En limitant les importations de véhicules sous régime de licences à un volume précis, le ministère de l'Industrie et des Mines respecte-t-il la réglementation ? Le département de Abdesselam Bouchouareb empièterait-il sur les prérogatives du comité interministériel institué auprès du ministère du Commerce ? Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir) - Dans une note adressée il y a cinq jours aux concessionnaires automobiles, le secrétariat général du ministère de l'Industrie et des Mines annonce que l'importation des véhicules est soumise au régime des licences sur la base d'un quota. «Conformément aux dispositions du décret exécutif n°15/-306 du 6 décembre 2015 fixant les conditions et les modalités d'application des régimes des licences d'importation ou d'exportation de produits et marchandises, l'importation de véhicules est soumise au régime des licences sur la base d'un quota global pour l'exercice 2016», indique cette note confidentielle. L'industrie fixe un volume d'importations De fait, le département de Abdesselam Bouchouareb informe les concessionnaires automobiles qu'«à cet effet, tout concessionnaire remplissant les conditions conformes à la réglementation en vigueur peut introduire une demande de licences d'importation sur la base de 50% de la moyenne des flux courants de ses importations des années précédentes, corrélés au respect du cahier des charges (fixant les conditions et modalités d'exercice de l'activité de concessionnaires de véhicules automobiles, remorques et semi-remorques neufs) ainsi que sa situation fiscale ». Par ailleurs, l'on informe les opérateurs concernés que «toutes les livraisons de véhicules effectuées à partir du 1er janvier 2016 sont automatiquement déduites des quantités autorisées par les quotas de 2016, au titre de ce dispositif». Dans ce contexte, l'on annonce qu'«une réunion regroupant l'ensemble des concessionnaires réguliers sera organisée à une date qui vous sera communiquée ultérieurement, au niveau du ministère de l'Industrie et des Mines, afin d'apporter les éclaircissements relatifs à la mise en place du dispositif des licences». Ainsi, le département de Abdesselam Bouchouareb indique qu'il a déjà déterminé le volume des importations de véhicules soumises au régime des licences, «conformément » aux dispositions du décret exécutif fixant les conditions et modalités d'application du régime des licences d'importation ou d'exportation de produits et marchandises. S'agit-il d'une licence automatique ? Or, ce texte réglementaire publié un mois auparavant qui indique que «les produits et les marchandises importés ou exportés, dans le cadre des régimes de licence, sont soumis à une autorisation préalable dénommée selon le cas "licence d'importation" ou "licence d'exportation"», prévoit l'octroi de deux types de licences, soit les licences automatiques et les licences non automatiques. Concernant les licences automatiques, celles-ci sont «délivrées par les secteurs ministériels concernés sur la base d'une demande accompagnée de documents justifiant la conformité des produits et des marchandises selon leur nature et la situation juridique des opérateurs économiques», indique le décret. Notons que ce texte précise que «des prescriptions administratives établies par les secteurs ministériels sous forme d'autorisations techniques et/ou statistiques préalables à l'importation ou à l'exportation de produits et de marchandises, doivent être mises en œuvre en conformité avec les régimes de licences automatiques, édictées par l'ordonnance n°03-04 du 19 juillet 2003, modifiée et complétée». Par conséquent, le ministère de l'Industrie et des Mines est habilité à délivrer une licence, une autorisation d'importation sur la base d'une demande accompagnée de documents justificatifs, pour des produits tels les véhicules. Comme ce secteur peut établir des prescriptions administratives et/ou techniques qui doivent être cependant conformes aux dispositions légales. En ce sens, la note du secrétariat général du département de Abdesselam Bouchouareb semble conforme dans la mesure où elle permet aux concessionnaires automobiles d'introduire des demandes de licences d'importation. Il semble ainsi que la note range les véhicules dans la catégorie des produits soumis au régime des licences automatiques. Mais serait-ce une licence non automatique ? Toutefois, la note fixe un certain volume d'importation pour les véhicules, et donc fixe un quota et par conséquent restreint les importations. Ce que la loi n°15-15 du 15 juillet 2015 modifiant et complétant l'ordonnance n°03-04 du 19 juillet 2003 relative aux règles générales applicables aux opérations d'importation et d'exportation de marchandises. Mais en limitant les importations de véhicules en leur fixant un quota global d'une année, la note du ministère de l'Industrie range les véhicules sous la catégorie des produits soumis au régime des licences non automatiques. Cependant, ces licences, définies comme devant «gérer des contingents de produits et de marchandises à l'importation ou à l'exportation», sont accordées par le ministre chargé du Commerce selon l'article 5 du décret du 6 décembre 2015. De fait, le ministre du Commerce est censé délivrer ces licences non automatiques, sur proposition du Comité interministériel permanent chargé de l'examen des demandes de licences. Présidé par le secrétaire général du ministère du Commerce, ce comité qui compte deux représentants du ministère des Finances (Directions générales des Douanes et des Impôts), un représentant du ministère de l'Industrie et des Mines, un représentant du ministère de l'Agriculture, du Développement rural et de la Pêche et un représentant du ministère du Commerce, est chargé de «l'examen des demandes de licences d'importation ou d'exportation par référence aux besoins exprimés et aux statistiques résultant de l'exploitation des données obtenues et/ou fournies par les départements