaliste, ont été au centre de l'interrogation, dans une tentative de déconstruction-construction de la dimension «complexe et multiple» de l'œuvre de Kateb Yacine qui a amorcé une sorte de rupture épistémologique dans son rapport aux langues de création. En témoigne, selon le texte de présentation des organisateurs du colloque de Tizi-Ouzou, le grand tournant qu'il a amorcé en 1971, lorsqu'il s'est mis à produire et à créer dans les langues populaires algériennes, l'arabe dialectale et tamazight, pour élaborer un théâtre d'expression populaire, s'adressant aux diverses franges du peuple. Dans «Des métamorphoses de l'âne d'Apulée à La poudre d'intelligence de Kateb Yacine ou le génie populaire réinventé», Fatima Malika Boukhellou, Docteure en langue et civilisation françaises, université Mouloud-Mammeri, Tizi Ouzou, emprunte la notion d'hypo-textualité chère à Gérard Genette pour localiser des éléments significatifs sur l'existence d'une relation intertextuelle entre Kateb et Apulée de Madaure. Autrement dit, l'universitaire voulait savoir si Kateb Yacine s'est inspiré du premier roman dans la littérature universelle pour réécrire la pièce La poudre d'intelligence, de retracer les origines de l'œuvre théâtrale de Kateb Yacine dans Les métamorphoses de l'âne d'Apulée, en raison, expliquera la conférencière, de l'existence d'éléments stylistiques et rhétoriques identiques chez les deux auteurs. Dans le corps et la poétique des quatre éléments dans la pièce Les ancêtres redoublent de férocité, Nadia Tidmimt, université Mouloud-Mammeri de Tizi-Ouzou s'intéresse aux structures narratives et aux référents symboliques mis en œuvre par Kateb Yacine pour élaborer son œuvre dramatique où «le corps (dramatique) est mis en scène avant la parole», nous dit l'universitaire qui trouve que «le corps mis en scène dans Les ancêtres redoublent de férocité sont en interaction avec la symbolique des éléments proposés par Bachelard. Chebili Ali, enseignant au département de français, université de Tizi-Ouzou aborde le thème de Nedjma, écriture polyphonique de ruptures ou la rébellion esthétique. «Poétique de l'engagement dans Nedjma de Kateb Yacine» est l'intitulé de la communication de Mohammed Yefsah, Docteur en lettres et arts, université Lumière Lyon 2. Le conférencier qui est journaliste et qui collabore avec de nombreuses publications spécialisées en littérature, notamment la revue La cause littéraire aborde le thème de l'engagement immanent à l'œuvre majeure de Kateb Yacine, Nedjma «roman, dit-il, particulièrement dense par son style et riche par sa poésie et qui articule sur le plan de l'imaginaire politique, plusieurs dimensions qui rendent compte des contradictions du monde colonial.» Œuvre scripturaire et d'imagination, Nedjma cristallise «une esthétique de combat» et une forme d'engagement contre l'ordre colonial. Combat qui a été à l'origine de la prise de conscience et l'investissement précoce et de jeunesse dans l'action politique de Kateb Yacine «un homme d'engagement et de convictions», jugera M. Yefsah pour qui ces éléments biographiques n'ont rien à voir avec le thème de l'engagement propre au texte, étant donné que toute tentative de décryptage d'une œuvre doit émaner du texte.