Ce début du mois de septembre 2016, dont les journées préludaient aux fêtes populaires de l'Aïd el-Adha, fut annonciateur d'une flambée des prix du mouton, des vêtements et des viandes blanches. Les viandes blanches ont annoncé la couleur depuis les mois de juillet et août 2016, pour frôler le prix de 400 dinars le kilo, passant du simple au double depuis le mois de mai 2016. Mais au-delà de ces réalités gênantes, c'est l'inaccessible mouton de l'Aïd, qui se laisse désirer, tant par les prix qui fluctuent du simple au double avec des minima de 25 000 dinars et des maxima de 75 000 dinars. Nous avons assisté, lors de nos récentes visites aux marchés aux bestiaux de Hadjout, de Koléa, de Gouraya, Damous à une frénésie des prix. Ce sont les maquignons de Aïn Defla, de Chlef, de Djelfa, Tiaret et Mostaganem, qu'on retrouve dans ces principaux souks. «Ce sont ces éleveurs et revendeurs, venus des régions des Hauts-Plateaux, qui définissent les prix du mouton», nous déclare, un vieil habitué de ces marchés aux bestiaux, au niveau de la périphérie de souk el Mexique de Koléa. Mais le mouton s'impose comme une obligation tant au niveau religieux, que familial. Que pensent les hommes de la foi ? «chaque année, à l'époque du grand pèlerinage à La Mecque, les musulmans immolent des moutons ou béliers, en souvenir du sacrifice effectué par le Prophète Ibrahim El Khalil», nous affirme un érudit musulman, qui nous expliquait, les préceptes requis par ce rituel. A ce titre, cet interlocuteur nous précise que le sacrifice du mouton est obligatoire pour ceux ayant les moyens, et devra respecter un «rituel» obligatoire et strict. S'agissant de l'Aïd el-Adha, un pieux hadji musulman nous précise : «l'Aïd el-Adha, appelé aussi Aïd el-Kebir, symbolise, dans l'islam, le rattachement à Ibrahim El Khalil et au monothéisme pur. Cette fête revêt donc une haute valeur religieuse et morale. Les sacrifices exigés lors de l'Aïd el-Adha, sont des sacrifices d'animaux dont la consommation est licite en islam. Ce sont des ovins, des caprins, bovins et camelins. Cependant dans la pratique, on égorge surtout des moutons, selon une obligation traditionnelle. Ces moutons ne doivent être, ni borgnes, ni malades, ni boiteux, ni maigres sans aucune graisse. Eviter le choix d'une bête ayant une tare», nous affirme notre source. Mais, lors de ces journées de fête des Algériens, le beau temps reste attendu durant l'Aïd. A Cherchell, ce sont les organisations caritatives et le croissant rouge algérien qui préparent fiévreusement la distribution des vivres et des vêtements aux familles nécessiteuses. En ces journées de fête, ce sont les bambins, et les enfants en bas âge, qui seront habillés et parés de leurs rutilants bijoux en toc, pour aller glaner des dinars, dans leurs sacs de l'Aïd, en offrant des bises aux parents et aux proches. Mais cette journée de l'Aïd sera surtout marquée par les méchouis de circonstance, où vont se rassasier des familles et leurs proches. Ce sont les brochettes, qui marqueront et symboliseront ces regroupements familiaux. Les viscères, foie et cœur, seront les plus prisés. Mais les mères de familles, plus pieuses, s'attacheront d'abord à faire respecter le rituel d'offrandes, en découpant des quartiers d'une partie du mouton, destinés à être offerts aux pauvres et aux démunis. D'autres familles plus démunies, achèteront certainement des quartiers de viande aux détails. Le climat social qui prévaut en cette journée sacrée reste marqué par les perspectives d'une austérité inquiétante. Selon Si Ali. M., un retraité, nous confie à ce propos : «Nous sommes une frange de la population, dont la précarité financière et budgétaire est d'une sensibilité extrême et, à ce titre, nous sommes aussi concernés par la situation sociale et politique de notre pays. Malgré que je constate une sérénité de la population qui n'est plus stressée par les problèmes sécuritaires.» A Tipasa, les marchés des fruits et légumes ne sont plus mis à l'index, les fruits et légumes sont à la portée de toutes les bourses, même si la viande fraîche reste peu abordable, le congelé prend la relève. Les foyers consomment de la viande presque quotidiennement. Au niveau des grands centres urbains de la wilaya de Tipasa, l'austérité et la sévérité des dépenses familiales sont à l'origine d'une importante baisse des prix de fruits et légumes, mais aussi ceux des effets vestimentaires. Les marchés de Hadjout obtiennent la palme avec des prix sacrifiés. Des souliers de valeur vendus comme neufs avec des prix inférieurs à 1 000 dinars. De belles jupes modernes, vendues à moins de 500 dinars. Des vestes légères sont presque bradées. Mais à Koléa, ce sont les vêtements de friperie qui restent les plus prisés, avec des prix fixés à moins de 500 dinars, particulièrement les belles vestes, des jupes made in, des jeans à l'état neuf. Un groupe de jeunes algériens croisé la veille devant un amas de vêtements de friperie, nous déclara en toute liberté : «nous sommes des habitués, voire des abonnés, à Souk el Mexique de Koléa. On retrouve des pièces ,de moins de 200 dinars, vendues ailleurs plus de 500 dinars. On n'éprouve aucune honte, aucun complexe, soyez-en certains», nous affirme ce groupe de jeunes.