ministériels ainsi que par les représentants des associations professionnelles et patronales ». Ce comité est également chargé de formuler des propositions au ministre du Commerce concernant, notamment : l'identification et l'actualisation de la liste des produits et marchandises à contingenter ; la détermination des volumes quantitatifs des contingents ; le choix des méthodes et modalités de répartition des quotas à attribuer aux opérateurs économiques concernés, sur les contingents ; le résultat de l'exploitation et du traitement des demandes de licences d'importation ou d'exportation de produits et marchandises. En l'occurrence, il revient au comité interministériel d'examiner les demandes de licences d'importation de véhicules et de proposer au ministre du Commerce la liste des véhicules à contingenter, la détermination des volumes quantitatifs des contingents ainsi que le choix des méthodes et modalité de répartition des quotas à attribuer aux concessionnaires. Y a-t-il eu chevauchement de prérogatives ministérielles ? En ce sens, le ministère de l'Industrie aurait-il empiété, de fait ou involontairement sur les prérogatives du comité interministériel institué au niveau du Commerce, en fixant un certain volume d'importation, un quota global pour l'exercice 2016, et en prédéterminant l'échéancier ? Rappelons que la licence d'importation est délivrée pour une durée de 6 mois, quoiqu'une durée supérieure puisse être fixée, le cas échéant... Le département d'Abdesselam Bouchouareb aurait ainsi mal ou peu respecté la réglementation tant en indiquant de facto et le contingentement et le mode de répartition des quotas qu'en informant les concessionnaires automobiles, censés remplir les conditions de conformité, qu'ils peuvent introduire des demandes de licences. En effet, la note reste vague sur la localisation des lieux de dépôt des demandes de licences même s'il est laissé entendre qu'il s'agit des directions locales de l'industrie et des mines. Cela en rappelant que les licences automatiques sont délivrées par le département concerné. Or, le décret de décembre 2015 stipule que les demandes de licences (sans préciser s'il s'agit des automatiques, des non automatiques ou les deux) «peuvent être déposées par les opérateurs concernés au niveau des directions du commerce des wilayas territorialement compétentes ». Quid d'un flou sur le plan réglementaire ? Ce que plusieurs concessionnaires ont déjà commencé à faire. Des opérateurs qui se retrouvent néanmoins dans une situation de flou, encore une autre, dans la mesure où ils se conforment à une réglementation qui s'impose à tous. Mais une réglementation à laquelle le département ministériel de l'Industrie entend se conformer à sa manière. Notons que si la note en question évoque le contingentement de facto, elle doit être confortée par la publication par le ministère de l'Industrie d'un avis d'ouverture de contingent. Ce que le ministère du Commerce a déjà fait concernant les produits agricoles contingentés dans le cadre de l'accord d'association avec l'Union européenne. Mais à la décharge peut-être du ministère de l'Industrie et des Mines, les dernières dispositions réglementaires peuvent prêter à libre interprétation, le décret n'explicitant pas assez les modalités relatives aux licences automatiques comme il ne définit pas les cas d'exemptions ou de chevauchement des prérogatives. Comme cette note reste assez générale dans son contenu. Voire, c'est une situation de flou réglementaire qui permettrait au département de l'Industrie d'agir de cette manière. C. B. Les quotas n'ont pas encore été fixés, selon le ministère du Commerce Les quotas d'importation de véhicules sous régime des licences n'ont pas encore été fixés, indique-t-on au ministère du Commerce. Cité hier par l'Agence nationale de presse, le président du secrétariat du comité installé auprès du ministère du Commerce et chargé de la délivrance des licences, Saïd Djellab, a indiqué qu'aucune décision n'a encore été prise officiellement par le comité. Néanmoins, Saïd Djellab a indiqué que la répartition par opérateur sera décidée par ce comité selon des critères précis à savoir : les courants d'échanges traditionnels de l'importateur, la situation fiscale et le type d'investissement sur le territoire national. Auparavant, le représentant du comité avait indiqué que les licences d'importation pour les véhicules concerneront uniquement les opérateurs qui font la revente en l'état. «Pour les véhicules, les licences concerneront les véhicules de tourisme et du transport de personnes ainsi que les véhicules commerciaux. Tandis que les engins tels que les camions et tracteurs que des gens importent pour le propre fonctionnement de leur entreprise, ne sont pas concernés par ce dispositif de licences», souligne- t-il. Cette précision est apportée par ce responsable du fait que des particuliers qui ont voulu importer des véhicules (tracteurs, camions...) pour le fonctionnement de leurs sociétés se plaignent des banques qui refusent d'effectuer les opérations de domiciliation bancaire pour motif d'exigence de la licence. En outre, Saïd Djellab relèvera que le dispositif des licences d'importation prévoit une mesure visant à mettre fin au monopole de certains importateurs pour certains produits. «Dans la répartition des contingents par opérateur, un des objectifs assignés est l'élimination du monopole. Ainsi, aucun opérateur n'aura le droit d'importer plus de 30% des contingents globaux fixés», précise ce responsable. Notons que la liste officielle des produits soumis aux licences d'importation ainsi que les quotas globaux fixés seront annoncés dans les prochains jours, et ce, avant de procéder aux dépôts des demandes des licences dont l'ouverture est prévue pour la deuxième quinzaine de janvier en cours. Cette liste contient une dizaine de produits agricoles et industriels dont les véhicules, le ciment portland gris et le rond à béton.